Médias (21 février 2008)
Des relations
sur un mode virtuel
Entrés dans l’ère des nouvelles technologies, nous vivons à l’heure de
l’évolution perpétuelle, à une vitesse redoutable, des modes de
communication. De ce fait, nous dessinons les traits de nouveaux rapports au
monde et aux autres. Nos manières de rencontrer et d’entretenir des liens
sont révolutionnées.
En
effet, le virtuel prend de plus en plus d’ampleur. D’une papote au téléphone
sans se voir, qui s’en étonnerait aujourd’hui? Qui regarderait encore une
photo, en se trouvant surpris par la magie de se voir représenté, ébahi
d’être spectateur rétrospectif d’un instant vécu? Qui scruterait encore le
petit écran installé dans le salon, avec curiosité et incrédulité face à la
déferlante d’images, captées aux quatre coins du monde, retravaillées
parfois, montées toujours, et dont on ne sait plus dire si elles sont
document ou fiction? “Des voix sans corps”(1), des formes sans odeurs
ni matières, nous en côtoyons sans surprise, ni effroi.
Or, depuis
l’apparition du téléphone, de la photographie ou de la télévision, il semble
s’être déjà passé une éternité tant les TIC (technologies de l’information
et de la communication) se déploient. Des “bouleversements” estime le
psychiatre Serge Tisseron, qui les passe au crible de son analyse, dans un
récent ouvrage intitulé “Virtuel, mon amour” et sous-titré “Penser, aimer,
souffrir à l’ère des nouvelles technologies”.
Un vaste réseau
d’amis choisis
Le Web permet de se sentir proche et
reconnu sans pour autant perdre son sentiment d'indépendance. |
“Qui n’a
pas un jour rêvé de profiter des avantages de la solitude tout en disposant
à tout moment d’un important réseau d’amis?”, interpelle-t-il. Et de
relever que le virtuel apparaît comme le moyen de cumuler vie partagée et
solitude. Le Web, et certains sites comme Facebook, MySpace ou Second Life
(voir encadré), permettent de se sentir proche et reconnu sans pour autant
perdre son sentiment d’indépendance. Pourtant, remarque l’auteur, “nous
avons de plus en plus de doutes quant à la disponibilité de notre
interlocuteur”. Et de pointer les questions qui ne manquent pas de fuser
à chaque conversation téléphonique ou online depuis l’invention du portable,
“t’es où?”, “tu fais quoi?”, “t’es seul?”.
Les
contacts virtuels sont, pour certains, une entrée en matière qui amènera à
se croiser dans la vie réelle. Mais, ils semblent de plus en plus nombreux
ceux qui ne font pas de la communication à distance un préliminaire, y
voient une forme de relation à part entière. Or, souligne Jacques Salomé(2),
psychosociologue, “la rencontre permise par Internet est une rencontre
irréelle constituée d’un ensemble de projections: on projette sur l’autre
nos peurs, nos désirs, nos attentes”. Elle ne doit pas être confondue
avec une “relation”.
Le rapport à l’autre
Cette
exclusivité du virtuel n’est pas sans danger. A l’instar de Serge Tisseron,
José Gerard, directeur du Mouvement pour le couple et la famille, attire
l’attention sur ce mode de relation “fantasmée”, “sans jamais de
confrontation avec la réalité”. Se penchant sur l’influence des
nouvelles technologies dans les rapports familiaux, il indique que la
préséance du virtuel “peut amener de grandes déconvenues si un jour on
rencontre effectivement la personne, mais cela peut aussi amener certains
jeunes (ou moins jeunes d’ailleurs) à trouver les relations réelles très
insatisfaisantes.”(3)
La Toile favorise la grande intimité
des propos, leurs outrances également. |
Serge
Tisseron poursuit ses constats, invitant à la prudence: le Web facilite le
désengagement sans devoir rendre de comptes. Et l’anonymat de la Toile
favorise la grande intimité des propos, leurs outrances également. Dans une
impudeur relative, puisqu’elle reste sous couvert de l’incognito. Mais,
reconnaissons-le, le Web, c’est aussi l’élargissement du spectre des
rencontres et des dialogues possibles, avec des personnes qui auraient été
moins aisément accessibles en chair et en os. C’est la possibilité de créer
ensemble. D’autant plus depuis l’avènement du Web 02. Cette deuxième
génération de l’Internet a renouvelé l’univers de la Toile, en générant des
sites de collaboration, de partage entre internautes. Des sites basés sur
des réseaux sociaux où l’interaction est reine.
Le rapport au réel
Au-delà des
bouleversements dans les relations aux autres, c’est aussi le rapport à la
réalité qui se trouve modifié par le développement du virtuel. Là, on peut
ignorer ce que l’on n’a pas envie de connaître. En surfant, en effet,
l’internaute peut se limiter à ne découvrir que ce qu’il aime, ce qu’il
connaît déjà, à ne naviguer que dans ses a priori. Le risque est d’autant
plus inquiétant que se développent les technologies “affinitaires”,
ne proposant à l’utilisateur que ce qu’il a l’habitude de chercher.
“La
machine à oublier” comme la nomme Serge Tisseron permet de fuir le réel.
Avatar à l’appui, parfois. “La première des surprises, en allant dans
les mondes virtuels, est de découvrir que chacun s’y fait représenter par un
avatar qui ne lui ressemble en rien, et dont il se sent pourtant très
proche”, remarque l’observateur du virtuel. A son avis, avoir un minimum
de satisfaction et de gratification dans la “vraievie” serait le gage
du bon usage du virtuel.
Pas en spectateur
Surtout,
insiste-t-il, ce monde virtuel ne se construit pas sans nous. S’il donne
l’impression de nous échapper, il y a pourtant des moyens de le faire
évoluer favorablement. Le psychiatre donne deux pistes. L’une familiale: que
les parents cessent de considérer les heures passées par leurs enfants sur
Internet comme un passe-temps. Un loisir pour lequel ils contrôleraient
uniquement la durée. Serge Tisseron invite les parents à apprendre à
s’intéresser à la façon dont leurs enfants utilisent les nouvelles
technologies. A l’adresse de tout un chacun, l’autre piste tient en une
proposition de lutte contre les “mirages des écrans”. Il enjoint à
développer des dispositifs centrés sur le corps, la parole, l’empathie…
“De nouveaux repères sont à inventer, centrés sur la revalorisation du corps
et des sens et sur le goût du jeu”.
Catherine Daloze
(1) Serge Tisseron, Virtuel, mon amour. Éd. Albin
Michel. 2008. 19,05 EUR.
(2) Voir “Internet, le choc du premier rendez-vous” sur
www.psychologies.com
(3) Interview réalisée par le Centre permanent pour la
citoyenneté et la participation, à la suite de la parution d’un dossier
“Nouveaux médias et relations”, éd. Feuilles familiales, 2003.
Plus
d’infos:
http://www.couplesfamilles.be/
Dico pour les moins câblés |
Facebook est
un site de réseautage social. Activant les liens avec le profil d’amis
inscrits sur le site, l’internaute constitue sa liste de potes et peut
échanger quelques nouvelles. D’ami en ami, perdu de vue ou aperçu sur la
Toile, le réseau se constitue autour de l’internaute. Le nom du site
s’inspire des albums photo (trombinoscopes ou facebooks en anglais)
regroupant les photos d’une année scolaire et distribuées à la fin de
celle-ci aux collégiens, lycéens et étudiants. Créé en 2004 par un étudiant
de Harvard, le site est ouvert à tous depuis mai 2007. En janvier 2008,
Facebook disait rassembler plus de 62 millions de membres à travers le
monde. “Un phénomène” au point de générer des petits dont son antithèse
“Hatebook” où se cliquent les ennemis. Facebook est annoncé en version
française pour mars.
Voir:
www.facebook.com/
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MySpace est
un espace Web personnalisé, permettant à la fois de créer un blog,
d'entreposer ses compositions musicales et de donner diverses informations
personnelles. Connu pour héberger de nombreux sites internet de groupes
musicaux¸ le site possède aussi un système de messagerie. Les artistes, les
créateurs, les asbl et le monde de l’entreprise investissent de plus en plus
MySpace dans leur stratégie de diffusion et/ou de distribution de leurs
productions. Skyblog en est le concurrent français.
Voir:
www.myspace.com et
http://fr.myspace.com/
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Second Life
est un univers virtuel, “un monde persistant” en trois dimensions, au sein
duquel l’internaute mène une deuxième vie sous la forme de son avatar, le
personnage virtuel qu’il a créé, pour lequel il a choisi un pseudo, un
habillage, pour lequel il achètera des attributs, des accessoires... Balade,
sport, shopping, mariage, création d’entreprise, sexe… tout est possible.
Les boutiques de marques connues, les pubs ont déjà envahi Second Life et ce
monde possède sa propre monnaie, le “linden dollar”, que l’on peut échanger
contre des “vrais” dollars (en juillet un peu plus de 320 linden dollars
équivalait 1 euro). Une affaire commerciale aussi.
Voir:
http://secondlife.com/
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En progression |
D’après une
enquête de l’Agence wallonne des télécommunications (1) menée en 2006 mais
qui donne déjà l’ampleur de l’usage des nouvelles technologies:
► 84% des
Wallons de 15 ans et plus disposent d’un GSM.
► 63% des
ménages wallons disposent d’un ordinateur et 52% ont un accès Internet.
► Les
enfants utilisent beaucoup Internet: 81% des 11 à 14 ans et 37% des moins de
11 ans.
► Parmi
ceux qui n’utilisent jamais ni l’ordinateur, ni Internet, deux-tiers sont
des personnes de plus de 50 ans, bien souvent retraitées.
En ce qui
concerne plus précisément les jeunes, le Crioc (2) confirme l’augmentation
de l’usage du GSM (86 % des jeunes francophones de plus de 13 ans en
possèdent un). De même que l’utilisation assidue d’Internet. 9 jeunes sur 10
utilisent Internet, et ce, quotidiennement.
(1) Infos: “Citoyens wallons 2006” - www.awt.be
(rubrique: “société de l’information”)
(2) Centre de recherche et d'information des organisations de consommateurs
- http://www.crioc.be/ -
02/547.06.20.
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