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Médias (6 mai 2010)

L'hosto sur un plateau TV

Grey's anatomy, Urgences, Docteur House…: les séries médicales envahissent le petit écran. En “prime time”, l'hôpital s'invite dans les salons avec son lot de diagnostics, d'opérations… mais aussi de romances et de moments de la vie quotidienne des médecins, infirmier(e)s. Chaque diffusion rassemble des milliers de téléspectateurs. La médecine mise en scène reflète-t-elle la réalité?

© AP-Reporters

 

 

 

 

 

 La série Grey’s anatomy est filmée dans

les studios de la télévision américaine ABC

et non, en milieu hospitalier.

 

 

Le charme insolent de Dr Gregory House ou les rebondissements de la vie sentimentale de l'équipe d'internes en formation dans Grey's anatomy tiennent en haleine de nombreux téléspectateurs. “Ce succès s'explique par le fait que la maladie touche tout le monde”, affirme Marjolaine Boutet, spécialiste en séries télévisées (1). Selon l'analyse des audiences des émissions diffusées en Belgique francophone (2), les séries médicales ont la cote. Dr House arrive en troisième position des séries les plus regardées en 2009, devançant Desperate Housewives. “Il n'y a pas seulement les histoires médicales qui sont au centre de ces séries, explique le Docteur Alexandre Ghuysen, urgentiste au CHU du Sart Tilman (Liège). Tout est romancé, notamment dans Grey's anatomy où les histoires de cœur prennent le pas sur la médecine.”

 

Fiction ou réalité?

Des patientes enceintes et atteintes du sida, des bébés qui s'étouffent à cause d'un cintre coincé dans la gorge, des voyous blessés par balle…, les exemples de pathologies à soigner dans les séries médicales sont souvent spectaculaires. “Beaucoup de situations y sont extrapolées, exagérées, précise Aline Agneessens, étudiante en médecine (UCL). Souvent, les médecins des séries font l'impasse sur l'examen clinique, la base de la médecine, le premier geste à effectuer quand arrive un patient. Les cas cliniques présentés sont extrêmes alors qu'en réalité, c'est souvent moins excitant ou moins dangereux.”

Effervescence dans les couloirs de l'hôpital, des dizaines de personnes qui attendent un médecin pour s'occuper d'eux, ce sont des images typiques d'Urgences, Grey's anatomy… Mais est-ce représentatif du monde médical en Belgique? “Sûrement pas, infirme le Dr. Ghuysen. Ces séries proviennent des Etats-Unis où le fonctionnement de la prise en charge du patient est totalement différent de celui pratiqué chez nous. Contrairement à notre système, aux USA, les médecins ne sortent pas de l'hôpital pour les urgences. Chez nous, le SMUR (service mobile d'urgence et de réanimation) se déplace au chevet du patient et lui donne les premiers secours sur place. De l'autre côté de l'Atlantique, cette démarche n'existe pas. Il n'est donc pas étonnant de voir arriver aux urgences des patients en état précaire et qui n'ont reçu qu'une prise en charge paramédicale.

On comprend mieux alors l'effervescence qui règne dans ces services américains. Mais l'agitation est poussée à l'extrême. Il ne faut pas oublier que l'histoire racontée doit accrocher le téléspectateur.”

La frontière entre le réel et la fiction dans les séries médicales varie fortement de l'une à l'autre. “Grey's anatomy n'a rien à voir avec Urgences, poursuit le Dr.Ghuysen. Si on devait les catégoriser, Urgences pourrait se rapprocher du ‘documentaire médical’ tant les diagnostics et gestes médicaux semblent réels même s'il reste quand même des petites entorses à la réalité. Par contre, Dr. House ou Grey's anatomy en sont bien loin. Elles restent très éloignées de l'aspect scientifique. House est un médecin cynique dépourvu de tout sens éthique. Ses diagnostics sont trop rapides ou faux. Dans ces deux séries, les histoires sont souvent spectaculaires, frôlant même parfois le ridicule et le sensationnel, bien éloignées du monde plus sérieux de la médecine.” Ces différences tiennent entre autres au fait que, par exemple, le scénario d'Urgences est écrit par des urgentistes, des personnes qui connaissent la réalité du métier. La production a également recours à de vrais médecins et infirmiers en tant que figurants, notamment pour les scènes les plus “médicalisées”.

 

Plus tard, je serai Dr. House

Les séries médicales lèvent le voile sur un monde très spécifique. Perfusions, trachéotomies, scanners... sont le quotidien des acteurs. “Montrer un service comme celui des urgences dans les séries permet de découvrir une spécialisation de la médecine, autrefois méconnue, explique le Dr. Ghuysen. Avant, on ne pouvait pas, en tant que médecin, se spécialiser dans les urgences. Aujourd'hui, le parcours a changé et cette filière à part entière est possible.” Mais loin d'être destinées à susciter des vocations, ces séries sont conçues pour distraire, faire de l'audience et n'ont pas de but pédagogique. “Les gestes que pratiquent les médecins des séries ne sont pas expliqués. Il n'y a rien de pédagogique dans ces histoires”, confirme Yves Collard, formateur en éducation aux médias à l'asbl Média Animation et auteur de La réalité si je mens (3).

 

Vu à la télé

L'image du médecin, véhiculée par les séries, est partout la même : un surhomme jeune et beau qui peut tout guérir. Souvent, il a des problèmes dans sa vie intime. “Ce sont généralement des ‘losers’, affirme Yves Collard. Ils ne sont pas adroits avec les filles, n'ont pas de vie hors hôpital, alors que peu de failles dans leur métier transparaissent”.

“Pourtant, je crois qu'aucun patient ne souhaiterait être soigné par le cynique Docteur House, précise avec humour le Dr. Ghuysen. Les téléspectateurs restent conscients que dans la réalité, le médecin n'est pas un héros surpuissant. Et surtout dans le service des urgences, le médecin n'a pas l'occasion de construire une réelle relation avec le patient qu'il ne voit que peu de temps. Il faut donc gagner leur confiance par notre professionnalisme.”

A force d'être confronté à des images et des termes médicaux et techniques, le téléspectateur pose-t-il un autre regard sur la médecine? “Je crois qu'il existe une formation par l'image, poursuit le Dr.Ghuysen. Lorsqu'on soigne des patients aux urgences, visuellement, ça peut être violent ou choquer l'entourage. Un massage cardiaque, ça peut impressionner. Aujourd'hui, avec la télé et notamment les séries médicales, le public comprend certains gestes. Les patients sont davantage dans une dynamique participative parce qu'ils ont déjà vu ça à la télévision.”

Jouer sur l'émotion et l'impressionnant restent un caractéristique majeure de ces programmes. Les réalisateurs cherchent ce qui attire le téléspectateur et veulent atteindre des records d'audience. Ils ne veulent pas à tout prix dépeindre un univers réel avec le risque qu'il ne soit pas assez palpitant.

// Virginie Tiberghien

 

(1) “Séries télé : quand l'hôpital fascine le téléspectateur”, AFP, 1er avril 2010.

(2) Analyse menée par le Centre d'Information sur les médias : www.cim.be 

(3) “La réalité si je mens. Analyse critique de la télé-réalité” • Média Animation asbl • 116 p. • 14 EUR. www.media-animation.be 

 

 

Et les séries médicales françaises?
Moins populaires que les séries médicales américaines, les productions françaises sur le milieu médical existent bel et bien. Le second degré est même au rendez-vous avec H, une série avec les humoristes Eric, Ramzy et Jamel Debbouzze. Complètement loufoque, elle balade le téléspectateur dans les couloirs d'un hôpital où des médecins et infirmiers n'ont aucune compétence médicale et passent leurs temps à faire des blagues et à enchaîner les fautes professionnelles.
Dans un genre moins comique, L'Hôpital n'a pas rencontré le succès escompté. Cette série se rapprochait de son homologue américain, Grey's anatomy mais n'en était qu'un mauvais plagiat. Elle a vite été retirée de la programmation des chaînes. Equipe médicale d'urgences a davantage séduit le public. En réalisant une série sur le SAMU, les Français innovaient par rapport aux Américains chez qui ce genre de service n'existe pas (cfr. article ci-contre).

 

Des maladies spectaculaires font le show

Les romances dans les hôpitaux, ça marche! “Le public de ce genre de séries est principalement jeune, observe Yves Collard, formateur à Média Animation. Ce spectateur est cantonné dans un rôle d'observateur. Il est comme dans un zoo: même s'il ne comprend pas tout ce que les personnages se disent, il regarde attentivement un monde sécurisant. Malgré le climat de stress qui règne et les maladies graves traitées, le milieu hospitalier est présenté comme un cocon où l'on est en sécurité. Dehors, c'est toujours le chaos, y compris au point de vue météorologique. Les jeunes téléspectateurs se voient alors rassurés et peuvent faire un parallélisme avec les remous de leur vie. Les équipes médicales, héroïnes des séries sont très ‘adolescentes’ dans leur vie sentimentale, leurs relations et réactions…” Les personnages ont les mêmes préoccupations que leur public: les tensions amoureuses, l'apprentissage du métier… Les jeunes s’identifient donc à leurs héros. “Le succès est moindre chez les plus âgés, continue Yves Collard. Car eux se reconnaissent dans les personnes malades sur les lits d'hôpitaux.”

Le formateur rapproche également la construction de ces séries de celle des émissions de téléréalité. “Ces histoires montrent ce qu'un œil ne pourrait pas voir. Le téléspectateur se sent alors tout puissant dans un monde qu'il connait peu. Et nous retrouvons aussi les éléments qui font une bonne téléréalité : un bon casting, une bonne mise en scène, des maladies télégéniques, extraordinaires et impressionnantes… On se rend compte qu'on est loin de la vraie vie des urgences car en réalité, beaucoup de cas qui arrivent dans ce service chez nous ne sont pas de 'vraies' urgences”.

 


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