Médias
(2 décembre 2010)
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© Darren
Greenwood/
REPORTERS |
www.passado.be
où des ados écrivent
et se livrent…
Ils ont
généralement entre 12 et 21 ans et viennent, quelques jours ou quelques
mois, déposer, lire, échanger sur la toile de Passado. Coup de blues ou coup
de gueule, interrogations ou indignations, mal de vivre et mal-être,
chagrins d'amour ou violences sexuelles, la plupart des sujets et
interrogations qui animent les adolescents du XXIème siècle sont déposés en
toute intimité sur ce site.
Ce n'est pas sur Passado que l'on trouvera des réponses toutes faites
à ses questions mais c'est bien là que les adolescents découvriront qu'ils
ne sont pas tout seuls à gamberger. C'est là aussi que, grâce aux autres
participants, mais aussi aux animateurs du site, ils tourneront peut-être
les yeux sur d'autres perspectives, ils ouvriront les portes vers des pistes
de solutions à leurs problèmes, ils commenceront à penser ce qui leur arrive
et peut-être panser leurs blessures.
www.passado.be a été
lancé en juin 2002 par le département adolescents et jeunes adultes du
Centre de guidance Chapelle-aux-champs à Woluwe-Saint-Lambert(1).
“Les adolescents ont parfois des difficultés à franchir le pas d'aller voir
un psychologue. On s'est alors demandé s'il ne serait pas judicieux d'aller
à leur rencontre là où ils sont, c'est-à-dire sur internet”, explique Tanja Spöri, coordinatrice du site Passado, espaces et passages pour
l'adolescence. “Concrètement, on observe qu'effectivement une partie des
ados inscrits n’irait pas chez un psy mais certains jeunes sont suivis par
un psychologue et ont eu connaissance du site par leur thérapeute”.
“Je ne suis pas un objet!”
Les adolescents déposent
sur le site leurs réflexions mais aussi leurs malaises, leurs vécus
d'urgences et tentations de l'extrême.
“Tantôt triste, tantôt
contente... Parfois courageuse, parfois lâche... Voudrais croire en ce monde
mais plus le temps avance, plus je comprends qu'on ne peut changer
celui-ci... Ce que je cherche? Un peu d'illusion et peut-être des
'raiponces' et des jeunes qui auraient des motivations intelligentes”,
confie une ado dans son premier message sur Passado. Une autre confie son
mal-être: “Je ne me perçois pas moi. Si je ne me reconnais plus, comment
est-ce que je peux expliquer aux autres qui je suis?”.
Une participante qui
s'est choisi un certain look, se défend avec humour et métaphore d'être
provocante et s'énerve du regard que les garçons portent sur elle: “Je ne
suis pas un string qu'on consomme et puis qu'on jette… j'aimerais être un shorty confortable que l'on garde”. Un participant partage son ressenti de
la veille, penché sur le rebord de sa fenêtre avec une envie infime mais
vertigineuse de sauter. Une jeune fille confie s'être fait violer et
explique sur le site qu'elle a du mal, aujourd'hui, à faire confiance à son
petit ami.
Ces ados ont mal,
parfois mal à crever, mal jusqu'à l'envie de sauter, de se couper ou
d'adopter des comportements extrêmes. “Par moment j'ai envi de tout plaquer
de me dir: c'est bon je vais métre fin a cette vie de merde, a qui sa pourré
fair mal? Mais merde je suis qu'une sale égoïste! J'ai pas le droit de dir
sa”. Ainsi s'écrit, se lâche, s'expulse leur désarroi afin peut-être de
trouver une issue.
“Parl’écrits”
Les échanges sur Passado
prennent appui sur les dimensions écrites et orales de la parole. On s'y
parle par l'écrit. Une expression appréciée des jeunes à cet âge où l'on
aime s'essayer à l'écriture poétique, où l'on passe des heures à remplir son
journal intime, où l'on chatte, blogue, twitte, commente à tout va. Les
adolescents se révèlent d'ailleurs extrêmement créatifs dans leur langage
sur le site.
Obligés d'attendre !
Ces paroles, déposées
parfois comme une bouteille à la mer, ne restent pas sans voix. Cinq
animateurs du Centre se relayent et assurent une veille 7 jours sur 7. Cela
ne veut pas dire pour autant qu'ils réagissent en direct. Nous ne sommes pas
ici sur un chat. Les jeunes doivent d'abord s'inscrire, se choisir une
signature, puis attendre une confirmation de leur inscription par un des
animateurs qui les accueille avec une première réaction à son message.
Ensuite seulement, ils reçoivent un mot de passe et peuvent déposer leur
message dans la boîte du site. Les animateurs s'engagent à le diffuser,
accompagné ou non d'une réaction dans les 24heures.
L'équipe de Passado a
volontairement introduit une temporalité dans les échanges. “Les adolescents
sont très souvent dans l'immédiateté et nous trouvions important
d'introduire une attente. Cette durée incite en quelque sorte à la
réflexion, amène de la profondeur. Il n'est pas rare qu'un jeune poste un
message et une demi-heure plus tard reposte un autre qui apporte une nuance
au premier", explique Tanja. L'animateur lit les messages avant de signaler
aux membres du groupe, par une annonce, la présence d'un nouveau message.
“On ne met pas de réaction à chaque fois. S'il y a une bonne dynamique de
groupe, on laisse circuler les messages et ils s'échangent entre eux leur
point de vue, leurs astuces. Mais parfois ce qu'ils amènent est tellement
lourd ou violent qu'on doit accompagner la parole de l'adolescent en
essayant d'élargir la réflexion”.
Les animateurs sont
psychologues et psychiatres, cliniciens de l'adolescence. Ils signent de
leurs initiales sur le site. Chacun réagit selon sa culture et sa
sensibilité propre. Une fois par semaine, ils se réunissent pour discuter
des échanges en cours, confronter leurs paroles. “Parfois on cale sur le
message d'un ado, on essaye alors ensemble de voir comment créer une
ouverture pour le jeune, le sortir de son impasse, parfois même l'amener
délicatement à aller chercher de l'aide à l'extérieur”, explique la
coordinatrice. “Cet exercice d'écriture n'est pas toujours évident car,
contrairement à l'entretien individuel, nous n'avons pas le regard de
l'autre qui nous indique si l’on a touché quelque chose de sensible. Nous
n'avons pas l'habitude non plus d'écrire nos interventions au vu et au su
d'autres praticiens. D'habitude en consultation, on est seul avec son
patient”, continue Tanja.
“II faut être toujours ivre”
“… j'ai envie de me
faire violenter, qu'on me fasse l'amour jusque j'en crève, qu'on m'enlève”,
lance une adolescente comme un cri. “…comme si tu cherchais un trop-plein de
sensations fortes, plaisir et douleur en même temps, quelque chose qui
t'arrache à ce corps, qui t'enlève à toi-même, à celle qui souffre et n'en
peut plus. Ce pourrait aussi être s'arracher à toi telle que tu te connais
jusqu'ici, toi et ton fardeau de souffrance, pour découvrir de nouveaux
horizons à toi, à ta vie”, écrit alors un des animateurs. Et Baudelaire
vient aussi à la rescousse pour répondre à ce message: “II faut être
toujours ivre.Tout est là: c'est l'unique question. Pour ne pas sentir
l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la
terre, il faut vous enivrer sans trêve.”
Beaucoup de poèmes, de
paroles de chansons s'échangent comme des échos qui font résonner les vécus
et les souffrances. Ces textes, qui ont parfois aidé les uns et les autres à
préciser des sentiments difficiles à formuler, se retrouvent sur l'espace
public du site. On retrouve ainsi dans le ‘Scriboire’ du site les pas des
passants sur Passado. Discussions et paroles échangées autour d'un mot ou
d'un thème, traces de passage au fil des saisons, échanges et pensées des
animateurs en échos aux paroles d'ados. Le Scriboire est une trace qui donne
le ton de ce que peuvent être les échanges sur l'espace privé du site. Sous
l'intitulé ‘La vie en cours’, on retrouve des témoignages d'adultes qui
tracent en quelques lignes leur parcours de vie et ce qui a marqué leur
adolescence.
Depuis le début de
l'aventure, plus de 400 jeunes se sont inscrits sur le site de Passado et
ont échangé quelque 12.000 messages. Ils sont en général une trentaine
d'adolescents actifs en même temps.
Expire… inspire… et respire!
Cet espace d'échanges
est très probablement un moyen de prévention générale, même si ce n'est pas
sa vocation première. Contrairement à n'importe quel autre lieu d'échanges
apprécié des ados tels les chats, réseaux sociaux, blogs, etc., les traces
et rencontres sur Passado sont encadrés par des animateurs soucieux du
respect de l'intimité du chacun. Des professionnels de la santé mentale qui
balisent et ouvrent de nouvelles portes aux jeunes en détresse ou en simple
questionnement. Sur Passado, l'ado peut en toute confiance expulser,
libérer, expirer ses pensées les plus profondes, s'inspirer des réflexions
des autres et s'offir le cadeau d'une nouvelle respiration salutaire.
// Françoise Robert
>> Infos :
www.passado.be
•
passado@passado.be
•
02/764.31.20
(1) Le Centre Chapelle-aux-champs asbl est un service de
santé mentale lié à l'UCL situé Clos Chapelle-aux-Champs 30 boîte 49 à 1200
Bruxelles. Infos : 02/764.31.20.
“Parl’écrits” d'ados |
Coup de gueule...
Un site où cela
ne réagit pas dans la seconde, c'est sûr, cela en énerve plus d'un !
“Ca sert a koi
se site il y a pas de serveur en direct ? j ai une petite chose a
dire c est qu'en général c est assez lent ses site, mais c est que
peut être le jeune perdu est déjà mort ciao voila un petit cou de
gueule le gars il veut se suicidé il a pas 24 heure pour avoir le
pass et parlé merci a tous et a la prochaine”. |
Attendre une réponse
“Oui parfois
c'est dur d'attendre une réponse et puis de voir que l'on n’en a
pas. Ca arrive et c'est comme ça, on sait rien y faire. Mais en même
temps, on peut tellement donner et recevoir ici. On se rend compte
qu'on est pas tout seul dans notre problème, qu'il y en a d'autres
qui l'ont déjà vécu ou qui le vivent. Et puis enfin pour moi j'ai
toujours écrit ce qui n’allait pas et avec Passado et bien,
l'écriture prend une nouvelle dimension parce qu'elle peut aider
d'autres, comme elle peut demander de l'aide.”
Enfance
Par delà les
révoltes, les vécus parfois violents, les adolescents cherchent
aussi des refuges et en viennent à regretter leur enfance.
“J'ai tellement
envie de retourner dans mon enfance, l'époque où à nos yeux tout
avait l'air si rose, l'époque où on était si naïf ou insouciant,
l'époque ou on n’était pas stressé par le fait de réussir ses études
ou de tout simplement réussir sa vie, mais ce qui n'a pas changé, je
pense, c'est qu'on a toujours nos rêves et on aura toujours des
rêves. C'est ca qui rend la vie belle : l'espoir et les rêves (et
plein d'autres choses aussi)”. |
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