Médias
(10 janvier 2013)
Les médias sociaux, source
d'information santé
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© DPA |
Toujours
plus nombreux, les utilisateurs des médias sociaux semblent préoccupés par
le thème de la santé. Mais quelles réponses leur apportent-ils?
Quand on évoque les médias sociaux ou le Web
2.0 (prononcer “deux point zéro”), il est question des sites
et applications d'Internet qui permettent à leurs utilisateurs non seulement
de s'informer, mais aussi de créer et d'échanger leurs propres contenus. Les
statistiques d'utilisation du réseau social le plus populaire révèlent qu'en
Belgique, 46,80% de la population possède une page Facebook(1).
Sur Facebook comme sur les autres médias sociaux, on ne compte pas le nombre
de pages et groupes traitant d'un aspect de la santé. Au Québec, où
l'utilisation et la recherche sur les médias sociaux progressent rapidement,
de multiples organisations de santé se sont lancées dans cette nouvelle
façon de communiquer pour atteindre des objectifs d'information, de
sensibilisation ou de changement de comportement. Par exemple, la page
Facebook du Défi Santé 5/30 Équilibre – une campagne qui invite à passer à
l’action en accomplissant des gestes concrets pour améliorer ses habitudes
de vie et sa santé – rassemble plus de 16.000 adeptes.
Il existe aussi des
réseaux sociaux spécifiquement destinés aux personnes concernées par un
problème de santé. C'est le cas des multiples forums de discussions du
célèbre site doctissimo, du site américain patientslikeme
(qui permet à ses 171.000 adhérents d'entrer en contact avec des malades
présentant le même diagnostic qu’eux), ou encore du site français
carenity.com offrant une quarantaine de communautés consacrées à autant
de maladies. Si elles regroupent moins de participants que les réseaux
sociaux généralistes, ces plateformes répondent plus précisément aux besoins
de leurs utilisateurs.
L'univers
de l'Internet santé
Selon Christine
Thoër, chercheuse au département de communication sociale et publique de
l'Université du Québec à Montréal, la santé est l'un des secteurs qui
progressent le plus rapidement sur le Web. “Internet a un vrai impact
sur le rapport des individus à la santé, estime la sociologue.
C'est une ressource qui change la façon de gérer sa santé, qui est à
l’origine de l’adoption de nouvelles pratiques.” Les informations
recherchées sur le Web concernent en premier lieu les pathologies, ensuite
la prévention et les habitudes de vie, puis l'analyse des symptômes, les
ressources de proximité et enfin les médicaments.
Christine Thoër
affirme aussi que, contrairement à ce que l'on pourrait craindre, la
démarche de recherche d'information santé sur Internet ne porte pas
préjudice à la relation patient-médecin : ce n'est pas parce qu'ils sont
mieux informés que les patients remettent en question l'expertise médicale.
Au contraire, ce savoir les rapproche de leur médecin en les aidant à
comprendre leurs maladies et traitements.
Une femme
urbaine éduquée
Qu'est-ce qui
encourage certains à rejoindre les réseaux sociaux sur des questions de
santé? La réponse est simple : les mêmes motivations que celles qui les
poussent à s'intéresser à leur santé dans le monde réel. D'ailleurs,
Internet n'est généralement pas la principale source d'information sur la
santé. Les proches, les médias traditionnels et les professionnels de la
santé restent les référents en ce domaine.
Deux grandes
catégories de personnes cherchent de l'information santé sur Internet :
celles qui, en bonne santé, sont soucieuses de leur bien-être, et les
malades chroniques ou leurs proches qui visent à améliorer la gestion de
problèmes de santé. Si on devait dresser un profil-type de l'internaute qui
cherche de l'information santé(2), ce serait celui d'une
femme urbaine ayant été scolarisée, plutôt jeune ou encore “baby-boomer”
(entre 50 et 65 ans). Cependant, il ne s'agit que d'une tendance et l'on
sait que ceux qui s'intéressent à la santé ont des profils multiples. Notons
aussi que même si le média se démocratise et pénètre l'ensemble des groupes
de la population, la fracture numérique – c'est-à-dire la différence entre
groupes socio-économiques dans l'accès aux technologies de l'information –
reste bien réelle.
La valeur
des amis
On sait depuis
longtemps que le soutien social, en particulier celui des pairs qui
partagent les mêmes réalités de vie, est un élément-clé de l'adoption de
comportements favorables à la santé. Cela s'applique aussi dans le monde
virtuel: le partage, la mise en réseau, l'échange... Voilà justement le
principe-même des médias sociaux. “Échanger avec des pairs est
particulièrement apprécié parce que les informations obtenues sont très
concrètes et donc plus accessibles, et parce que les discussions abordent
tant les dimensions médicales que sociales de la maladie: comment vivre avec
un proche atteint de la maladie d’Alzheimer? Les médias sociaux constituent
ainsi des espaces où on trouve du support et où peuvent se développer des
relations sociales”, indique Christine Thoër sur le Portail Internet et
Santé québécois consacré à ces questions.
Sur une page
Facebook, on peut facilement générer un échange sur un aspect de sa santé,
valider un comportement que l'on envisage d'adopter, obtenir des
encouragements à persévérer dans son arrêt tabagique ou dans sa perte de
poids... Les relations sociales jouent aussi un rôle important dans
l’adhésion à des interventions en ligne de promotion de saines habitudes de
vie. C'est ce que vient de montrer une autre étude récente(3)
qui a analysé les effets du programme américain Daily Challenge (“Défi
quotidien”) visant à aider les individus à améliorer leur bien-être par de
petits changements dans leurs habitudes de vie. Les participants inscrits
reçoivent chaque jour un e-mail ou un message sur Facebook les invitant à
réaliser un nouveau défi santé, comme prendre les escaliers ou surveiller la
quantité de sel dans leur repas. Ils peuvent indiquer qu'ils ont réussi mais
aussi partager la façon dont ils s’y sont pris avec les membres de la
communauté Daily Challenge ou avec leur propre réseau.
L'étude a montré
que les participants qui tissent des liens sociaux sur le site sont plus
engagés dans l’intervention et réussissent plus de défis que ceux qui n’en
ont aucun. Les relations avec d’autres utilisateurs, qu'on les connaisse ou
qu'on les ait rencontrés virtuellement, sont un moyen d’obtenir du soutien
et de trouver des modèles inspirants.
Les normes
sociales et le Web 2.0
Les comportements
se fondent généralement au regard d'une norme sociale. On agit d'une
certaine manière pour se rapprocher ou, au contraire, pour se différencier
des autres, de ce que l'on perçoit comme étant la norme. Les médias sociaux
sont comme de vastes cours de récréation, des espaces où se construisent et
se véhiculent les normes sociales relatives aux comportements. Notons que
nous ne jouons pas tous un rôle égal dans l'élaboration des normes, certains
ont plus de poids que d'autres. A l'ère du Web 2.0, les leaders d'opinion
sont souvent des blogueurs influents, ces individus qui tiennent un blog
atteignant de hauts taux de consultation. Si les changements de
comportements ont lieu dans les milieux de vie réels que sont la maison,
l’école ou le lieu de travail, il est certain que les médias sociaux
contribuent aujourd'hui au processus en jouant sur ces trois tableaux :
informer, soutenir socialement et participer à la création et à la diffusion
des normes sociales.
// PASCALE
DUPUIS
(1) Ces statistiques sont consultables notamment sur
www.socialbakers.com
(2) D'après Christine Thoër, lors de la conférence “Le
développement de l'Internet-santé : quels sont les enjeux pour la santé
publique?” donnée le 11 mars 2010 à Montréal.
(3) Rapportée sur le Portail Internet et Santé :
http://blogsgrms.com/internetsante
Quelles informations santé ?
Les données d'une
récente étude américaine confirment que les médias sociaux sont de plus en
plus utilisés pour obtenir de l’information sur la santé(1). Cette étude
révèle aussi que les usages santé des médias sociaux sont plus variés qu'il
n'y paraît : la première utilisation est la recherche d'avis sur des
services et ressources de santé (42%). L'échange avec des amis et avec
l’entourage vient ensuite (32%), suivi de la lecture de témoignages de
personnes vivant les mêmes problématiques (29%). Enfin, près de 25% des
internautes regardent des vidéos relatives à la santé, mises en ligne par
d’autres personnes. Par exemple, l'Association québécoise de prévention du
suicide publie chaque semaine une capsule proposant le témoignage réel d'une
personne touchée par cet important problème de santé publique(2). Trois
quarts des internautes se contentent de lire les expériences relatives à la
santé des autres. Les plus actifs, ceux qui publient des informations, sont
plutôt jeunes (18-24 ans) et en bonne santé.
Toujours d'après cette étude
américaine, un peu moins de la moitié des internautes déclarent que les
informations recueillies pourraient les inciter à modifier leurs
comportements, que ce soit en sollicitant une seconde opinion médicale, en
les inspirant pour la gestion de leur maladie chronique, en les incitant à
adopter de nouvelles habitudes de vie, en les aidant dans le choix d’un
médecin ou d'un établissement de santé ou encore en les amenant à prendre un
médicament.
Si l'on décèle dans les médias sociaux un formidable moyen de
favoriser l'autonomie des individus quant à leur propre santé, il faut
rester critique et considérer le caractère approximatif de certaines
informations véhiculées, voire des pratiques à risque qui peuvent y être
promues.
(1) Les résultats de l'étude sont présentés sur
http://blogsgrms.com/internetsante
(2) Les témoignages peuvent être lus sur
www.ajoutermavoix.com
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