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Jeunes (16 juin 2011)

 

Adolescence

L’alcoolisation express, les relations sexuelles non protégées, la consommation de drogues ou du tabac… ces thèmes mobilisent les acteurs de prévention, particulièrement auprès des jeunes. Les campagnes sur ces sujets portent peu leurs fruits auprès des adolescents. C’est une période de la vie durant laquelle certains veulent tenter le diable. Alors, la solution ne se trouve-t-elle pas plutôt dans l’encadrement de ces comportements dits “à risque”?

Comportements à risque:

attendre que ça passe?

© Philippe Turpin-Belpress

Ah, l’adolescence! Les enfants rêvent d’y arriver, les adultes s’en souviennent souvent avec nostalgie… et les jeunes s’y complaisent ! Cette période transitoire de la vie est peu encadrée dans nos civilisations, là où d’autres initient les enfants prêts à passer dans l’âge adulte à des pratiques qui leur étaient auparavant interdites… Ce sont toutes les vertus des rites initiatiques que nous avons laissé tomber. S’éternise alors une période qui n’existait pas encore il y a un siècle : l’adolescence… Est-ce pour cela que, chez nous, certains jeunes jouent avec le feu, en bravant les interdits imposés par les parents et le monde adulte ? Est-ce pour cela que ces mêmes ados sont en mal de sensations fortes au point de s’en créer ?

 

Il y a risque et risque

Chez nos ados, on constate parfois une tendance à adopter des comportements que les adultes qualifient de “risqués”. Mais qu’entend-on par “risque”? “Le risque, vu par l’adolescent, n’est pas celui que les adultes perçoivent comme tel. Pour l’ado, tout ce qui est neuf, toute situation nouvelle à aborder constitue un risque! Le risque est donc inhérent à l’adolescence, aux nombreuses découvertes qui se font à cette période de la vie, à l’appétit de vivre qui la caractérise. Il fait partie de la construction psychique de l’adolescence, car on prend le relai avec ses propres forces, en assumant personnellement les initiatives, les responsabilités”, explique d’emblée Ann d’Alcantara, psychiatre au Centre thérapeutique pour adolescents aux Cliniques Saint-Luc à Bruxelles. Elle précise à l’adresse des parents qu’ils doivent “faire confiance au potentiel de leur enfant, à tort ou à raison. Ils doivent oser le lâcher, le laisser évoluer tout en maintenant des limites, pour qu’il aille vers la responsabilisation”.

Voilà qui a le mérite de recadrer un peu le débat : face à des comportements qui peuvent effrayer les parents, ceux-ci devraient prendre un peu de recul et se poser la question de savoir si leur enfant est réellement en danger par ce comportement. Oui, mais voilà : dans certains cas, cette fabuleuse soif de vivre peut être potentiellement destructrice et entraîner l’adolescent vers des comportements plus risqués que d’autres. On n’est donc plus dans la simple expérimentation, mais dans l’envie de braver le danger, voire de rivaliser avec la mort. Les faits divers des journaux rendent compte de certaines issues dramatiques. Il est important de mieux les comprendre.

 

Une histoire de cerveau “inachevé”

Conduite d’une voiture sous l’influence de l’alcool, vitesse au volant, consommation abusive de drogues, rapports sexuels non protégés, délinquance, pratique de sports extrêmes… Voilà quelques “travers” qui ne concernent pas, il faut bien le rappeler, tous les jeunes. Mais ils questionnent. “C’est l’adolescence, c’est normal”, est une réponse courante, néanmoins un peu courte! La question qui se pose est : “Pourquoi, à cet âge, a-t-on davantage tendance à vouloir repousser des limites?” Parce que les jeunes ne connaissent pas les risques qu’ils encourent, au point, comme on l’entend aussi souvent dire, de se sentir invulnérables ? Eh bien, il semblerait que ce ne soit pas si simple ! Et c’est la neurologie qui nous l’apprend : des études ont montré que le cerveau, en phase intense de modification à l’adolescence, limiterait la capacité à prendre les décisions les plus adéquates. Une région du cerveau liée à la récompense s’avère, chez les ados, plus sensible. Elle se montre plus réactive à la sensation agréable que l’on ressent au moment de la poussée d’adrénaline quand on fait un saut à l’élastique, au plaisir immédiat lors d’une relation sexuelle qu’on ne veut pas retarder le temps d’aller acheter un préservatif, à la sensation de légèreté et de toute-puissance que confère l’alcool ou la drogue, au sentiment d’appartenance en tenant une clope au bec, etc. Mais les risques, ils les connaissent!

 

En tirer un max de positif…

Cette théorie de la récompense vient d’être encore confirmée dans une étude très récente : “Cette étude a pu mettre en évidence que généralement, les enfants ne présentent pas ou très rarement de comportement à risque parce qu’ils ne sont pas aussi sensibles aux signaux de récompense que les adolescents et sont encore sensibles à certains arguments portant sur le danger. Les adultes, eux, bien que sensibles à la récompense, ont cependant la capacité de contrôler leur comportement dicté uniquement par cette quête de récompense”, résume Xavier Noël, psychologue et chercheur à la Clinique d’alcoologie et des toxicomanies du CHU Brugmann.

Cette tendance qu’ont certains jeunes et ados à favoriser, à l’extrême, ce plaisir immédiat au détriment de la santé, il la connaît bien, lui qui accompagne des jeunes dépendants…

Les adolescents ne pourraient donc pas résister à l’envie de tester. Heureusement, dans la majorité des cas, ils en retirent une expérience qui va leur servir. “Les régions du cerveau impliquées étant immatures, les jeunes éprouvent plus de mal à les contrôler. C’est quand ils comprennent qu’ils ne tirent pas un bénéfice suffisant par rapport au risque encouru qu’ils adaptent leur comportement pour la prochaine expérience du même type. Comment savoir si l’on est dans l’erreur si on ne l’a pas expérimentée… ?”, indique justement Salvatore Campanella, psychologue au CHU Brugmann.

Il évoque alors le réajustement possible grâce à des acquis, des expériences qui empêcheront de tomber dans des comportements problématiques. Et d’ajouter à l’adresse de l’entourage : “Le rôle de l’éducation et de l’accompagnement par les pairs ou la famille reste très important”. Ainsi, tisser un réseau est bien nécessaire à l’heure où la tendance est au repli sur soi. Pour les parents, cela veut dire : se montrer disponibles pour discuter sans tabous de tous les sujets, transmettre leur expérience, finalement construire un filet de sécurité pour leurs enfants. Lorsqu’ils se poseront des questions, ces enfants sauront qu’ils peuvent trouver des réponses auprès des personnes les plus dignes de confiance. Et ces mêmes parents ne devront pas hurler au ciel et juger leur enfant qui leur ferait part de comportements considérés comme étant “à risque” : premier “joint”, premier rapport sexuel, première “cuite”, etc.

 

Entourer les jeunes

N’oublions pas que les ados d’aujourd’hui ont un passé d’enfant, avec une éducation et un contexte de vie qui les a beaucoup influencés, notamment au travers des médias ou des publicités. Un point que souligne très justement Damien Favresse, sociologue, dans une publication récente de Prospective Jeunesse. Il y explique que les conduites à risque favorisées par certains secteurs, notamment économiques, passent pour des moyens de s’affirmer, de se dépasser. Les fabricants de cigarettes et d’alcool utilisent ces comportements à risque dans un cadre valorisé (avec des images de sport, d’aventure, d’amusement, de séduction…) pour promouvoir la consommation de leurs produits, à travers les spots publicitaires ou leurs sponsors. Et que dire de cette vision positive de ceux qui “savent tenir l’alcool”… ? “Le risque peut donc lui-même se révéler enjeu de compétition avec comme possible conséquence que plus le risque est important et extrême, plus il est valorisable aux yeux des pairs”, note le sociologue. C’est là un vrai danger lorsqu’on ne trouve pas de source de valorisation dans d’autres dimensions de sa vie (scolaire, affective, etc.).

Damien Favresse pointe également notre participation, même passive, dans l’imprégnation de ces valeurs : “Ce formatage, nous en sommes tous responsables à des degrés divers même si nous n’en avons pas toujours conscience. Comme le signale le site d’Infor-drogues, une campagne comme ‘pas de fêtes, sans Bob’, si elle vise à prévenir l’insécurité routière, avalise également l’idée qu’il n’y a pas de fête sans alcool”.

 

Prévention inutile?

Sachant tout cela, doit-on conclure que les campagnes de prévention telles qu’elles sont présentées aux jeunes sont inefficaces? En effet, s’ils ont moins peur des risques, des images choc n’auront que peu d’impact. Et s’ils sont de toute manière plus attirés par la récompense, voire la reconnaissance sociale, les arguments sécurité ou santé ne pèseront pas lourd… “On peut imaginer d’organiser ces campagnes à l’intention des publics plus jeunes, qui sont plus à même d’entendre et de recevoir des messages mettant en avant les risques”, conclut Salvatore Campanella. En attendant, notre rôle d’éducateur reste le meilleur rempart, en tenant bon face aux exigences de satisfaction immédiate des enfants et des ados, et en montrant notre disponibilité à les écouter. Car ces “risques”, les ados et les jeunes doivent les vivre pour se construire. Au nom d’une revendication grandissante de “risque zéro”, il ne faudrait pas ôter à cet âge un fabuleux appétit de vivre de nouvelles expériences, de la plus petite à la plus grande, et qui fait justement de nous tous des êtres… intéressants.

//Carine Maillard

L’apanage des ados ?

Ann d’Alcantara, psychiatre au Centre thérapeutique pour adolescents aux Cliniques Saint-Luc à Bruxelles, le répète : le risque n’est pas inhérent à l’adolescence seule ! “Tout au long de leur vie, les sujets humains ‘se risquent’ au point que la ‘prise de risque’, tant qu’elle a des limites, est une preuve de bonne santé psychique. Ce n’est donc pas tant la prise de risque qui rend l’adolescence vulnérable et est dès lors dangereuse, mais l’absence de limites et l’investissement pulsionnel dans l’immédiateté du temps présent. Nous vivons dans un monde dangereux qui manie le concept de ‘risque zéro’. Tout danger anticipé est un danger évitable et donc un risque inutile, pense-t-on !“ Elle insiste : il ne faudrait pas opposer ce besoin de prendre des risques (donc de vivre de nouvelles expériences) à un autre besoin fondamental, à savoir celui de se sentir en sécurité, car tous deux sont vitaux pour les êtres humains.

//CM

 


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