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Jeunes (5 avril 2007)

 

Les jeunes, la cible des alcooliers

La consommation d’alcool commence de plus en plus jeune et la tendance à boire jusqu’à l’ivresse est en nette augmentation chez les jeunes. Les stratégies commerciales, publicitaires et de marketing des producteurs de boissons alcoolisées ne sont pas étrangères à cette évolution.

 

 

 

 

 

Les jeunes
sont attirés par
les boissons alcolliséees sucrées

 

Dans notre société où l’alcool est intégré socialement et culturellement, les enfants découvrent généralement le goût de l’alcool à un âge précoce. L’alcool est souvent perçu comme un passage obligé, un rituel initié en famille lors d’une fête. Par la suite, il devient un signe de maturité et d’indépendance, et l’adolescent boit pour faire comme les autres, être intégré au groupe des copains. L’alcool est aussi étroitement lié à la fête chez les jeunes. On boit pour bien rigoler, se changer les idées, se détendre, être moins timide, draguer… Mais l’alcool permet aussi de masquer un mal-être, de dépasser ses limites, voire de se défoncer... C’est ici que le jeune peut facilement basculer dans une consommation excessive qui devient dangereuse pour sa santé et entraîne des comportements limites comme la violence, la conduite d’un véhicule, les relations sexuelles non protégées, etc.

«Nous ne voulons pas diaboliser l’alcool mais nous constatons que la consommation d’alcool se banalise et commence de plus en plus jeune. Et mêmes si elle est surtout prisée par les garçons, les filles ne sont pas en reste et sont de plus en plus nombreuses à consommer régulièrement de l’alcool», explique d’emblée Florence Vanderstichelen, directrice d’Univers Santé, une des associations membres du groupe porteur «Jeunes et alcool» qui a conçu le dossier «Jeunes et alcool : les publicitaires savent pourquoi» en collaboration avec le CRIOC et l’asbl Media Animation (voir «Les publicitaires savent pourquoi» ci-dessous).

«Il ne s’agit pas de dire non à l’alcool mais de promouvoir une consommation responsable et moins risquée et de ne pas associer systématiquement la fête à l’alcool et à l’alcoolisation. Or, on constate que le "Binge drinking" (boire dans le but d’atteindre l'ivresse) est en nette augmentation chez les jeunes», poursuit-elle. «Ce phénomène est d’autant plus préoccupant que ces pratiques d’alcoolisation sont valorisées et vantées par les jeunes eux-mêmes comme autant de défis à relever. En témoigne le nombre impressionnant de blogs mettant en scène des jeunes ivres».

 

«Les stratégies commerciales et de marketing des producteurs de boissons alcoolisées, visant spécifiquement les jeunes, contribuent largement à ces évolutions», dénonce Florence Vanderstichelen. «On assiste aujourd’hui à une véritable offensive des alcooliers, ciblée sur les jeunes et les mineurs, pour compenser une diminution de la consommation d’alcool, observée dans la population en général. Il s’agit, comme pour les cigarettiers, de séduire très tôt une nouvelle clientèle et de la fidéliser durablement». Et d’enchaîner : Nous avons initié un Observatoire des pratiques commerciales pour objectiver celles-ci, aiguiser le regard critique et interpeller le monde politique (1). En effet, le secteur s’est doté d’une convention réglementant la publicité pour l’alcool mais ce code de bonne conduite est insuffisant pour protéger le jeune consommateur car il n’y a aucun contrôle. Or, les dérapages sont variés et nombreux. Il est temps de réagir, d’éduquer et de mieux réguler ces pratiques. C’est dans cette optique que nous avons rédigé le document «Jeunes et alcool : les publicitaires savent pourquoi».

 

De nouveaux produits

Pour séduire une clientèle plus jeune et plus féminine, les alcooliers ont mis sur le marché de nouveaux produits plus sucrés, plus fruités et plus décalés par rapport au monde des adultes. Qu’il s’agisse d’alcopops (mélange d’alcool fort et de limonade ou autre boissons sucrée) ou de bières fruitées, le produit se veut «branché». La communication est centrée sur la recherche de l’aventure imaginaire et la différenciation, voire la provocation, en utilisant un vocabulaire «jeune». La contenance est réduite afin de limiter le prix et inciter le jeune à l’achat. Le packaging est lui aussi adapté et les alcooliers ne manquent pas d’imagination pour que les jeunes emportent avec eux leur boisson alcoolisée en toute discrétion. A côté des traditionnelles canettes et bouteilles en verre colorées, on trouve maintenant sur le marché (dans le commerce de nuit en particulier) des tubes de boissons (de vodka-lemon/caféine par exemple) qui renvoient très certainement au plaisir de la succion lié à l’enfance (2), des petits gobelets en plastique colorés avec paroi pour une boisson alcopops deux en un (3), ou encore des «peck pockets», emballages à pincer avec bouchon à visser (à pendre autour du cou), ressemblant étrangement à des pochettes de limonade aux fruits. Sauf que le pocket au genièvre (avec citron ou baies) de 10 cl de la marque Peterman (pour ne pas la citer) comporte 20% d’alcool (sic) ! Et ce n’est pas l’inscription «Notre savoir-faire se déguste avec sagesse» qui mettra le jeune en alerte.

«Les alcooliers entretiennent constamment la confusion de leurs produits avec des boissons non alcoolisées afin de banaliser l’alcool. Que ce soit dans le look, le goût, le packaging ou le lieu où l’on trouve ces produits dans les magasins», observe Martin de Duve, d’Univers Santé. «L’initiation commence d’ailleurs dès le plus jeune âge grâce à des produits similaires comme le Kidibul».

 

Une omniprésence auprès des jeunes

Afin de conquérir le marché très juteux des jeunes, les alcooliers investissent massivement les événements fréquentés ou organisés par des jeunes (festivals, concours, soirées, camps de vacances…). Certains producteurs vont jusqu’à organiser des soirées où la boisson alcoolisée sponsor est vendue à un prix dérisoire, ce qui incite les jeunes à se saouler.

Par ailleurs, certains loisirs - comme le championnat de football de première division - sont systématiquement associés à des marques d’alcool, ce qui renforce la normalisation et la banalisation de l’alcool, y compris chez les plus jeunes.

Les producteurs se défendent de viser les mineurs mais certaines marques apparaissent bel et bien notamment dans des jeux vidéos qui leur sont destinés. Quant aux publicités pour l’alcool, elles sont projetées dans les salles obscures y compris lorsqu’il s’agit de films tout public, la convention "No kids" ne protégeant pas efficacement les mineurs. De même, il n’est pas rare de trouver dans les revues pour jeunes des pseudo-articles présentant de nouvelles boissons alcoolisées parmi toutes sortes de produits pour enfants !

Enfin, les alcooliers jouent habilement avec l’interdiction d’accès de leur site internet aux mineurs pour exciter leur curiosité. En réalité, il suffit au jeune de tricher sur son âge (comme c’est pratiquement suggéré sur certains sites) pour entrer sur le site qui lui est soi-disant défendu…

 

Du marketing agressif

Vis-à-vis des jeunes, les techniques de marketing délaissent les terrains classiques de la publicité et de la promotion. Les alcooliers recourent à des tierces parties – des pairs auxquels les jeune peuvent s’identifier – pour étendre une cible ou s’en rapprocher en prodiguant des conseils sur la manière de se distraire et de consommer.

Ainsi par exemple, le bouche à oreille (ce qu’on appelle le marketing viral) pousse le jeune à transmettre des messages, bons plans, promos, concours, via ses moyens de communication habituels (messageries, SMS, cartes virtuelles…). Il devient ainsi ambassadeur de la marque.

Les marques développent aussi des rituels underground en matière de stratégie (ce qu’on appelle le marketing tribal) : pas de mention explicite des marques, labyrinthe de signes, détournement de logos. Le buzz marketing est également très pratiqué pour lancer de nouveaux produits alcoolisés. Il s’agit de faire parler du produit avant son lancement par la technique de la rumeur ou de fausses cabales poussant le jeune à tester le produit cité ou décrié. Dans le même genre, l’undercover marketing se pratique sur internet ou dans la rue. Des comédiens se font passer pour des utilisateurs pour que le message n’apparaisse pas comme énoncé par une marque.

 

On le voit, les sociétés spécialisées en marketing pour les jeunes sont particulièrement créatives pour ne pas dire pernicieuses ! D’où l’importance de promouvoir auprès des jeunes une éducation critique aux médias. D’où l’urgence aussi de mettre en place une législation claire et contraignante qui régule les pratiques commerciales et publicitaires des alcooliers et protège réellement le jeune consommateur…

 

Joëlle Delvaux

 

(1) Le 18 mai 2004, la plateforme “Jeunes et alcool” a organisé un colloque sur les jeunes et l’alcool pour appréhender le phénomène et réfléchir à la politique de prévention à mener en réseau. Les actes de ce colloque ont fait l’objet d’une publication dans les cahiers de Prospective Jeunesse.

Rens.: 02/512.17.66 - www.prospective-jeunesse.be.

(2) voir www.go-for-more.com

(3) voir www.ladeco.be - rubrique bouteilles miniatures

 

Les publicitaires savent pourquoi

Média Animation, le CRIOC et les neuf associations membres du Groupe «Jeunes et alcool» dont fait partie Jeunesse&Santé ont réalisé un dossier très bien documenté qui invite les jeunes à jeter un regard critique sur les stratégies des producteurs de boissons alcoolisées et à ne pas banaliser l’alcool.

Ce document largement illustré décortique les milles recettes de la publicité et du marketing des alcooliers, explore les campagnes de prévention en matière d’alcool et traite des problèmes que posent la législation sur la publicité, la vente et le consommation d’alcool dans notre pays.

«Les publicitaires savent pourquoi – Les jeunes, cibles des publicités pour l'alcool» (50 p.) - Media Animation – 10 EUR (frais de port compris). Il est peut être commandé par téléphone au 02/242.57 93. ou par email à p.caronchia@media-animation.be.

Il peut aussi être téléchargé sur le site de J&S : www.jeunesseetsante.be

 


 

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