Handicap
(20 mai 2010)
Quand les différences s'assemblent,
une plume à la main
Elles
sont deux. Elles partagent un engagement semblable. Pendant plusieurs
années, elles ont fréquenté les mêmes lieux de débat et de négociation.
Elles ont participé à des projets communs. Aujourd'hui, elles militent
toujours pour ce même objectif: la défense des personnes handicapées. Elles
ont décidé de croiser leurs regards dans un livre.
Andrée
Maes et Gisèle Marlière sont “l'envers et l'avers d'une même pièce,
différentes mais connectées, ajustées l'une à l'autre sans se confondre”,
écrit Richard Lorent en préface de leur livre.
Andrée Maes évolue dans le monde chrétien, elle fut secrétaire générale de
l'ACIH (devenue Altéo, mouvement social de personnes malades, valides et
handicapées). Gisèle Marlière est secrétaire nationale de l'Association
socialiste de la personne handicapée. L'ancrage idéologique est différent.
Comme l'est aussi l'expérience du handicap. L'une le vit dans son corps;
Andrée Maes souffre d'une forme d'infirmité motrice cérébrale. L'autre est
une personne valide; Gisèle Marlière est “témoin” du handicap vécu par
d'autres.
Des points de vue en dialogue
Ensemble, elles passent
au crible plusieurs sujets autour du handicap: la définition en fonction
d'une norme de performance, la discrimination et sa lutte inscrite dans le
droit, la représentation des personnes handicapées, les soins et les progrès
médicaux… Andrée Maes et Gisèle Marlière s'entretiennent dans l'écriture.
Elles confrontent leurs points de vue qui, parfois, diffèrent. Elles
adoptent surtout un principe basé sur le respect (qui aurait intérêt à
s'appliquer dans bien des circonstances). Andrée Maes l'explique, évoquant
les années de négociations politiques communes: “On ne peut être d'accord
sur tout. La convergence n'est pas la confusion des points de vue. Ce qui
compte, c'est la qualité du désaccord quand désaccord il y a: mettre en
lumière ce qui ne peut pas coller, le signifier avec précision et définir
les zones de débat où il demeure des éléments inconciliables. C'est ainsi
qu'on respecte l'autre en respectant son point de vue sans nécessairement y
adhérer mais sans le traiter avec mépris”.
Handicap vécu, handicap perçu
Fortes de la confiance
qu'elles s'accordent, Andrée Maes et Gisèle Marlière emmènent le lecteur
dans la réflexion sur la place du handicap dans notre société. Ce sont
surtout les convergences qui dominent, l'expression des lignes directrices
de leurs actions au jour le jour.
Elles évoquent notamment
le rapport au handicap. Lorsqu'elle est seule, chez elle, Andrée Maes se
sent “en vacances” de son handicap. “Pour me sentir handicapée, il me
faut le regard de l'autre”, remarque-elle. Ce regard se détourne
parfois; il peut être empli de malaise, il peut indiquer la compassion, la
peur… il est invalidant parce que s'y mesure “l’écart à la norme”. “Entre
celui qui vit le handicap et celui qui en est le témoin, il reste une part
irréductible d'inexplorable”, pressent Gisèle Marlière. Mais cette
inexpérience de l'intimité du handicap n'empêche pas l'implication
personnelle: “des personnes valides peuvent s'exprimer au nom des
personnes handicapées, s'impliquer dans leur lutte sociale pour une
reconnaissance différente du handicap. Elles le doivent même. Mais elles ne
pourront jamais éprouver la condition du handicap”.
Engagez-vous, qu’elles disaient!
Les deux femmes
regrettent le comportement passif de certaines personnes elles-mêmes
handicapées. Comme nombre de personnes valides, beaucoup se montrent
“rétives à s'investir pour modifier des situations insatisfaisantes” et
sont “davantage disposées à rester des consommateurs passifs”. “Ceux qui
agissent sont toujours une minorité, dans quelque secteur que ce soit”,
rappelle Gisèle Marlière. Alors “quand on est la minorité d'une minorité,
on n'est forcément pas nombreux”. Il y a pourtant lieu de se mobiliser
au-delà des dossiers personnels, des cas particuliers, pour défendre une
“vision du monde” collective, où l'on réfléchirait par exemple non en termes
d'incapacité, mais de capacité, non en termes de rejet mais d'apport.
Le livre croisant ces
voix constitue un triple appel, résume en préface le journaliste Philippe
Pierre: “Appel à la vigilance en cette époque de restrictions. Appel
aussi à moins de frilosité dans le chef des personnes handicapées. Appel,
enfin, à poursuivre sur la voie de la tolérance et de la solidarité à
l'égard des personnes qu'autrefois on laissait sur le bord du chemin”.
// C.D.
>>
Pour
commander le livre “Regards croisés autour du handicap”,
contactez Altéo par tél.: 02/246.42.26 ou courriel:
alteo@mc.be . Prix: 15 EUR
|