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Handicaps (20 janvier 2011)

L’annonce d’un handicap, un moment à soigner

L’annonce d’une déficience se passe très souvent dans l’enfance, voire pendant la grossesse. Elle se conjugue ainsi sur un mode parental: les émotions, les attitudes des parents se trouvent au cœur du fracas. Un enfant mobilise tant d’espoirs, de rêves que l’effet de choc est énorme.

 

Témoignage
Lors de la grossesse, le diagnostic d’une fente labio palatine (une malformation congénitale du visage) est posé pour Clément. L’annonce est difficilement vécue par sa maman. “Sur le coup, la terre s’est écroulée”, explique-t-elle. Elle dit la révolte qui s’est installée en elle et ses inquiétudes : allait-elle aimer cet enfant? “Dans les catalogues, tous les enfants sont bien. Et je n’avais jamais imaginé avoir un enfant qui ne serait pas comme les autres. Qu’est-ce que j’avais fait pour mériter ça?... Je me suis sentie coupable très longtemps”. Lorsqu’on lui montre des photos pour visualiser les résultats des interventions chirurgicales possibles, elle pleure. “Plus j’en voyais, plus je pleurais, et plus je voulais en voir encore”. Elle dit ne penser plus qu’au pire et des recherches sur Internet ajouteront à ses terreurs : “vous êtes démoli quand vous allez voir sur Internet”. Puis, elle parle d’une “bataille” dans laquelle ils se sont engagés le papa de Clément et elle, de la chance d’être à deux pour se battre, de leurs forces respectives, et d’une troisième force : celle de l’amour qui a jailli entre eux trois, à la naissance de Clément.

 

Un fracas

“Séisme”, “trou noir”, “fin du monde”, ainsi les parents décrivent-ils le moment de l’annonce. Dans ce sens, la psychologue Reine Vander Linden parle d’ “explosion morcellante”, face à laquelle on souhaitera évacuer au plus vite l’information, la mettre loin de soi, l’oublier. Trop de professionnels préfèrent en finir au plus vite avec cette tâche, évitent la confrontation voire utilisent le téléphone. Mais l’enfant est comme anéanti dans l’esprit des parents, relève la psychologue. Il s’agira de le réanimer et d’amortir l’effet de choc.

Des professionnels insistent auprès de leurs collègues : infirmières, médecins, psychologues… sachez l’importance de ne pas laisser les parents seuls, de veiller à la chaleur de vos propos, au choix des mots, à l’écoute, au respect du chemin de chacun. Ils conseillent de pratiquer une certaine pro-activité à l’égard des parents rentrés chez eux, bousculés. Ainsi, leur rappeler qu’ils ne sont pas oubliés et laisser la porte ouverte aux questions qui ne manqueront pas d’émerger. Car, sous le choc ou dans l’angoisse, les informations ne sont pas intégrées de la même manière. Des parents racontent comment ils se sont focalisés sur une phrase, la seule qu’il retiennent au sortir de l’annonce, sur le mot “handicap” qu’ils ressassent un long moment. L’avenir est fermé.

 

Chasse aux anomalies

Quand le diagnostic intervient avant la naissance, se pose de manière plus prégnante encore la question du temps, celle de la latitude pour réagir, l’idéal étant de “se hâter, lentement”, comme le dit le docteur Christa Retz, gynécologue. L’évaluation se doit d’être prudente tout en essayant de définir un diagnostic rapidement. D’autant qu’en anténatal, on navigue souvent dans un monde de probabilités, avec des estimations de risques. Le paradoxe est complet, alors que les parents sous le coup de l’émotion expriment des réactions empreintes d’effroi, de violence, d’écroulement, de doute…, alors que les discussions sont envahies par tous ces “amortisseurs psychologiques”, témoins de l’hypersensibilité en jeu. Dans certains cas, il faudra aux parents affronter la mort de leur enfant et malgré tout suivre les conseils de psychologues en prenant le temps de se sentir parents.

A la faveur des avancées de l’imagerie médicale et des tests génétiques, les dépistages durant la grossesse se multiplient et s’affinent. D’aucuns alertent cependant des dérives. Un climat de traque aux anomalies pourrait entourer ces examens médicaux, d’autant que la responsabilité judiciaire des médecins semble de plus en plus engagée. Certains craignent d’être pénalisés pour l’absence de diagnostic, alors qu’un handicap est constaté à la naissance.

 

Une quête

Comme l’explique la pédiatre Isabelle Maystadt, la quête d’un diagnostic se révèle souvent longue tant les limites entre “le normal” et le “pathologique” sont floues et subtiles. Face aux crises de colère répétées d’un enfant, par exemple, y a-t-il lieu de percevoir le signe d’une véritable pathologie, de chercher plus avant ? Face à des troubles du développement, y a-t-il lieu d’investiguer, ou plutôt d’y voir les signes d’une évolution propre à l’enfant ? La tension réside entre d’une part la prudence : ne pas étiqueter trop vite, alors que l’on sait que les évolutions diffèrent d’un enfant à l’autre, et d’autre part, le souhait de mettre rapidement des mots sur le problème. Le corps médical est mis sous pression pour trouver la cause de la souffrance, les parents, eux, pour qu’ils se soucient du problème de leur enfant que les milieux d’accueil ou l’école ont relevé.

 

Témoignage
Les parents d’Hugo se sont longtemps demandé s’ils n’étaient pas fous, s’ils avaient raison de s’inquiéter. La culpabilité les a aussi traversés, alors que Hugo subissait des examens parfois douloureux, mais sans résultats. Ils auraient voulu croire “que si on mettait un nom sur ses problèmes, il y aurait une pilule miracle”. Un jour, leur quête d’un diagnostic a pris fin. Hugo a deux ans et demi, et on sait qu’il souffre du syndrome de l’Xfragile (une maladie génétique entraînant souvent un retard mental). Si la pilule miracle n’est pas au rendez-vous, ils reçoivent, avec le diagnostic, une sorte de “passeport” pour un réseau : “on rentrait dans des cases, on avait accès à des réponses et des aides adaptées”. A tout le moins théoriquement. Car les professionnels et les structures de prises en charge ad hoc sont souvent débordés par l’afflux de demandes. Les parents d’Hugo ont fait le “deuil de la vie d’avant”. Face au handicap, “parfois, les gens préfèrent reculer. Ils sont mal à l’aise. Quand on est dedans, on est forcé de monter dans le bateau, vers un nouveau monde”. Ils ont cessé de comparer constamment leur fils aux autres enfants. Ils mettent l’accent sur ses compétences, avec fierté.

 

Des mots qui manquent

Il arrive que la déficience ne porte pas de nom, qu’elle soit inconnue des scientifiques. La détresse peut alors se trouver amplifiée. Et une maman d’appeler de ses vœux la création d’une spécialité pour les “enfants perdus”, alors qu’elle navigue dans des sentiments contraires : on cherche trop, on ne cherche pas assez. “Les mots qui nous ont le plus manqué pour cicatriser?, explique une autre mère. Que des médecins avouent enfin ‘nous ne savons pas’, pour qu’on puisse entamer un dialogue sur le reste : les progrès de notre fille”.

 

Des mots qui marquent

Certes, “le diagnostic peut aussi sonner la fin des illusions, écrit Claire Morelle, psychologue. Il permet de prendre la place de l’imaginaire construit en son absence. Ce point d’arrêt aux supputations peut apaiser, même si le diagnostic paraît ou est dramatique”. Mais, en contrepartie, le diagnostic marque l’enfant de son empreinte. Il lui est accolé telle une étiquette de laquelle resurgissent davantage la déficience, les handicaps que les capacités, les compétences, voire l’humanité. Ainsi, à côté de la recherche des causes d’une déficience, certains professionnels conseillent de se concentrer sur les bilans fonctionnels. Comme le suggère la psychologue Line Petit, à partir de l’interrogation “pourquoi ?”, on peut détacher les mots et se demander “pour quoi ?”, “vers quel sens ?”.

Face à ces questions, le diagnostic – photo de l’instant présent – ne peut véritablement prédire la vie du patient. Son portrait ne peut être figé. Comme le formule de manière imagée Reine Vander Linden, il importera de passer d’un regard photographique à un regard cinématographique. Le diagnostic, finalement, se découvrira au quotidien, avec son lot de deuils successifs et aussi d’étonnements.

Loin d’être limitée à un moment déterminé, l’annonce du diagnostic s’applique sur toute une vie. Il n’est pas rare, par exemple, qu’un enfant demande à se faire réexpliquer sa déficience vers l’âge de 11 - 12 ans.  Et si les pronostics de vie ou de développement taraudent, ils peuvent rarement s’accompagner de certitudes. Une évidence :  il faudra batailler encore.

// Catherine Daloze

 

Les témoignages sont issus du colloque “L’annonce du handicap. Un réseau de compétences, la compétence des réseaux”, organisé le 27 novembre 2010, à l’initiative de la Plateforme Annonce handicap.

 

Une chance sur un million

Cristina et Miguel attendent avec impatience l'arrivée de leur premier enfant. Mais quelques jours après la naissance de leur petite fille Laia, celle-ci subit une hémorragie cérébrale. Elle a une chance sur un million de s'en sortir. Ni elle, ni ses parents ne vont baisser les bras. A force, quotidiennement, de passages à l'hôpital, de séances de rééducation…, Laia va de progrès en progrès, sous les yeux émerveillés de son entourage. Son sourire ne la quitte pas et redonne espoir dans la vie. Cette bande dessinée, tirée d'une histoire vraie, émouvra chacun, confronté ou pas au handicap d'un enfant.

>> Une chance sur un million Cristina Duran et Miguel A. Giner-Bou Dargaud 128 p.

 

 

Une plateforme d’associations

Fin de l’année passée, la Plateforme Annonce Handicap s’est constituée en asbl. Mais depuis presque deux années déjà, elle avait entamé ses réflexions et sa mobilisation autour de ce moment particulièrement chargé de l’annonce d’un diagnostic de déficience. La Plateforme, créée à l’initiative de la Fondation Lou, regroupe actuellement 42 associations et services dont Altéo (Mouvement social de personnes malades, valides et handicapées) et la Mutualité chrétienne. Elle souhaite notamment, par l’intermédiaire d’un site tout récemment mis en ligne, aider les parents et les personnes confrontées à ces moments délicats, afin qu’ils puissent avancer sur le chemin qui est le leur. Par le biais d’extraits de textes, de témoignages collectés ou d’ouvrages spécialisés en la matière, elle s’adresse aux parents, aux personnes en situation de handicap, aux professionnels pour “jeter les bases du meilleur futur possible”.

Ainsi, la Plateforme diffuse actuellement une brochure à l’attention des professionnels – médecins, psychologues, responsables de l’accueil d’enfants… – afin de leur permettre d’accompagner au mieux l’annonce. Un document pratique qui amène, au travers d’éclairages divers, à réfléchir davantage aux implications des mots et des non-dits.

>> Plus d’infos : Plateforme Annonce Handicap, c/o AFrAHM, av. Albert Giraud 24 à 1030 Bruxelles - 0471/11.72.94 - http://annoncehandicap.org/

 


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