Handicap
(3 juin 2010)
Deux yeux pour deux…
Se fier
au regard d'un chien-guide pour être plus autonome, c'est ce que fait Irène
depuis de nombreuses années, comme tant d'autres personnes déficientes
visuelles. Nous l'avons suivie lors de ses premiers pas avec son nouveau
compagnon à quatre pattes.
Irène
n'a jamais vu.
Depuis une dizaine d'années, un chien-guide, fidèle complice l'accompagne
dans ses nombreux déplacements… Un duo bien rôdé rempli d’attentions
mutuelles. Mais Noisette a vieilli. Ses articulations douloureuses
l’empêchent de sauter souplement dans le train aux côtés de sa maîtresse !
Triste épilogue d’un long compagnonnage. Dix ans de déambulation dans les
rues de la ville, dans les gares, sur les sentiers de randonnée d’ici et
d’ailleurs… Aujourd’hui, le chien coule des jours paisibles à la campagne.
Une retraite bien méritée. Irène raconte: “Noisette sentait quand j’étais
en difficulté, elle cherchait des solutions pour me venir en aide. On avait
développé une bonne connaissance l’une de l’autre”. Pour que la relation
fonctionne, confiance et estime du maître s’avèrent en effet déterminants.
Mais Irène a dû, à regret et non sans appréhension, mettre un terme à cette
longue complicité et chercher un jeune remplaçant à Noisette.
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©
Laurence
Delperdange |
Le chien-guide est capable
de mémoriser toute
une série d'itinéraires.
C’est un labrador au
pelage foncé qui a pris le relais. A peine débarqués de leur Provence natale
(1), Calypso – c’est son nom –, accompagné de Sandie Besse,
son éducatrice française ont, durant une semaine découvert avec Irène, ses
itinéraires familiers. Au fil des jours, Irène a pu faire au chien une
confiance… aveugle. Celui-ci a observé les rituels de sa maîtresse pour
s’accorder au mieux à son quotidien.
Irène, active
septuagénaire, souhaitait recevoir un chien dynamique qui puisse s’adapter à
son rythme. Quelques mois avant l’adoption, elle s’était rendue à
Aix-en-Provence, dans le centre pour chiens-guides d’aveugles du Midi pour
rencontrer Calypso et faire quelques essais à ses côtés.
A chaque personne
aveugle est sélectionné le chien-guide qui lui correspond! Le choix de
l’animal s’effectue sur base d’un questionnaire reprenant le déroulé des
journées, le mode de vie, les habitudes de la personne.
Les chiens vont à l’école
Chaque année, une
douzaine de chiens sont formés au centre de chiens-guides à Aix. Au terme de
cet apprentissage, seuls ceux qui seront considérés aptes au service
partageront le quotidien d’une personne malvoyante ou aveugle.
Les qualités requises
pour être un bon chien-guide sont l’équilibre émotionnel, l’intérêt pour
l’apprentissage, la sociabilité. Les chiens trop craintifs ou trop dominants
sont écartés. Pour amener l’animal à guider une personne, on mise sur son
instinct de coopération dans la meute, celui qui prévaut lors de la chasse
par exemple. Il est fait appel aussi à son désir de collaborer et à sa
capacité à imiter.
A l'âge de deux mois,
les chiots partent vivre en famille d’accueil durant un an. La famille
reçoit du centre d'élevage la nourriture, les traitements médicaux… Après
cette année entrecoupée de fréquentes allers-venues au centre, le chien
intégrera l’école et retournera le week-end en famille comme un jeune
interne!
La deuxième année est
décisive. Elle est consacrée à un apprentissage à temps plein au terme
duquel il pourra différencier la gauche de la droite, repérer les passages
protégés, trouver les portes, éviter les obstacles au sol, marcher au rythme
de son maître, évaluer les distances, prendre les transports en commun, les
escalators, ralentir quand c’est nécessaire, se faufiler entre murs et
poteaux, tout en étant attentif au fait que son maître doit pouvoir en faire
autant… Un des exercices consiste à faire évoluer le chien les yeux bandés
pour qu’il puisse mieux percevoir les mouvements de la personne qui le tient
en laisse.
En France, une formation
de trois ans existe pour devenir éducateur pour chien-guide. Sandie Besse
l’a suivie. Elle a appris à connaître la problématique particulière des
personnes déficientes visuelles. “La personne aveugle compense son
handicap grâce à ses autres sens et perceptions plus aiguisés : l’audition,
l’odorat, le toucher, la perception podo-tactile, le sens des masses. Ainsi,
elle ressent la présence des bâtiments qu’elle longe, le fait qu’il y ait de
nombreux passants; elle sent là où ça monte ou descend”, explique
l’éducatrice qui a aussi appris à connaître les chiens et leurs
comportements.
“Les menaces sont
grandes en ville : conducteurs imprudents aux passages pour piétons, travaux
mal balisés… Le chien doit mesurer les dangers pour y faire face et les
éviter. Tous ces éléments vont être pris en compte dans l’apprentissage”,
assure-t-elle.
Pour expliquer
l’agencement d’un carrefour, l’éducatrice dispose des pièces aimantées sur
un tableau et Irène, avec ses doigts, prend connaissance de la disposition
de ce carrefour pour pouvoir ensuite expliquer au chien comment le
traverser. Une autre manière est de dessiner l’itinéraire sur la main de la
personne.
“Donne, cherche le
passage, lâche, halte, on rentre: il est essentiel d’utiliser des formules,
un langage codé pour éviter les quiproquos”, précise l'éducatrice.
S’apprivoiser mutuellement
Après quelques jours
passés ensemble, Irène, dynamique, aventureuse, et Calypso, ludique mais
consciencieux, sont prêts à arpenter ensemble des kilomètres de trottoirs et
à déjouer les dangers de la ville. Au départ, ce n’est pas gagné. Calypso
doit trouver ses marques pour pouvoir effectuer, sans embûches les parcours
habituels d’Irène. Il faudra compter environ six mois pour qu’ils
s’apprivoisent réellement, connaissent leurs modes de fonctionnement
respectifs.
// Laurence Delperdange
(1) “Les chiens guides d’aveugle du Midi”, chemin des
Aubépines à 13090 Aix-en-Provence.
En pratique |
C’est une
convention d’usage international d’offrir les chiens guides aux
personnes déficientes visuelles. Or, on estime que la formation du
chien-guide et de son futur utilisateur coûte entre 17.000 et
20.000euros aux centres de formation qui font pourtant largement
appel au bénévolat. Les pouvoirs publics régionaux financent une
petite partie de ce coût (4.800 euros en Wallonie via l'AWIPH). Les
centres sont donc obligés de faire appel à la générosité des
particuliers.
La “Belgian
Guide Dog Federation” regroupe les associations actives dans
l'éducation de chiens-guides. Voici leurs coordonnées:
►
Entrevues (Liège) - 04/250.65.05. -
www.entrevues.be
►
Scale
Dogs (Bruxelles) - 02/660.77.56.
www.scaledogs.be
►
Les Amis
des Aveugles (Ghlin) - 065/40.31.00. -
www.amisdesaveugles.be
►
Le Centre
belge pour Chien Guide (Tongres) - 012/23.43.19. -
www.chienguide.be
►
Blindengeleidehondenschool (Genk) - 089/30.50.60. |
Acquérir plus d'autonomie |
Des centres de
rééducation fonctionnelle existent pour aider les personnes
atteintes d’une déficience visuelle à acquérir plus d’autonomie. Il
en existe quatre en Wallonie et à Bruxelles:
►
Points de vue
(Ottignies) - 010/43.77.28.
►
La Lumière
(Liège) - 04/222.35.35.
►
Les amis des aveugles
(Ghlin) - 065/40.31.00.
►
Le centre Horus,
attaché à l’Hôpital Brugman (Bruxelles) - 02/477.24.06. |
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