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Handicaps (15 mai 2014)

N'effaçons pas les couleurs de la diversité

© Look at Sciences_REPORTERS

Accéder aux bâtiments publics, prendre le train ou le bus posent souvent problème aux personnes malades et handicapées. Mais la participation à la vie en société ne se résume pas à l’accessibilité ou à la mobilité. Cela suppose aussi avoir des amis, un emploi, se former, s’adonner à des loisirs, voyager, faire la fête… Le chemin pour entrer et être accepté dans un monde conçu par et pour les ”valides” est bien difficile.

Depuis des années, Altéo et bien d’autres mouvements sociaux proches des malades et des personnes handicapées cherchent à développer leur participation et leur intégration à ce qu’on appelle “une vie normale”. Certes, les mots peuvent connaître l’usure du temps et perdre de leur force de frappe. Mais l’idée que nos sociétés doivent s’ouvrir à la diversité et donner à chacun la possibilité de réaliser ses projets de vie reste un objectif fondamental. Aujourd’hui, la notion d’inclusion exprime l’espoir que nos sociétés soient largement accueillantes à toutes les personnes. “L’inclusion, explique Patrick Charlier, directeur adjoint du Centre interfédéral pour l’égalité des chances, est un enjeu pour tous ceux qui sont au bord de l’exclusion : les chômeurs, les jeunes, le grand âge, les malades, les personnes handicapées, les orientations sexuelles minoritaires, les étrangers, les personnes à mobilité réduite…” Cette notion d’inclusion (contraire à celle d’exclusion) est maintenant inscrite dans les grands textes internationaux découlant de la Déclaration universelle des Droits de l’homme.

Participation, intégration, inclusion

On dira: qu’est-ce que cela change de parler de “société inclusive” plutôt que de participation ou d’intégration, des mots qui nous sont plus familiers? Comme l’affirme Charles Gardou, professeur à l’Université de Lyon II et auteur de La société inclusive, parlons-en ! (éditions Eres), ce nouveau cadre de réflexion bouscule notre manière de penser la présence des personnes handicapées dans nos sociétés : “Il ne s’agit pas seulement, dit-il, d’un écran de fumée rhétorique, d’une musique d’ambiance, d’une jonglerie intellectuelle… Ce nouveau cadre de pensée sociale remet en cause les milieux professionnels arcboutés sur des standards.

C’est une approche du handicap par le droit, précise à son tour Patrick Charlier. L’approche n’est plus seulement médicale. On ne parle plus d’assistance, pas seulement de sollicitude. On part des droits humains sans se limiter à un appel moral à la solidarité. La Déclaration des Droits de l’Homme est prolongée par des Conventions qui deviennent un engagement, un horizon contraignant pour chaque pays signataire. Cela concerne les enfants, les travailleurs, les migrants…

En l’occurrence, en recourant à la notion d’inclusion, la Convention relative aux droits des personnes handicapées a pour objectif de permettre à celles-ci de jouir des mêmes droits et libertés fondamentales que les autres. Il s’agit, par exemple, pour elles, du droit de choisir, sur la base de l’égalité avec les autres, leur lieu de résidence et où et avec qui elles veulent vivre.

Il ne s’agit donc pas seulement de définir des bonnes intentions mais de “faire”, de prendre des mesures efficaces et appropriées.

//CHRISTIAN VAN ROMPAEY

>> Les citations des auteurs proviennent de leurs interventions lors d’une journée d’étude organisée par Altéo le 10 mai dernier sur l’inclusion.

 Paroles d'intéressés 

Que signifie le mot inclusion pour les membres d’Altéo, mouvement social de personnes malades, valides et handicapées? Quelques réflexions extraites de rencontres organisées autour de ce thème en Wallonie et à Bruxelles.

> Des jeunes estiment qu’Altéo répond à la notion d'inclusion car “le mouvement accepte toutes les personnes, qu'elles soient malades, valides et/ou handicapées”. Alteo, “c'est un mouvement pour toutes les personnes de la société.

> Obstacles à l'inclusion. Le manque de compréhension de la part de la famille et des proches, la peur de la différence, les préjugés, les moqueries, le manque de respect, les regards qui dévisagent, les excuses “bidon” des valides envers les personnes en situation de handicap sont autant de freins à l'inclusion. “Pourquoi les gens nous font-ils du mal ?, se demandent certains, Est-ce parce qu’ils ne nous aiment pas?”. Le point négatif soulevé par la majorité des répondants est le manque d'accessibilité des lieux publics, des transports en commun. Mais aussi les difficultés à trouver un emploi : “J'ai l'impression que l'on m'interdit de vivre pleinement”.

> Expériences d’inclusion. Les vacances permettent de “réaliser des activités avec des amis, passer un moment agréable, avoir une certaine liberté, changer d'horizon, découvrir de nouvelles choses, rencontrer des personnes...” Les groupes de parole, d'expression, permettent de rencontrer autrui et les réseaux sociaux de “retrouver des amis, parler avec des personnes que l’on ne voit pas souvent, partager des photos et des souvenirs...

Le sport, le travail associatif favorisent les valeurs d’une société inclusive : écoute, solidarité, respect de la liberté, entraide, transmission de ses savoirs, goût de vivre! “Nous nous heurtons trop souvent aux portes d’une société conçue par les valides pour les valides.

Pourquoi parler de “société inclusive” ?

L'anthropologue français Charles Gardou
© Altéo
Pour comprendre la portée de l’idée “d’inclusion”, l'anthropologue français Charles Gardou propose de passer par son contraire: “L’adjectif exclusif qualifie ce qui appartient uniquement à quelques-uns, à l’exclusion des autres. L’adjectif inclusif traduit donc le refus de la mise à l’écart de ceux que l’on trouve gênants”.

Une société, précise Charles Gardou, n’est pas un club dont des membres pourraient accaparer l’héritage social à leur profit pour en jouir de façon exclusive et justifier, afin de le maintenir, un ordre qu’ils définiraient eux-mêmes.” Le premier principe d’une société inclusive est “que nul n’a l’exclusivité du patrimoine humain et social.” Dans l’optique classique d’intégration, c’est l’individu qui doit s’adapter à son environnement. Dans une société inclusive, c’est l’environnement qu’il convient d’adapter à l’individu.

La caractéristique essentielle d’une société inclusive sera “d’offrir le droit de cité à tous ceux qui viennent au monde.” Les personnes en situation de handicap ne relèvent pas d’un type humain à part. Chacun a le droit d’être différent et d’habiter avec les autres. Attention donc, quand on parle ‘des handicapés’ à ne pas désigner ainsi “des membres d’un ordre humain et social différent, affligés d’une infériorité par rapport à la condition normale”. Et à ne pas les mettre dans une catégorie à part. “Il n’y a pas plusieurs humanités : l’une forte, l’autre faible; l’une éminente, l’autre insignifiante. Mais une seule, dépositaire de notre condition universelle, au cœur de laquelle niche la vulnérabilité.” La caractéristique d’une société inclusive sera d’organiser des institutions qui ne donnent pas l’occasion aux citoyens de se sentir humiliés ou d’en humilier d’autres.

Le droit d’exister

Une société inclusive défend “le droit de vivre mais aussi celui d’exister.” Il faut, bien sûr, être attentif à répondre aux besoins biologiques (manger, dormir, se loger, être soigné…). Mais ceux-là ne garantissent pas à eux seuls l’existence. Ils réclament aussi de l’attention et de la sollicitude pour éviter que “les personnes en situation de handicap soient dans la société sans y être réellement et sans en être vraiment.” Une société inclusive s’attachera à lever les obstacles pour que “tout ce que la personne peut réaliser soit réalisé”.

Permettre d’exister à une personne fragilisée par un handicap exige de valoriser ses ressources, ses capacités. C’est reconnaître ses désirs personnels, les entendre, en dépit parfois de l’absence de mots. Certes, on ne cache plus les personnes handicapées dans les arrière-cuisines, mais on a toujours peur de les voir entrer dans le circuit du travail, de se lancer dans une relation amoureuse, de partir en voyage…

Les sociétés… ont des difficultés à reconnaître les processus structurels qui produisent ou creusent les inégalités”, constate Charles Gardou. Elles rechignent à voir la réalité en face. “La liberté individuelle est souvent compromise par le handicap. C’est pourquoi celui-ci peut se définir comme une situation de privation de liberté, variable selon le degré de gravité de la déficience, et liée aux entraves d’un environnement colonisé par les ‘bien-portants’”.

Une refondation de l’idée d’égalité suppose donc de “passer d’une logique de réparation” à un travail de prévention sur le contexte social (l’environnement social et culturel, l’emploi, l’éducation…). Le but? Atténuer les conséquences du handicap, gagner le droit de participation et la reconnaissance des capacités. Car, souvent, les personnes handicapées sont prétendues incapables et trop dépendantes pour entreprendre. On est donc loin d’un simple changement de vocabulaire, comme l’affirme Charles Gardou.

//CVR

 Pour une société inclusive 

Cinq principes, sont à respecter, selon l’anthropologue Charles Gardou, pour construire une société inclusive :

  1. Nul n’a l’exclusivité du patrimoine humain et social.

  2. L’exclusivité de la norme, c’est personne, et la diversité, c’est tout le monde.

  3. Il n’y a ni vie minuscule, ni vie majuscule.

  4. Vivre sans exister est la plus cruelle des exclusions.

  5. Tout être humain est né pour l’équité et la liberté.

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