Familles
(19 février 2009)
L’itinéraire
de parents en adoption
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© Tim Pannell |
L’histoire
rêvée s’avère souvent plus complexe
que
la réalité.
Adopter n’est pas un acte anodin. C’est une “parentalité à risque”,
remarquent les professionnels qui accompagnent les candidats à l’adoption.
Une préparation fine attendra les futurs parents et très souvent également
un long temps d’attente, de patience avant de voir ce projet aboutir. Tout
démarre bien avant l’arrivée de l’enfant tant désiré.
Se
porter candidat à l’adoption s’inscrit pour nombre de futurs parents à la
suite d’un parcours long et difficile en procréation médicale assistée.
Beaucoup arrivent aux portes des organismes d’adoption déjà fatigués par un
long chemin fait d’espoirs et de déconvenues. Ils choisissent cette voie à
la suite d’un constat de stérilité qui a été long à établir. Pour Geneviève
Gilson, présidente de la Fédération des organismes d’adoptions, les couples
qui depuis longtemps savent qu’ils n’auront pas d’enfants biologiques – en
raison d’une maladie génétique dont est porteur un des deux conjoints par
exemple – arrivent relativement plus frais dans leur projet. Reste que pour
tous, devenir parents adoptifs se construira pas à pas, et que le
cheminement balisé par le législateur belge ne se fera pas en un jour.
Un véritable parcours d’adoptant
Tous passeront par les
mêmes étapes. Pour les adoptions internationales comme pour les adoptions
dites internes (1) la procédure est grosso modo identique;
seule varie la succession de celles-ci. Les candidats participeront à des
séances de préparation, feront l’objet d’une enquête sociale, recevront en
fonction des conclusions un “jugement d’aptitude”. Ils entameront ensuite
avec l’aide d’un organisme agréé la phase d’apparentement (c’est-à-dire
l’élaboration d’un projet concret d’adoption, la préparation à l’accueil
d’un enfant, la réception d’une proposition d’enfant et la rencontre avec
cet enfant). Car depuis 2005, l’adoption a été réformée en Belgique. Et les
précautions ont été prises pour donner un maximum de chances de réussite à
ces filiations. Surtout, le point de vue des autorités publiques a été
clarifié: il s’agit de garantir avant tout l’intérêt de l’enfant et
d’envisager d’abord l’adoption comme une mesure de protection d’enfant en
besoin de famille, ensuite seulement comme une réponse au désir d’enfant de
candidats à l’adoption. Dans ce but, toutes les pistes pour maintenir ou
réinsérer l’enfant dans sa famille proche ou élargie seront explorées et
privilégiées. Toutes les garanties que l’enfant est bien adoptable
(abandonné, orphelin…) mais aussi qu’il n’est pas victime d’un trafic seront
recueillies par les autorités du pays d’origine et du pays d’accueil. La
procédure est encadrée, l’adoption en “filière libre” comme elle pouvait
être pratiquée par le passé, n’est plus autorisée.
Garant de réussites
Veiller à la préparation
des candidats adoptants relève de ce même souci pour l’intérêt de l’enfant,
explique Didier Dehou, responsable de la Direction de l’adoption - Autorité
centrale communautaire (ACC) de la Communauté française. L’expérience a en
effet montré que la belle histoire rêvée s’avère plus complexe en réalité,
plus rude, voire peut parfois entraîner des catastrophes personnelles et
familiales. Au début des années 2000, le témoignage de parents réunis au
sein de l’asbl Pétales ôtait une part du boisseau sous lequel pouvaient se
vivre de grandes difficultés au cœur des familles adoptives. Sans
généraliser, mais pour accompagner et prévenir, l’asbl mettait en lumière
ces “troubles de l’attachement” dont peuvent souffrir les enfants qui ont
vécu une rupture précoce avec leur mère, et des traumatismes liés à cet
abandon. Accompagner au mieux les parents tant avant l’arrivée de l’enfant
qu’après est un objectif que s’est fixé la réforme. Neuf organismes agréés
sont chargés de cette mission. Les parents pourront s’adresser à l’organisme
de leur choix. Tout en sachant, comme le remarque ce futur papa, que l’on
devra faire un bout de chemin avec eux, au fil des mois, que tous ne
travaillent pas avec les mêmes pays, puis qu’ayant leurs sièges à Liège,
Bioul, Ottignies ou Remouchamps…, certaines questions de proximité
s’imposent dans le choix de se tourner vers l’un ou l’autre.
Plus de demandes, que d’enfants “adoptables”
Les premières séances de
préparation s’attèlent à battre en brèche certaines idées reçues. Parmi
elles, celle qu’il existe de par le monde une foule d’orphelins. Pour preuve
de cette méprise, les statistiques internationales qui estiment à plus de
sept le nombre de candidats adoptants par enfant adoptable.
Les intervenants
perçoivent et doivent gérer ce fort déséquilibre entre les candidats
adoptants et les enfants adoptables. Parce que, d’une part, il est en
Belgique légalement possible d’adopter seul, en couple, marié ou cohabitant,
de sexe différent ou de même sexe, sans limite d’âge maximal; et que, a
contrario, de nombreux pays émettent des conditions strictes quant au statut
civil ou à l’âge des futurs parents par exemple. Ainsi de plus en plus de
pays interdisent explicitement l’adoption par une personne célibataire, ou
par un couple homosexuel voire exigent des années de mariage – 10 ans en
Haïti. Parce qu’aussi la situation socio-économique dans certains pays
d’origine s’améliorant, comme en Chine ou en Inde, les abandons d’enfants
sont moins fréquents et les adoptions par des nationaux plus fréquentes.
Parce que la concurrence est rude entre pays occidentaux. Puis aussi, parce
que les demandes concernent très majoritairement des enfants jeunes – au
plus jeune au mieux – à la peau claire et surtout en bonne santé.
Pourtant, une partie de
la gageure de l’adoption réside dans ce deuil de l’enfant rêvé que les
futurs parents, les familles doivent faire. Alors que, comme l’explique
Didier Dehou, les organismes d’adoption seront amenés dans le futur à
préparer davantage les futurs parents à l’accueil d’enfants plus grands,
présentant des besoins particuliers (“special needs”).
Attendre un enfant d’ailleurs |
«C’est
l’attente qui nous mine. Plus le temps passe, plus il difficile de
vivre cela comme l’attente d’un heureux événement», témoigne un
couple de futurs parents. Ils se projettent de délai en délai, alors
qu’autour d’eux les annonces de maternité se succèdent, et les
rendent finalement un peu tristes. Jusqu’au jugement d’aptitude, ils
se sentaient dans le “move”, la procédure amenait du rythme, ils
avaient toujours quelque chose à faire. Puis “leur dossier” est
parti dans le pays de leur choix, et depuis ils attendent. Lors des
entretiens préparatoires, ils ont dû se poser des questions qui leur
ont semblé si lointaines. «Quand votre enfant, adolescent, vous
dira: ‘je n’ai pas demandé à venir ici’, comment réagirez-vous?».
Alors qu’aujourd’hui, ils ne peuvent pas véritablement se saisir
encore du pratico-pratique. Les achats, les aménagements, les
inscriptions en crèche ou à l’école seront fonction de l’âge du
petit, ou de la petite qui leur sera confié.
Pour investir
ces moments dans l’expectative, la Direction de l’adoption de la
Communauté française a mis sur pied “Les entre-temps de l’attente
dans l’adoption”(1). Jusqu’à présent, ils ont pris la forme de
projections de films, accompagnées de discussions avec des
professionnels du secteur.
(1) voir www.adoptions.be
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Une fois la filiation établie |
La dernière
étape régie par la procédure d’adoption en Communauté française, va
au-delà de l’arrivée de l’enfant. Les organismes d’adoption doivent
en effet prévoir avec les parents un suivi post-adoptif. Ils ont
pour mission à ce stade d’être un lieu d’accueil et d’écoute, de
relayer les familles vers d’autres professionnels spécialisés si
nécessaire.
Au-delà de ce
passage obligé, d’autres initiatives voient le jour pour accompagner
les familles. L’organisme d’adoption, A la croisée des chemins, par
exemple a mis sur pied une “Clinique de l’adoption”, qu’il a appelée
“L’envol”(1). Son objectif? Aider les parents et les enfants à faire
face à la réalité bien particulière de l’adoption. «Les parents
adoptants, même les plus aimants, peuvent se retrouver tôt ou tard
devant des réactions ou des situations devant lesquelles ils se
sentent dépassés, explique l’équipe de L’envol. Ce phénomène est
tout à fait normal, puisqu’il s’agit d’un vécu bien particulier qui
n’est pas nécessairement compris par le réseau familial, social et
professionnel qui entoure la famille.» Conférences, consultations,
ateliers comme “L’histoire de votre enfant” ou “L’art du toucher
par le massage”, groupes de soutien pour parents d’ados ou groupe de
paroles pour parents de jeunes enfants… sont autant d’activités
développées par l’asbl. Un groupe à destination des adolescents est
également proposé, pour donner la possibilité aux jeunes à partir de
16 ans qui ont connu l’adoption de se retrouver entre pairs.
(1) ‑L’Envol asbl, 33a chaussée de Charleroi à 1471 Loupoigne –
0471/65.70.95 -
www.lenvol-adoption.be |
Catherine Daloze
(1) Il s’agit des adoptions d’enfants nés et vivant en
Belgique. Parmi celles-ci, on retrouve les adoptions intrafamiliales, par un
beau-père ou une belle-mère, par exemple.
Infos:
Direction de
l’adoption – Autorité centrale communautaire (ACC) - Ministère de la
Communauté française de Belgique, 44, boulevard Léopold II à 1080 Bruxelles
– 02/413.41.35 - www.adoptions.be
Un point de vue d’adopté |
Jung
est auteur de bandes dessinées. Il est aussi ce petit garçon qui
savait bien qu’il n’était pas japonais, qui ne se sentait pas belge
non plus, dont il raconte l’histoire en la dessinant. Sur deux
tomes, il remue ses souvenirs et les fantasmes de sa vie. Il parle
de cette double culture belgo-coréenne qui l’habite, il replonge
dans ses origines qui le questionnent sans cesse, fait face à ce
mystère qu’il décide d’apprivoiser, et nous invite à parcourir son
histoire. De l’enfant de cinq ans ramené par un policier devant un
orphelinat à Séoul, au garçonnet et à l’adolescent partie d’une
famille nombreuse en banlieue bruxelloise, Jung nous emmène au cœur
de sa vie, de son questionnement sur l’adoption.
Couleur de peau: miel (tomes 1 et 2) ►
Jung
■ éd. Quadrants Astrolabe
■ 2007-2008
■ 17 EUR/volume. |
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