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Famille (20 décembre 2007)

 

Les familles se mettent à table

Aujourd’hui, à table, la vie familiale oscille entre les repas vite prêts, improvisés, pris par chacun en horaires décalés, et les moments de convivialité retrouvée autour d’une cuisine passion. Tels sont les ingrédients principaux de l’histoire des familles à table, racontée à deux voix: en images par Rita Scaglia, et en mots par Jean-Claude Kaufmann, sociologue du quotidien.

Parce que la photo permet de comprendre mieux qu’un long discours tout ce qui se joue dans l’ordinaire des familles, le sociologue français Jean-Claude Kaufmann, a rangé le manuscrit qu’il rédigeait sur la cuisine et les repas familiaux, et s’est lancé avec délectation dans l’aventure que lui a proposée Rita Scalia: mettre des mots sur le reportage photographique qu’elle a consacré au quotidien de la cuisine et des repas dans sept familles. Une célibataire, des jeunes colocataires, un jeune couple urbain, des paysans bios, une famille nombreuse, un couple de personnes âgées et une famille multiculturelle ont tour à tour révélé «des moments d’humanité» que la photographe laisse à voir dans un style artistique très personnel, avec beaucoup de chaleur et d’originalité, telles ces tables familiales vues du plafond.

Le livre “Familles à table” est le témoin savoureux de ce double regard. Chaque “tribu” se présente, livre sa recette préférée, et le sociologue du quotidien épluche le sens des petits riens, révèle le piment de chaque étape, des courses à la vaisselle, en passant par la cuisine et le repas. Il dit et montre comment la famille se fabrique avec les mains. “Mieux que tout, faire la cuisine et manger ensemble forgent le lien”, explique Jean-Claude Kaufmann.

 

Chez Marie, Grégoire et leur cinq enfants,

le repas est un moment d’échanges mais aussi d’éducation.

Chacun y va de son petit

commentaire critique sur

le résultat des courses.

 

Courses et rangements

Tout commence par les courses et le retour des sacs à provisions, paniers et cabas que l’on croyait relégués par la modernité triomphante, et qui prennent leur revanche depuis que les sachets en plastique ne sont plus fournis par les supermarchés.

“Ce serait une erreur de croire que l’on glisse dans ces sacs uniquement des objets, des produits, des matières, avance Jean-Claude Kaufmann. Or on y introduit bien d’autres choses beaucoup plus difficiles à maîtriser : des choix culturels, des préférences relationnelles. Plus le groupe réuni autour de la table est large et actif, plus les enjeux qui se blottissent au fond du sac sont immenses”.

Pour le sociologue, depuis que toute la famille met le nez dans les affaires autrefois réservées à la seule cuisinière, faire les courses est devenu une tâche très lourde à porter! Celui ou celle qui revient du supermarché et se presse pour ranger au plus vite les achats s'expose à une foule de réactions et de commentaires. Ainsi, la corvée des courses s'avère surtout mentale. Quelles denrées choisir? Comment composer des menus qui plaisent à tout le monde, qui varient, qui respectent les conseils des nutritionnistes et sont rapides à préparer? C’est évident: les courses demandent un extraordinaire effort de pensée organisatrice et d’imagination créative.

 

Le prêt-à-manger du frigo

Après avoir scruté les sacs, le sociologique plonge le nez dans le frigo, la star incontestable des arts ménagers. “Le frigo n’a pas seulement délivré de l’obligation de faire les courses au jour le jour. Il a aussi offert une arme majeure à l’autonomisation des comportements”, observe le sociologue. Le réfrigérateur est le pendant de l’individu, du grignotage, du prêt-à-manger, à l’heure voulue. Les enfants surtout sont les rois du frigo facile. Il leur suffit d’en ouvrir la porte pour accéder à tous les trésors qui s’y trouvent.

Le contenu du frigo en dit long sur les goûts et habitudes alimentaires mais aussi sur l’organisation de la famille et de la cuisinière en particulier. Il en va de même avec les tiroirs et placards à provisions, continuellement tiraillés entre désir d’ordre et commodité de l’entassement à la va-vite.

 

Cuisine et intimité

A l’inverse du frigo, la table est le symbole par excellence du partage, de la convivialité et du lien familial. Autour d’elle, la famille se rassemble pour manger. Mais la table de la cuisine peut également servir à mille petits usages très personnels: lire le journal, ouvrir le courrier… Cependant, dans la cuisine, il est rare que l’activité personnelle le soit intégralement. On ne se sent jamais vraiment seul dans cet univers de chaleur et d’odeurs. Et ce n’est pas par hasard que les enfants adorent y jouer ou y font leurs devoirs pendant que le repas se prépare. La cuisine est véritablement la pièce de l’intimité conviviale.

 

Monsieur aussi

Jean-Claude Kaufmann observe que depuis quelques dizaines d’années, l’homme, autrefois patriarche et autoritaire chef de tablée, s’est mué en lutin ludique. Compagnon de jeu des enfants, il s’intéresse aussi de plus en plus à la cuisine et parvient à assumer son rôle de second couteau: il se met aux ordres de la cuisinière en chef pour toute une série de tâches dans lesquelles il se sent plus à l’aise, et assume la préparation des repas simples quand celle-ci n’est pas là.

Mais une bonne partie des hommes pratique désormais aussi ou exclusivement la cuisine ludique ou passion, qui n'a rien à voir avec le fait de préparer à manger quotidiennement. L’homme investit l’espace cuisine en particulier quand il est question de recevoir ou de fêter un événement. Les femmes sont plutôt ravies de leur nouvelle star mais parfois un peu agacées par le désordre engendré et la vaisselle qui s’empile… Non décidément, rien n’est simple au royaume de la cuisine...

 

A table!

Autour de la table, on reconnait le phénomène d’autonomie de chacun. Il y a les retardataires qu’il a fallu appeler à plusieurs reprises et la “volée de moineaux” au moment du dessert, chacun choisissant de retourner à ses occupations ou d’emporter son fruit ou son petit pot de dessert individuel pour le manger ailleurs dans la maison, avec ou sans la compagnie des autres.

De l'autre côté, il y a le plat principal, fédérateur de la tribu. Chacun fait ses commentaires à propos des saveurs et des goûts, de l’appétit ou de la diététique mais le plat doit faire consensus, forger intimement le groupe par l’accord des ventres, comme le dit l’auteur.

Manger ensemble n’est pas simplement partager de la nourriture. C’est aussi s’échanger des émotions, construire de la culture commune, fabriquer du lien. Le temps du repas, c’est le moment où les récits, remarques et rires s’entrecroisent. Hélas, les tonalités deviennent parfois plus grinçantes, surtout quand les parents ne peuvent s’empêcher de questionner, notamment sur l’école, et que les remarques et critiques ne tardent pas à suivre. “La pire erreur des familles est de confondre la table des repas avec une table des négociations. Ce qui s’y passe est trop précieux pour risquer ainsi de détruire ce moment de communion”, plaide le sociologue. “Le trésor inestimable est dans les petits riens, qui fondent le bonheur de l’instant et du plaisir partagé”…

A propos, qu’est-ce que vous voulez manger demain?

Joëlle Delvaux

 

 

 

 

 

Familles à table, sous le regard de Jean-Claude Kaufmann, photographies de Rita Scaglia Armand Colin - 192 p. - 500 photos - 2007 43,75 EUR.

Cet ouvrage peut être commandé par écrit au Service Librairie d'en marche :  fax : 02/246.46.30, e-mail : enmarche@mc.be  - Réduction de 10% sur le prix public. Frais de port en supplément. Facture jointe au colis.

 


 

La fin des repas familiaux?

D’aucuns diront que l’avenir est aux grignotages alimentaires et que l’ère de l'individualisation sonnera le glas des repas familiaux. Jean-Paul Kaufmann ne partage pas cette analyse. Selon lui, plus le phénomène d'individualisation se développe du fait des modes de vie décalés de chacun, plus les repas traditionnels "en famille" se chargent de sens et deviennent importants, sacrés, aux yeux de tous. La tradition latine des grandes tablées familiales et la tradition anglo-saxonne du repas rapide et efficace s’entremêlent dans les foyers, selon le moment de la journée ou de la semaine.

Pour le sociologue, les variations de comportements ont moins de rapport avec le milieu social qu’avec le cycle de vie (1).

Ainsi, des adolescents ou jeunes adultes comme les colocataires traversent une période de déconstruction absolue: ils ont envie de sortir des carcans imposés pendant leur enfance, horaires et menus imposés, table bien dressée... Résultat, ils se nourrissent quand et comme bon leur semble, assis dans le canapé ou sur le coin d’une table. Au moment où leur estomac crie famine, ils piochent dans le frigo ou se préparent un plat rapide. Ensuite vient le stade du jeune couple qui s'installe et l'envie de faire des repas en tête à tête pour pimenter le quotidien amoureux. Puis, c'est le temps de la famille (nombreuse) et des repas qui deviennent l'objet d'une incroyable organisation pour concilier les temps des uns et des autres. Enfin, le départ des enfants, la retraite et plus généralement l'âge, poussent les seniors à se retrouver autour de la table.

“Peu importe notre vision des repas en famille, il n’y a pas de règles à suivre, et la culpabilité n’a jamais sa place, insiste Jean-Paul Kaufmann. Ce n’est pas le nombre de fois qu’on mange en famille qui compte, c’est l’intensité, la signification qu’on y met. Et quand on n’a pas le temps en semaine, rien n’empêche de se rattraper le week-end ou durant les vacances “, dit-il.

JD

(1) Interview de JC Kaufmann donnée au Journal des femmes. 

Voir www.linternaute.com/femmes   

 


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