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Famille (16 octobre 2008)

 

 

Vivre seul(e) avec ses enfants:

financièrement difficile

En Belgique, les familles monoparentales constituent 20% des ménages avec enfant(s), et la toute grande majorité des parents vivant en solo sont des femmes. Annaïg Tounquet, directrice du service politique de la Ligue des Familles et Joëlle Lacroix, conseillère, analysent la situation sociale des familles monoparentales et les mesures à promouvoir pour lutter contre le risque plus élevé de précarité qu’elles encourent.

 

En Marche: Une récente étude de l’ONAFTS (1) dresse un portrait très détaillé sur la situation sociale et professionnelle des familles monoparentales (2). Elle montre tout d’abord que leur nombre est en augmentation constante et que 86% des parents vivant en solo sont des femmes. Le principe de la garde alternée des enfants n’entrainera-t-il pas une augmentation du nombre de pères à la tête d’une famille monoparentale?

Annaïg Tounquet: Certainement. La garde alternée devient une réalité plus régulière qu’avant et l’on constate déjà une évolution dans le sens que vous décrivez. Cependant, il reste difficile de cerner le phénomène de la monoparentalité car ce terme recouvre diverses situations concrètes qu’on ne peut traiter de manière identique. Des parents divorcés qui partagent égalitairement la garde de leurs enfants ne vivent pas la même situation qu’une veuve bénéficiant d’une pension de survie ou qu’une maman au chômage qui élève seule ses enfants sans pension alimentaire du père.

Joëlle Lacroix: La famille n’est pas non plus un concept figé. Les trajectoires familiales évoluent au cours de la vie, ce qui nous oblige à réfléchir autrement que par le prisme familles traditionnelles/familles monoparentales.

AT: La monoparentalité n’est pas non plus nécessairement synonyme de précarité. Des différences socioéconomiques sensibles s’observent entre les “hommes monoparentaux” et les “femmes monoparentales”. Les premiers n’ont, en général, pas interrompu ou diminué leur activité professionnelle durant la vie commune et disposent de rémunérations plus élevées que les femmes. Il est clair que la précarité est davantage liée au genre (masculin/féminin) qu’au caractère monoparental de la famille. Cela signifie que les mesures à prendre ne doivent pas cibler les familles monoparentales, comme s’il s’agissait d’un groupe homogène, mais s’attaquer aux causes de la précarité, et de celle des femmes en particulier.

 

EM: Accorder un supplément d’allocations familiales aux familles monoparentales qui bénéficient de faibles revenus, comme cela a été décidé l’année passée par le gouvernement fédéral, n’est donc pas une bonne mesure ?

AT: C’est clair que pour les parents concernés, ce petit supplément est certainement le bienvenu (voir ci-contre: un supplément d’allocations familiales –ndlr). Mais cette mesure de type “discrimination positive” a des effets pervers: tout d’abord elle stigmatise une catégorie de personnes. Ensuite, cette sélectivité entraîne des contrôles et provoque une intrusion dans la vie privée ainsi qu’une lourdeur administrative supplémentaire. Enfin, elle encourage les bénéficiaires à rester dans la situation de monoparentalité et agit comme un nouveau piège à l’emploi.

Nous suggérons plutôt de faire davantage correspondre les allocations familiales au coût de l’enfant. Dans ce sens, et pour coller au plus près de la réalité des familles, il faudrait porter l’allocation des 1er et 2ème enfants à celle, plus élevée, du 3ème enfant.

 

EM: D’après l’étude de l’ONAFTS, les parents seuls avec leurs enfants sont nettement moins occupés à l’emploi (près de 55%) que les parents vivant en couple (plus de 78%). Et la situation des mères isolées est nettement moins favorable que celle des pères isolés : à peine plus de la moitié ont un emploi (contre 7 pères sur 10), l’autre moitié étant demandeuses d’emploi ou inactives. Quels commentaires ces chiffres vous inspirent-ils?

AT: L’accès à l’emploi est très difficile pour les mères isolées en particulier. Plusieurs facteurs expliquent cela. On peut tout d’abord pointer les problèmes que rencontrent les femmes en général sur le marché de l’emploi: moindres qualifications, salaires moins élevés que ceux des hommes, offre exclusive de travail à temps partiel ou à horaires décalés dans certains secteurs… S’ajoutent à ces réalités le coût et l’accessibilité des services collectifs, la durée parfois très longue des déplacements travail-domicile, les problèmes d’organisation de la vie familiale…

JL: Il est clair que les mères qui élèvent seules leurs enfants, surtout si ceux-ci sont jeunes et si elles ne peuvent pas faire appel à la solidarité familiale, sont coincées par les contraintes organisationnelles, et pénalisées dès lors sur le marché du travail. D’ailleurs, le taux d’emploi des femmes augmente avec l’âge et l’autonomisation des enfants.

 

EM: Il y aurait donc de nombreux efforts à fournir dans le domaine de l’accueil des enfants?

AT: C’est évident. La situation s’est déjà améliorée dans le secteur de la petite enfance mais on est encore loin de couvrir les besoins en matière d’accueil des tout petits, surtout dans certaines régions. Cela étant, le problème est plus critique en ce qui concerne l’accueil extrascolaire des enfants jusqu’à 12 ans, et en particulier avant et après l’école. Les horaires de l’école ne sont pas adaptés à l’organisation des temps sociaux des parents, et l’accueil extrascolaire, quand il existe, n’est pas suffisamment de qualité ou trop coûteux. Ces critiques, nous les entendons tous les jours de la part de nos membres.

JL: De plus, nous plaidons pour que l’école offre du temps social aux enfants et s’ouvre à des milieux culturels, artistiques et sportifs pour ce faire. L’idéal serait de revoir les temps scolaires pour intégrer ces activités au sein de l’école. Cela résoudrait aussi les problèmes de mobilité individuelle et d’accessibilité financière. Aujourd’hui, des mesures comme la déductibilité fiscale en matière d’accueil extrascolaire renforcent clairement la dualité sociale. Il faut aussi sortir de l’idée que la solidarité familiale est la solution idéale.

 

EM: Plus largement, quelles mesures devraient être prises pour diminuer la précarité et améliorer en particulier la situation des femmes?

AT: Il faut travailler sur tous les fronts pour garantir aux parents isolés des revenus et salaires qui leur permettent de vivre décemment, dans un logement de qualité, et de couvrir leurs besoins. S’agissant des femmes, on peut penser par exemple à des mesures qui leur permettent de prendre et de garder une place à part entière sur le marché de l’emploi et de s’assurer des droits sociaux propres. S’agissant des enfants, on pense à des mesures qui amélioreraient la situation de toutes les familles: revalorisation des allocations familiales, disponibilité de services de qualité à des prix accessibles… S’agissant des familles devenant monoparentales à la suite d’un divorce, il faut veiller à ce que les deux parents respectent leurs obligations légales vis-à-vis de leurs enfants. A cet égard, les créances alimentaires non payées ne sont toujours pas résolues pour bon nombre de mères.

Il y a deux ans, nous avons participé à la Plateforme “Familles monoparentales” aux côtés d’autres associations, féminines notamment, pour présenter ensemble au gouvernement fédéral un mémorandum qui décrit la situation des familles monoparentales et propose toute une série de mesures préventives et de remédiation à la précarité. Il est temps en tout cas que les gens comprennent que le modèle de famille où l’épouse est économiquement dépendante de son mari est dépassée depuis un certain temps déjà. Les responsables politiques et économiques doivent aussi en être conscients et en assumer les conséquences…

Joëlle Delvaux

 

(1) ONAFTS: Office national d’allocations familiales pour travailleurs salariés.

(2) “Les familles monoparentales en Belgique” - Focus 2008-2 publié par l’ONAFTS. Ce document est téléchargeable sur le site www.onafts.be

Rens.: Tél.: 02/237.23.20.

 

Un supplément d’allocations familiales

Depuis le 1er mai 2007, les enfants de famille monoparentale dont le revenu se situe sous un certain plafond ont droit à un supplément à leurs allocations familiales (fixé initialement à 20 euros par mois). Au 31 décembre 2007, ce supplément était payé à 50.867 parents isolés pour 78.636 enfants.

A partir de ce 1er octobre (premier paiement en novembre), un plus grand nombre de familles monoparentales auront droit à ce supplément, le plafond des revenus autorisés passant de 1.846,53 EUR à 2.060,91 EUR brut par mois. Par ailleurs, le montant du supplément pour les familles monoparentales est porté à 42,46 EUR pour un 1er enfant et à 26,32 EUR pour un 2ème. A partir du 3ème enfant, le supplément reste fixé à 21,22 EUR comme par le passé.

 

Repères chiffrés

En région bruxelloise, la part des familles monoparentales (pères ou mères cohabitant exclusivement avec des enfants de moins de 20 ans) est presque deux fois plus élevée qu’en Flandre (respectivement 30,86% et 15,74%) tandis qu’elle est de 25,52% en région wallonne.

La grande majorité des enfants (85,85%) de familles monoparentales vivent chez leur mère. Le pourcentage diminue toutefois au fur et à mesure que l’âge des enfants augmente (91,94% pour les moins de 3 ans et 80,92% pour les 18-19 ans).

Presque la moitié des parents isolés se retrouve dans la catégorie d’âge de 35 à 44 ans mais les mères isolées sont en général plus jeunes que les pères isolés.

Les familles monoparentales sont le plus souvent de petits ménages. Presque la moitié ne comptent pas plus d’un enfant.

La part des demandeurs d’emploi est presque 5 fois plus élevée et la part de non-actifs presque 4 fois plus élevée chez les parents isolés que chez ceux qui vivent en couple. La participation au travail des mères isolées est singulièrement faible (53,70%, le taux d’occupation des mères qui vivent en couple approchant quant à lui les 70%.

Moins de la moitié des mères isolées travaillent à temps plein; on en compte plus de 7 sur 10 chez les pères isolés. Mais les mères isolées travaillent plus souvent à temps plein que les mères qui vivent en couple (37,37%). Elles recourent aussi deux fois moins au crédit-temps, ne pouvant vivre d’un revenu unique réduit.

 

Source: Focus 2008 sur les familles monoparentales de l’ONAFTS.

 


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