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Famille (7 février 2002)


 

Quand un enfant refuse l’amour

de ses proches

 

Les troubles de l’attachement sont une réalité dont on commence à peine à
appréhender la portée. Pourtant ils empoisonnent la vie des enfants qui en sont
victimes et celle de leurs parents. Causés par une distorsion ou une rupture du lien maternel durant la prime enfance, ces troubles perturbent autant qu’ils questionnent.

 

Originaire du Brésil et abandonnée dès sa naissance par sa mère biologique, Bénédicte a 9 mois lorsqu’elle arrive en Belgique. Au préalable elle a été recueillie dans son pays d’origine par des sœurs d’une congrégation religieuse, qui prennent soin d’elle avec le soutien d’une famille d’accueil. Adoptée et intégrée au sein d’une famille belge, le début de parcours de Bénédicte est sans problème et ses parents adoptifs, à mille lieux de se douter des difficultés à venir : “Son arrivée s’est très bien passée. Ses frères, ses grands-parents, comme le reste de la famille l’ont acceptée sans aucun problème. Rien ne nous a inquiétés dans son enfance : elle semblait épanouie, heureuse de vivre, ses résultats scolaires de bon niveau. C’est à l’âge de dix ans que la situation nous a échappé. Les choses ont dérapé, sans que nous comprenions vraiment ce qui arrivait.”

Les premiers troubles de Bénédicte se manifestent par des fugues. De quelques heures où elle se réfugie dans l’entourage immédiat, les absences se transforment vite en des fuites prolongées: “Huit, neuf, dix jours sans nouvelles d’une enfant de 12 ans : il y a de quoi paniquer. On la cherchait partout, dans les hôpitaux, les commissariats. Généralement elle revenait d’elle-même, en nous expliquant qu’elle était une enfant des rues et qu’elle s’y sentait bien.” Très vite, en plus des fugues, elle vole de l’argent, des cartes bancaires, les vêtements de ses frères pour les revendre. Sans éprouver le moindre remords. Ses résultats scolaires sont en chute libre. Elle tente également de ternir l’image de ses parents auprès des copains, sans y parvenir réellement car beaucoup d’affabulation prend place dans son discours. Elle fait des petits boulots la nuit, participe à des délits en compagnie de copains de rencontre. “Elle peut compter sur un véritable réseau à Bruxelles et ailleurs. Elle nous dit très souvent qu’elle veut son indépendance et n’a plus besoin de nous : elle n’a pourtant que 15 ans et demi.”

La situation est très culpabilisante: “On s’est longtemps demandé les erreurs que nous avions pu commettre pour en arriver là. Bénédicte a été mise en pensionnat, d’où elle s’échappait également. Mais il était indispensable de mettre de la distance entre elle et nous, pour éviter que la cellule familiale tout entière n’éclate sous la pression. Après avoir été renvoyée de nombreuses écoles, avoir fugué de plusieurs pensionnats, elle est aujourd’hui en section d’accueil à l’IPPJ de Saint-Servais, le juge de la jeunesse ayant décidé ce placement de six mois pour tenter une mise au point.”

Des écorchés vifs

Pour les parents de Bénédicte, il est clair aujourd’hui que leur fille est atteinte de troubles de l’attachement. A la base de cette pathologie, une peur panique de s’attacher, intimement liée au vécu de l’enfant ayant connu dans les premiers mois de sa vie une interruption ou une rupture du lien maternel. Pour Véronique Delvenne, professeur à la Faculté de Psychologie de l’ULB, “Auparavant, on parlait d’enfants caractériels, dysharmoniques, voire de personnalités “borderline”. Le diagnostic rendait compte de troubles sérieux du contact et de la personnalité. Le fait de mieux appréhender ces troubles de l’attachement a notamment permis de mettre en lumière leurs origines, à savoir cette rupture du lien que l’on retrouve chez les enfants adoptés, mais aussi chez des enfants biologiques ayant rencontré des difficultés d’instauration du lien maternel, en raison par exemple d’une dépression postnatale chez la mère, d’une mise en couveuse prolongée ou d’une hospitalisation dans le chef du tout-petit. Il est important de dire que tous les enfants adoptés ou biologiques confrontés à ces difficultés ne développeront pas des troubles de l’attachement. Mais cette cassure temporaire ou définitive peut avoir pour conséquence de fragiliser gravement la capacité de certains d’entre eux à faire confiance en l’adulte. Ils sont alors en demande permanente d’affectivité, mais se trouvent dans le même temps dans l’impossibilité de la supporter, de crainte qu’elle soit à nouveau interrompue. Ces enfants détruisent désespérément la proximité émotionnelle dont ils ont besoin pour se construire.”. C’est pourquoi on parle d’enfants-passoires.

D’autres signes peuvent également être observés dans le comportement de ces enfants. Des signes considérés comme des signaux d’alarme, comme le fait de ne supporter aucun contact physique, de détruire objets, jouets, vêtements auxquels tiennent les proches, de dresser les gens les uns contre les autres ou encore d’embobiner l’entourage, voire même les thérapeutes afin de présenter sa situation comme celle d’une victime.

Il s’agit souvent d’enfants violents ou qui se blessent, n’ayant aucun sens du bien et du mal, ce qui entraîne vols, vandalisme et mensonges. Ils sont également insensibles aux encouragements, aux récompenses, comme aux punitions ou remontrances. Autant de réactions qui sont très dures à supporter par les parents, mais qui mettent les enfants atteints de ces troubles dans des situations de désespérance qui mènent parfois au suicide.

Nathalie Cobbaut

(7 février 2002)


 

Une association pour ouvrir les yeux

 

Les parents de Bénédicte ont longtemps cherché de l’aide pour essayer de comprendre ce qui se passait avec cette enfant rebelle, rétive à toute forme de dépendance affective. Au hasard de leurs rencontres avec le psychologue d’un pensionnat d’où Bénédicte s’est enfuie, le juge de la jeunesse saisi du dossier ou des thérapeutes qui ont essayé d’aider la jeune fille au travers d’entretiens psychologiques, leur détresse a été entendue, sans pour autant leur ôter une culpabilité tenace à l’égard de la situation. Ce n’est qu’en rencontrant d’autres parents en proie aux mêmes problèmes et en apprenant les causes des troubles de Bénédicte qu’ils ont pu prendre un peu de recul. Une rencontre rendue possible grâce à l’association Pétales (pour Parents d’Enfants présentant des Troubles de l’Attachement : Ligue d’Entraide et de Soutien) qui existe depuis janvier 2001.

Il faut savoir que les troubles de l’attachement ont fait l’objet de nombreuses études aux Etats-Unis et au Canada.

 

Plus proches de nous, les Pays-Bas ont largement étudié cette problématique et en Flandre, on est conscient du problème depuis plus de 10 ans. L’association “Wat nu ?”, la grande sœur néerlandophone de Pétales, a d’ailleurs montré le chemin. En Belgique francophone, le problème reste pourtant largement méconnu. Pour Théodora De Coster, une des personnes en charge de Pétales, “Dès la création de l’association, de nombreux parents se sont adressés à nous. Des parents adoptifs, mais également biologiques, dont le nombre croît sans cesse au sein de nos régionales de Bruxelles, Liège, Namur et très prochainement, Arlon. Notre objectif est d’informer le plus grand nombre au moyen d’articles, de documents accessibles sur Internet et par courrier. Nous organisons également des groupes de rencontre où les parents peuvent venir parler de leurs difficultés en toute confidentialité. Enfin, nous avons également pour mission de sensibiliser les intervenants psycho-sociaux, judiciaires, scolaires à l’égard de cette problématique des troubles de l’attachement. Car bien souvent, par méconnaissance, nous sommes montrés du doigt, stigmatisés, accusés des pires maux par des professionnels qui n’ont pas conscience d’être manipulés par ces enfants. Ces derniers n’en peuvent rien, cela fait partie de leur pathologie, mais pour les parents, c’est très dur à supporter. Il est donc important que ces troubles de l’attachement soient mieux connus, afin de permettre une intervention précoce et adaptée”. Ces enfants ont effectivement besoin d’être aidés, notamment au travers de thérapies individuelles et familiales. Mais celles-ci ne sont envisageables qu’à condition que l’enfant les accepte. Et en cas de conflit intense, la thérapie familiale n’est pas recommandée. Dans les situations de crise aiguë, l’éloignement de l’enfant de la cellule familiale est indispensable et peut permettre à terme de réinstaurer le dialogue avec l’aide des intervenants sociaux..

 

Récemment, l’association a été entendue au Parlement dans le cadre des débats relatifs à la réforme de l’adoption, afin que l’on tienne davantage compte des difficultés rencontrées par environ 30 % des enfants adoptés et qu’un suivi soit envisagé. Un colloque organisé en novembre dernier a permis de faire le point sur la situation. Des rencontres sont organisées au sein des régionales, où sont invités des Services d’aide à la jeunesse, des responsables de l’ONE, des intervenants du monde judiciaire, des organismes d’adoption afin de les familiariser aux problèmes causés par ces troubles et permettre une meilleure prise en charge. Autant de démarches pour mieux appréhender les difficultés de l’”enfant passoire” et aider leurs proches.

N.Co.

(7 février 2002)

 

Asbl “Pétales” : Tél.: 071/61 51 23. Site internet: http://go.to/petales

http://home.tiscalinet.be/PETALES_association/index.htm

- e mail : petalinfo@tiscalinet.be

Asbl “Wat nu ?” : Tél.: 02/460 39 24. Site internet trilingue: http://www.come.to/watnu

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