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Familles (5 novembre 2009)

 

Pouvoir enfin dire
qui l’on est vraiment...

Accepter son homosexualité n'est pas toujours facile. L'exprimer à son entourage l'est encore moins. Une fois le moment difficile passé, les liens affectifs, remaniés, peuvent toutefois en sortir fortement renforcés. Témoignages.

© Jan Van de Vel/Reporters

"Avoir fait la démarche de s’accepter, de dire qui l’on est, et de se voir accepté... c’est quelque chose que l’on a envie de dire, de partager», affirme Thierry en souriant. D’emblée, il a accepté de témoigner de sa vie, de son parcours. Voici quelques années, un article trouvé dans un journal l’a aidé à exprimer qui il était, ce qu’il vivait. Aujourd’hui, il espère que son témoignage aidera d’autres personnes à exprimer leur homosexualité. «Un homosexuel ne choisit pas de l’être. Tout ce qu’il est amené un jour à choisir, c’est de s’accepter et de vivre ce qu’il est, en toute dignité, ou de ne pas le faire», écrit Paul Wernerus dans le dossier «Combattre l’homophobie à l’école» (Lire ci-contre “L’école, premier lieu d’insécurité”).

C’est au tournant de la quarantaine que ce choix-là s’est posé pour Thierry. «Jusque là, cela n’a pas vraiment été un choix de cacher ou non ma préférence sexuelle J’ai rencontré ma femme alors que nous étions encore à l’école. Nous avons vécu ensemble et nous avons eu des enfants. J’étais heureux de la vie que je menais. Je savais que j’aimais aussi les hommes. Sporadiquement, j’allais au sauna, j’avais une rencontre furtive. C’était un peu comme une infidélité ordinaire à ceci près que je n’avais pas l’impression de tromper ma femme: j’allais chercher là quelque chose qu’elle ne pouvait pas me donner» , explique-t-il.

Les années passent et, à l’aube de la quarantaine, l’équilibre se rompt. «Je me suis interrogé sur ma vie et j’ai éprouvé le sentiment de n’avoir pas vécu ce que je voulais. Je me suis mis à sortir davantage. Parfois, je me disputais avec ma femme afin de pouvoir lui dire que je sortais faire un tour pour me calmer! Je rencontrais d’autres hommes et j’ai su que c’était ce que je voulais vivre. Cette situation a duré trois ou quatre mois. Mais je me sentais divisé, partagé et je vivais mal ce double jeu: Thierry comme ceci ici, Thierry comme cela là-bas. Un jour, dans un magazine, je suis tombé sur un article sur les hommes qui mènent une double vie. Je l’ai donné à ma femme et je lui ai dit: ‘lis-le, tu comprendras pourquoi je sors, ce que je vis’. Pour elle, cela a été un énorme choc. Nous avons parlé des heures, des soirées... Elle m’a compris et accepté. Pendant un certain temps, nous avons continué à vivre ensemble, côte à côte. Je sortais un soir par semaine et je ne devais plus mentir. Puis nous nous sommes séparés, mais nous restons proches. Nous passons toujours les fêtes ensemble avec nos enfants, mon compagnon. Elle m’a beaucoup aidé».

 

Un coming out progressif

Après avoir révélé son homosexualité à sa femme, Thierry en parle à quelques amis, à des collègues. A ses enfants, bien sûr, qui l’ont acceptée avec sérénité: «Mon fils m’a dit qu’il le pressentait. Ma fille, qui a fait des études de stylisme, avait des amis gays. L’attitude de leur mère les a aidés aussi, évidemment».

En conclusion du dossier «Coming out. Quand l’homosexualité survient» (Lire “Pour en savoir plus”), ses auteurs soulignent que plusieurs personnes interrogées avaient du mal à parler d’un seul coming out dans la mesure où leur vie en est émaillée (famille, proches collègues de travail...). C’est exactement ce que ressent Thierry. Et déclarer son homosexualité à ses proches est toujours difficile.

 

Décider d’en parler

Thierry a fait son coming out après le décès de son père. «Je crois que je n’aurais jamais osé le lui dire, avoue-t-il avec sincérité. Quant à ma mère, au début, elle l’a très mal pris. Quand j’ai rencontré Seb et que nous avons décidé de nous marier, ma mère m’a demandé si je n’aurais pas pu attendre qu’elle soit morte. Je lui ai répondu non, précisément. Quant à ma femme, après une longue conversation avec elle, elle a accepté d’assister à mon mariage. Et elle est venue. J’ai une superbe photo d’elle ce jour-là...».

Les parents de Seb, plus jeune que son compagnon, ont encore eu plus de mal à accepter l’homosexualité de leur fils. «Quand il leur a dit qu’il était homosexuel, ils ont parlé de maladie. Quand il a annoncé notre mariage, ils ont dit:’ tiens, on te croyait pourtant guéri’... Cela fait mal, évidemment. Seb est leur unique enfant et ils ont dû renoncer à des choses importantes pour eux. Mais ils ont fait du chemin eux aussi et, maintenant, ils nous reçoivent tous les deux, même son père».

Révéler son homosexualité à ses parents, à son père surtout, représente généralement une étape du coming out particulièrement redoutée par la plupart des homosexuels, quel que soit leur âge. «Je savais bien que mes parents ne se mettraient pas en colère, qu’ils ne me jetteraient pas dehors, explique Quentin, une vingtaine d’années et, dans la poche, un diplôme universitaire tout frais. Mais je savais qu’ils seraient tristes, qu’ils auraient peur pour moi. Et cela, c’est très dur à vivre. J’en ai d’abord parlé à ma sœur aînée. Elle a été très rassurante. Et puis aux parents... Tout s’est passé comme je le pensais. Peut être même plus facilement. Mais malgré leur tendresse, à cause d’elle peut être, je me suis quand même senti coupable de n’être pas celui qu’ils croyaient que j’étais, celui qu’ils auraient souhaité que je sois».

 

Comprendre et accepter

Jacques et Lucie, les parents de Quentin, ont hésité avant d’apporter leur témoignage. «C’est difficile, explique Lucie, parce que je ne suis toujours pas au clair avec ce que je ressens. J’aime mon fils tel qu’il est, cela c’est une certitude. Je suis contente qu’il nous ait parlé, qu’il n’y ait pas de dissimulation entre nous. Mais je me dis qu’il va rencontrer des difficultés supplémentaires, que sa vie sera sans doute plus difficile que s’il avait été hétérosexuel. Je me suis inscrite dans un groupe de paroles pour parents d’enfants homosexuels et cela m’aide. Nous partageons les mêmes questions, les mêmes doutes. Chacun apporte ses réponses et c’est très riche». 

Jacques approuve. Il ne participe pas au groupe de paroles mais en parle avec son épouse. «Quand Quentin nous a parlé, je me suis dit que cela devait être difficile pour lui. J’ai essayé de bien comprendre ce qu’il nous disait et de lui montrer qu’il avait raison d’accepter ce qu’il est, qu’il est primordial d’être au clair avec soi pour l’être avec les autres. Et, en même temps, une petite voix me disait: ‘tu n’auras pas de petits-enfants qui portent ton nom’. Je me trouvais idiot mais c’était plus fort que moi! J’ai aussi une fille et je suis deux fois grand-père… Et la question du nom n’est pas essentielle pour moi. Pourtant, c’est ce que je ressentais à ce moment-là», explique-t-il. Depuis lors, Lucie et Jacques ont accueilli le compagnon de leur fils et, après leur séparation, son nouvel ami. Ils estiment tous deux que cela se passe bien. «Le pire aurait été de vivre dans le mensonge, d’ignorer qui est notre fils, qui il aime et ce qu’il veut vivre», affirment-ils.

Avec un sourire, ils expliquent qu’ils doivent eux aussi faire leur coming out! «Au début, nous n’en avons parlé qu’à quelques amis proches dont nous savions qu’ils pourraient nous écouter sans juger. Notre fille et son mari nous ont aussi aidés par leur attitude tranquille, bien plus spontanée que la nôtre», assurent-ils. Avant de dire combien les blagues et insultes homophobes les atteignent et les font souffrir, eux aussi.

Anne-Marie Pirard

 

L’école, premier lieu d’insécurité

«L’école est le premier lieu d’insécurité pour les jeunes homosexuels, même si l’égalité des droits entre les hétérosexuels et les LBGT (Lesbiennes, gays, bi et transgenre) a sensiblement progressé au cours des dernières années», écrit Paul Wernerus dans le dossier que l’Aped (Appel pour une école démocratique) consacre à la lutte contre l’homophobie à l’école.

Même s’il arrive à certains enseignants de se laisser aller à un “bon mot” discutable, l’insécurité vient surtout du comportement des autres élèves. Dans les cours de récré, «tapette» ou «pédé» sont des insultes courantes. Et les blagues douteuses sur les préférences sexuelles sont fréquentes, elles aussi. C’est une épreuve douloureuse pour un jeune qui s’interroge sur son identité et ses préférences sexuelles:  «L’adolescence est une période difficile. Le jeune qui se découvre homo doit assumer une difficulté supplémentaire: l’absence de modèles, la pression de conformité hétérosexuelle», souligne Paul Wernerus. Ces insultes stupides et blagues d’un goût douteux constituent aussi une épreuve pénible pour les frères et sœurs des homosexuels, voire aujourd’hui pour leurs enfants, confrontés à la dépréciation d’un de leurs proches. 

Pour un jeune qui découvre son homosexualité, l’absence d’un discours clair et rassurant et l’absence de dialogue en vérité et en confiance peuvent entraîner des conséquences très lourdes: baisse de l’estime de soi, mal être, baisse des résultats scolaires parfois jusqu’au décrochage, dépression, idées suicidaires... Frank Andriat a décrit avec finesse ce parcours tourmenté dans son roman intitulé “Tabou”  (voir “Pour en savoir plus”).

La construction de son estime de soi passe par la rencontre d’autres personnes, d’autres jeunes qui partagent la même identité.

                                                                        AMP

 

 

Pour en savoir plus


Associations

Tels Quels: L’association de gays et lesbiennes propose différents services (dont un destiné aux parents d’homosexuels) et activités à Bruxelles et en Wallonie. 02/512.45.87. - www.telsquels.be

Associations des étudiants homosexuels: à l’UCL (CHL), à l’ULB (CHE) et à l’ULg (CHEL).

 

Dossiers

“Coming out? Quand l’homosexualité survient”, Editions Feuilles Familiales, 2009. Dossier complet avec témoignages, analyses et adresses utiles. Prix: 10 EUR. Disponible à l’asbl Couples et Familles. 081/45.02.99. - www.couplesfamilles.be 

“Combattre l’homophobie”. Dossier réalisé en 2006 par la Communauté française à l’intention des enseignants du secondaire et téléchargeable gratuitement sur le site de la CF: www.cfwb.be

“Combattre l’homophobie à l’école”. Dossier disponible gratuitement sur le site de l’Appel pour une école démocratique (Aped). Internet: www.skolo.org 

 

Littérature

Frank Andriat, “Tabou”, Labor, Espace Nord Zone J, 2003. (A partir de 14 ans et sans limite d’âge). Des adolescents découvrent qu’un de leurs camarades de classe s’est suicidé parce qu’il était homosexuel.

Marguerite Yourcenar, “Alexis ou le Traité du vain combat”, Folio Gallimard. La lettre qu’un homme écrit à sa femme pour lui révéler son homosexualité.

 


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