Familles
(6 novembre 2008)
Des grands-parents (se)racontent…
Parfois déboussolés, souvent interpellés, toujours à l’écoute… Les
grands-parents savent ce qu’ils veulent! Conscients des difficultés
rencontrées par les familles, les grands-parents demandent de pouvoir
rester, dans tous les cas, les grands-parents de leurs petits-enfants.
“Je passe d’excellents moments avec mes
petits-enfants,
je leur apprends ce que je sais faire, on danse, on chante, on se raconte
des tas de choses…”
Le 24 octobre
dernier, l’Ecole des grands-parents européens rassemblait une septantaine de
grands-parents soucieux d’échanger expériences et questionnements. L’UCP,
mouvement social des aînés, avait été invité à animer la conférence-débat de
la matinée (1).
Les
grands-parents sont unanimes, la famille a changé et ses modes de (dys)fonctionnement
en déroutent plus d’un, aujourd’hui. Séparations, recompositions conjugales
des enfants assorties trop souvent de conflits et de souffrances, les
attristent. Des tensions s’expriment aussi sur la disponibilité des
grands-parents, qu’il y ait ou non recomposition familiale. Ces derniers
refusent d’être corvéables à merci. “Pas question d’être pressée comme un
citron” dit une grand-mère. Chaque génération doit trouver sa place et
aucune d’elle ne doit, selon les aînés, être sacrifiée aux seuls bénéfices
d’une autre, quelles que soient les bonnes raisons invoquées!
Trouver sa place
Eduquer reste
unanimement le devoir des parents affirment les participants de la
conférence-débat. Assurer un rôle d’éducateur par rapport aux
petits-enfants, pas question! Rester neutre, pourtant, sur ce terrain n’est
pas évident. Des grands- parents avouent leur disponibilité totale et sans
condition, sans pour cela estimer empiéter sur la fonction éducative.
Plusieurs ont mis fin à leur carrière professionnelle pour élever les
petits-enfants avec toutes les conséquences pour leurs droits à la pension.
D’autres encore reconnaissent avoir repris du service comme parents à plein
temps dès la naissance du premier rejeton. Les plus âgés (au-delà de 75 ans)
acceptent toutes les demandes familiales qui leurs sont adressées, ne
s’autorisant que très rarement à dire non, question d’éducation, de devoir,
précisent-ils. Des grands-parents déplorent ne pouvoir faire autrement que
donner leur temps aux familles monoparentales ou recomposées et panser en
quelque sorte des blessures dont ils ne sont pas responsables. Lorsqu’ils
sont en activité, certains se retranchent derrière leur profession et
imposent leurs moments de disponibilité. Qu’en sera-t-il lorsque l’heure de
la retraite sonnera?
Et si les
grands-parents avaient des spécificités bien à eux?
Pas que grands-parents
Même si les
enfants et petits-enfants occupent une place énorme dans leur cœur, c’est
avec insistance que les grands-parents ont tenu à rappeler que leur vie ne
tourne pas exclusivement autour de leurs petits-enfants, ni de leurs enfants
d’ailleurs. Ils ont envie de passer à d’autres choses, mais n’ont pas
toujours le choix de le faire. Pour être, selon eux, un grand- parent
épanoui et heureux, il convient de se sentir bien. Les besoins du couple
aîné sont souvent sous-estimés ou carrément gommés lorsque surgissent les
demandes multiples et répétées des enfants et petits-enfants. Les aînés se
sentent alors bouche-trou, peu pris en considération dans leurs désirs
profonds. Un nombre certain reconnait négliger leur propre vie conjugale
oubliant de dialoguer avec leur conjoint. Définir ensemble les engagements
qu’ils compte(raie)nt assumer vis-à-vis des enfants et petits-enfants permet
de dissiper pas mal de malentendus et de diminuer les sources de tensions.
Se ménager des aires de libertés, des bouffées d’oxygène, des moments de
rencontres avec d’autres personnes est bénéfique aussi… Essentiel même pour
vivre engagements, passions et par après les faire rejaillir de plus belle
sur les autres générations.
Une majorité
de papys et mamys se montre intransigeante sur le choix de la maîtrise d’une
vie personnelle. Marche en groupe, balades à vélo, pêche, engagement comme
volontaire dans une association, cours de cuisine, peinture, lecture
s’inscrivent régulièrement dans un emploi du temps chargé… Question
d’équilibres, d’énergies potentielles énormes dont disposent encore les
aînés. Multiplier les activités participe à la nécessaire poursuite de
l’accomplissement de soi. “Nous n’avons plus l’âge où qui que ce soit
puisse nous imposer quelque chose que nous n’avons pas envie de faire!”
renchérit une grand-mère! Les pépères et les mémères c’en est fini, il faut
se garder de confondre grand-parent et personne âgée, de surcroît lorsqu’on
dénature cette image de passivité et d’absence de projets!
Oser mettre des limites
Rester
soi-même, respecter ses convictions, s’aimer pour pouvoir aimer les autres,
sont, disent les grands-parents, des ingrédients indispensables pour être
vrais avec ses petits-enfants, qui exigent du temps avec et sans eux. Mais
c’est loin d’être évident dans un quotidien constitué de rencontres
ponctuelles parfois trop rares à leur goût. Chaque visite doit alors être
réussie. En exclure les contraintes frustre rapidement, empêchant d’établir
une véritable relation durable. Plus les petits- enfants grandissent, plus
ils sont demandeurs d’avoir en face d’eux des adultes qui les rassurent en
leur renvoyant une image empreinte de stabilité et de sérénité. Peut-on y
arriver en faisant l’économie d’établir rapidement des limites et un cadre
respectueux de chacun? Il faut à la fois conjurer la peur d’être rejeté,
soulignent les grands-parents avec l’audace d’oser dire qui l’on est
vraiment.
Transmettre ses valeurs
Il tient à
cœur aux grands-parents de transmettre des valeurs, celles qui les animent
et dont témoigne leur existence. Elles limitent bien souvent le champ des
relations grands parentales et s’érigent comme des balises bien visibles,
des repères utiles pour chacune des générations. Les valeurs se vivent de
multiples façons, souvent dans la simplicité d’un repas familial, d’une
cuisine où l’on fait sauter les crêpes ou encore d’un atelier où l’on
bricole ensemble. Lors d’une balade en forêt, d’une excursion surprise
aussi. En feuilletant un album photos avec lequel, ensemble, le passé est
revisité.
L’amour et le
respect priment sur les autres valeurs. Respect de soi, de l’autre sont mis
en évidence. Viennent ensuite, l’honnêteté et la solidarité pour arriver à
dépasser son petit moi, rétorquent-ils et s’ouvrir aux rencontres. Le
respect de la nature cher aux enfants émeut aussi les aînés. Joie de vivre,
découverte et richesses du monde ne sont pas en reste non plus. Voilà un
matériau précieux pour réaliser de beaux projets ensemble et animer des
conversations que l’on devine passionnantes! Si en plus ce bagage aide les
jeunes enfants à s’inscrire dans une filiation, les grands-parents auront
remporté une fameuse gageure dans une société qui brouille constamment les
repères.
Anne Jaumotte,
UCP, mouvement social des aînés
(1) Le 21 octobre 2009, la 11ème rencontre des
grands-parents réouvrira ses portes. Qu’on se le dise. Renseignements sur le
site de l’Ecole des Parents et des Educateurs ou au 071/22.93.61.
Du plaisir et des bonheurs
inouïs... |
Une
très grande majorité des grands-parents sont heureux et fiers d’être
Papy, Mamy, Mona, Papinou… de leurs petits bouts. Ils sont
intarissables lorsqu’ ils décrivent ce que les petits-enfants leur
offrent. Ils tiennent à ces moments plaisir, hors des contraintes
quotidiennes.
“Mes
petits-enfants m’apportent émerveillement, connivence et
complicité”.
“Je
me sens respectée, ils m’apprécient et me le font savoir. Ils me
consacrent du temps, m’appellent pour prendre de mes nouvelles”
“Nous
nous sentons accueillis chaque fois que nous allons chez eux”
“J’ai
leur confiance, c’est le plus beau cadeau”
“Nous
avons fait de notre maison un lieu magique dans lequel ils se
retrouvent pour notre plus grand bonheur, sans tralala!”
“Je
passe d’excellents moments avec mes petits-enfants, je leur apprends
ce que je sais faire, on chante, on danse, on se raconte des tas de
choses…”
“Ils
m’aident à surmonter mes préjugés, je connais mieux et apprécie la
jeunesse, ils nous aident à rester dans le coup et à nous remettre
en question”
“Ils
sont un cadeau que je ne me lasse pas d’apprécier”
“Nous
sentons qu’ils goûtent le temps que nous leur donnons, et l’amour
que nous leur offrons”
“Ils
nous rendent bien tout l’amour que nous leur donnons. Je les trouve
très attentionnés”
“Nous
partageons ensemble beaucoup de moments de plaisirs, des perles de
bonheur inestimables”
“Je
sens que je suis importante pour eux, ils me disent, tu es la plus
chouette des mamys! Quel bonheur! Comment résister à telle
déclaration!”
…De la tristesse aussi
Quelques grands-parents sont inquiets et déçus parce que la famille
met à mal leur relation grand parentale. Trop souvent, les
petits-enfants sont entraînés dans un conflit de loyauté réel. Les
enfants portent une grave responsabilité dans certaines situations,
lorsqu’ils prennent leur propre progéniture en otage pour se venger
de leurs parents.
“J’ai
peur qu’un jour mes petits-enfants ne me délaissent, qu’ils se
désintéressent de moi.”
“Je
me sens prisonnière de l’image que mes enfants transmettent de moi.”
“Je
sens une distance indéfinissable, que je ne peux expliquer et qui me
fait mal.”
“Mes
petits-enfants sont des étrangers pour moi…” |
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