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Famille (5 mai 2005)


La garde alternée

 

Une semaine chez maman, une autre chez papa…

Jusqu’il y a peu, la formule “classique” en cas de divorce était de confier les enfants à leur maman, le papa ayant la garde un week-end sur deux et la moitié des vacances. Puis, avec la reconnaissance croissante du rôle du père, un certain nombre de couples séparés ou divorcés ont opté pour la garde alternée. Avec ses avantages et ses effets pervers…

 

Lire également ci-dessous :

Les psy, extrêmement réticents

 

Une semaine chez maman, une autre chez papa. Ou alors une demi-semaine chez l’un, une demi-semaine chez l’autre et le week-end à tour de rôle. Les formules sont multiples comme les familles séparées, recomposées, monoparentales… Dans le meilleur des cas, tout se passe bien. Le principal avantage d’une garde alternée harmonieuse est de maintenir une relation constante avec les deux parents et d’éviter à l’enfant le douloureux sentiment de faire de la peine à l’un ou l’autre. En âge d’école primaire et au début du secondaire, les enfants peuvent y trouver leur compte. “J’ai deux maisons, deux chambres. Mon beau-père m’explique les maths, ma mère, le français et mon père les sciences. C’est plutôt cool”, confie, tout sourire, un Benjamin de 11 ans. Marielle, sa maman, confirme l’équilibre ; son ex-mari et elle-même surmontent les inévitables différends dans l’intérêt de leurs enfants : “On peut divorcer d’un homme ou d’une femme que l’on a aimé, mais on reste parent pour toujours”, affirme-t-elle. François, le papa, l’approuve, tout en soulignant que la garde alternée demande à la fois rigueur et souplesse : “Il faut s’adapter aux vrais besoins des enfants. On ne peut pas refuser de changer une date et empêcher ainsi un enfant de participer à un match de football ou d’aller à l’anniversaire d’un copain. Mais il faut aussi respecter suffisamment les règles pour que l’enfant se sente en sécurité et puisse se gérer”.

 

“Et mes affaires de gym ?”

Le traditionnel “Et mes affaires de gym, elles sont où ?”, deux secondes avant de partir pour l’école, les enfants en garde alternée le connaissent bien. Forcément, elles sont toujours “à l’autre maison”.

Comme la préparation de la dictée, l’enveloppe avec l’argent pour l’excursion, les papiers qu’il fallait absolument signer… “Certains enfants ne sont jamais en ordre, soupire Mme Danièle, institutrice en 5e. Leurs affaires sont tantôt chez un parent, tantôt chez l’autre, mais rarement où il faut ! Tous les enfants doivent apprendre à avoir de l’ordre et de l’organisation. Ce n’est pas facile à dix ou douze ans. Mais quand on a deux maisons, c’est un casse-tête ! Il appartient aux parents de les accompagner. Certains le font, d’autres non… Et c’est une cause de dispute, parfois devant l’enfant qui se sent alors terriblement coupable. Mais il y aussi des élèves qui ont très bien compris le filon et qui en jouent pour masquer leurs propres oublis ! Ce n’est pas facile”. Pour les ados, c’est même franchement insupportable. A l’âge des copains et des décisions de groupe à la dernière minute, on vit mal le partage. “C’est vraiment trop dur de devoir sans cesse faire ses valises, trimbaler ses cours. Les vêtements des deux côtés, c’est l’horreur”, soupire Hélène. Elle souhaite se fixer chez son papa, “car en ce moment, maman et moi, c’est comme chien et chat”.

 

Problèmes d’argent

Et puis, il y a les cas où cela ne va pas. “Certains parents restent hostiles l’un à l’autre malgré la séparation, constate Jean-Yves Hayez, responsable de l’unité pédopsychiatrique des cliniques universitaires Saint-Luc. Parfois, l’un des parents fait tout pour “gommer” l’existence de l’autre. Parfois, l’un d’eux essaye de pourrir la vie de l’autre par tous les moyens”. Disputes, cris, injures se multiplient et ce sont les enfants qui paient les pots cassés.

Loin de préserver l’équilibre, la garde alternée devient alors un enfer constellé de reproches et de plaintes, notamment financières. En effet, la garde alternée suppose “tout en double”. Cela coûte cher et dépasse les moyens de certaines familles contraintes d’y renoncer, non sans amertume. D’autres la maintiennent, mais en se disputant la moindre dépense et l’enfant se sent une charge, un poids.

La garde alternée exempte en effet du paiement d’une pension alimentaire puisque l’enfant se trouve à part égale chez chaque parent (pour autant que les parents aient un revenu équivalent). Dans ce cas, qui paie quoi ? Un contrat doit normalement le stipuler clairement pour éviter tout problème. La garde alternée “prétexte” existe aussi et elle n’est faite en rien pour rendre les enfants heureux. Certains parents la réclament simplement pour ne pas payer de pension alimentaire. Ces parents-là s’occupent souvent fort peu de l’enfant, le confiant régulièrement à d’autres personnes.

Anne-Marie Pirard

 

Tous les prénoms utilisés dans l’article sont des prénoms d’emprunt.

 

 

Une Loi qui favorise la garde alternée

 

En déposant sur la table du gouvernement un avant-projet de loi relatif à la garde des enfants après le divorce, la ministre de la Justice Laurette Onkelinx (PS) souhaitait fixer un cadre juridique, établir des règles claires et privilégier la garde alternée. Sa proposition déposée en décembre 2004, a suscité de nombreuses réactions et débats. Car en la matière, rien n’est simple et il n’y a pas de “bon” modèle valable pour tous.

Lorsque le gouvernement a approuvé le texte et a accepté de mettre cet avant-projet dans le circuit législatif, les questions parlementaires ont été nombreuses, les articles de presse aussi…

 

Pourtant, le projet vient seulement d’entamer son parcours législatif. Il a été déposé à la Chambre en mars dernier. Il devrait figurer au menu de sa sous-commission “Droit de la famille” dans les premiers jours de mai, vraisemblablement le 11 mai. Ensuite, il devra être examiné en Commission de la Justice de la Chambre. Il parviendra ensuite en séance plénière de la Chambre. Et il pourra alors commencer son parcours au Sénat.

 

Le temps que le projet de loi mettra pour accomplir le parcours législatif complet sera fonction de l’agenda des députés d’abord, des sénateurs ensuite, et de la manière dont ils organiseront leurs travaux. Les membres des Commissions et sous-commission peuvent en effet demander l’audition de pédiatres et de pédopsychiatres, de psychologues, de diverses associations et organisations… Et puis, le projet n’est pas marqué du sceau de l’urgence. Il peut donc se faire “doubler”, en cours de parcours, par des dossiers qui requièrent un traitement plus rapide. Tout indique donc que le vote final ne devrait pas intervenir avant fin 2005, voire mi-2006.

AMP

 

 

Les psy extrêmement réticents

Psychologues et psychiatres estiment que la garde alternée est une solution parmi d’autres, mais ils se montrent réticents, sinon hostiles, à l’ériger en modèle de référence.

 

Face à la garde alternée, les réactions des psychologues et des psychiatres sont réservées et même plutôt réticentes. S’agissant des modalités de garde des enfants, Jean-Yves Hayez, responsable de l’unité pédopsychiatrique des cliniques universitaires Saint-Luc, estime qu’ “il s’agit d’une décision délicate, à prendre au cas par cas” (1). Or, légiférer sur le sujet, c’est prendre le risque de faire passer ce mode de garde comme une norme, une référence. Et là, précisément, les psy ne sont pas d’accord.

 

Ni une norme, ni une référence

Le projet de loi déposé à la Chambre à l’initiative de Mme Onkelinx se présente comme le prolongement naturel de la loi d’avril 1995 qui a instauré l’égalité de l’autorité parentale entre le père et la mère, ce que l’on appelle “l’autorité parentale conjointe”. Cette loi a constitué un véritable progrès, tous les psys sont bien d’accord là-dessus. “C’est un excellent principe qui reconnaît une égale valeur éducative au père et à la mère de l’enfant et l’importance que cet enfant puisse construire son identité en se référant à ce double lignage”, souligne Jean-Yves Hayez. Mais, précise-t-il immédiatement, “la garde alternée est l’une des applications possibles de l’exercice de l’autorité conjointe. Ce n’est pas la seule, ni même la meilleure possible”.

C’est également l’avis de Jocelyne Appelboom, professeur de psychiatreie infanto-juvénile à l’ULB, qui met le doigt sur les difficultés que cette solution peut entraîner pour certains enfants : “Le fait d’obliger les enfants à changer sans cesse de cadre de vie peut poser de sérieux problèmes, particulièrement aux enfants en bas âge. On risque d’augmenter l’insécurisation qui découle du divorce lui-même et d’ajouter des difficultés supplémentaires pour l’enfant”, écrit-elle (2).

 

Trois conditions de réussite

L’avis de l’enfant devrait être prépondérant dans le choix d’une solution harmonieuse après un divorce. Malheureusement, c’est loin d’être toujours le cas. Jean-Yves Hayez en fait pourtant la première des trois conditions indispensables pour que la garde alternée soit une réussite. Il parle de “l’état d’esprit profond et stable de l’enfant face au projet”. Le mot profond a son importance car l’enfant se sent tenu à la loyauté vis-à-vis de chacun de ses parents et craint de dire qu’il préfère vivre ici ou là de peur de faire de la peine à l’un de ses parents. C’est vrai, notamment, pour les adolescents qui, souligne Jean-Yves Hayez, ne sont guère enchantés par ce mode de vie.

Et puis, il y a les tout petits. Comme Jocelyne Appelboom, Jean-Yves Hayez estime qu’au-dessous de 3 ans, ils ont besoin d’une stabilité plus grande. Pour eux, la garde alternée n’est pas une bonne solution. Même Gérard Poussin, professeur de psychologie à l’université Pierre Mendès France, plutôt partisan de la garde alternée, le reconnaît lui aussi. (3).

Deuxième condition pour une alternance réussie : “Les deux parents doivent être aussi intéressés positivement par le projet et décidés d’y coopérer”. Pas question donc de multiplier esclandres et prises de bec lors des départs et des retours !

Enfin, il faut que les conditions matérielles s’y prêtent : une distance géographique trop grande entre les domiciles des deux parents exclut la garde alternée puisqu’elle ne peut garantir la stabilité scolaire et sociale de l’enfant.

Mais si ces trois conditions sont réunies et si les parents s’entendent pour pratiquer la garde avec souplesse, l’alternance peut très bien se passer.

AMP

 

(1) Dans un article publié de l’Observatoire social citoyen. Site : http://www.observatoirecitoyen.be/articlephp3?id_article=90

(2) Appelboom J. et Vangyseghem S., in “La Revue médicale de Bruxelles”, 2004, 25-442.

(3) Gérard Poussin, “La résidence alternée est-elle nocive pour les très jeunes enfants ?”, dans la revue “Divorce et Séparation” , n° 1, “La résidence alternée”, Editions Labor, 2004.

 

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