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Famille (1er décembre 2005)


Adolescents : fuguer… pour fuir quoi ?

Pourquoi un jeune fugue-t-il? S’il n’est pas bon de dramatiser la fugue, cette situation demande néanmoins une attention particulière. En effet, la fugue est l’expression d’un malaise du jeune qui ne supporte plus la situation dans laquelle il vit. C’est aussi un appel à l’aide...

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Retrouver la confiance

«Mon enfance est loin d’être calme, témoigne une fille de 16 ans. Un nouveau beau-père toutes les semaines. Quand ils ne me frappent pas dessus, c’est un miracle. Je n’ai pas ma langue en poche. J’ai toujours été franche. L’atmosphère chez moi est conflictuelle et tendue. Je ne me sens plus chez moi». «Ma fugue, raconte un garçon de 17 ans, c’était un moyen de fuir quelque chose de menaçant chez moi: mes parents. C’était un appel à l’aide.»

Comme l’explique Claude Lelièvre, délégué général de la Communauté française aux Droits de l’enfant (1), «tous les individus ont un seuil de tolérance. La fugue est l’expression d’un malaise, au même titre que l’agressivité, l’automutilation ou les tentatives de suicide. Certains jeunes fuguent pour fuir une situation intolérable. D’autres fuguent parce qu’ils ont du mal à accepter les frustrations.»  La fugue peut donc être bénéfique au jeune, puisqu’elle lui permet de sortir d’une situation devenue insupportable. Il ne faut cependant pas sous-estimer les risques auxquels s’exposent les fugueurs. «Le jeune en fugue peut tomber dans des situations à risques, comme la délinquance, la prostitution ou encore la consommation de drogue», explique Claude Lelièvre. «D’autre part, les fugueurs se trouvent dans un état de grande vulnérabilité. Ils sont donc des oiseaux pour le chat et le risque d’être victimes de violences est grand.»

En fuguant, si le jeune a pu échapper à une situation qu’il ne supportait plus, son retour n’est jamais évident. «Souvent, une fois que le jeune a fugué, la tension qu’il ressentait diminue et il se sent mieux. Mais vient ensuite la crainte de revenir à la maison par peur des risques de sanction qu’il encourt. Il reste donc en fugue.» On comprend dès lors l’importance du rôle que peuvent jouer les associations en aidant le fugueur et sa famille à trouver une solution qui permet de résoudre la crise (voir "Retrouver la confiance").

La démission des parents

Claude Lelièvre attire l’attention sur le profond malaise que ressentent les jeunes. «Dans notre société de consommation, l’argent constitue une des valeurs principales. Par contre, le travail n’en est plus une. De nombreux jeunes vivent dans des familles où les parents n’ont pas de travail. Les adolescents vont à l’école tout en se disant qu’il n’y aura pas de possibilité d’emploi pour eux plus tard. D’autre part, nos jeunes ont des idéaux: ils rêvent encore d’amour et d’affectivité. Mais que voient-ils autour d’eux? Des adultes qui, au nom de la liberté individuelle, ne savent pas restreindre leurs propres libertés ni être attentifs aux besoins des autres, avec comme conséquence, de plus en plus de mariages qui se terminent par un divorce… La réalité sociale actuelle est très inquiétante et les jeunes sont sans cesse confrontés à des sentiments tels que le découragement et le manque de confiance en soi».

Claude Lelièvre souligne encore une autre difficulté de taille, à laquelle les jeunes sont de plus en plus confrontés: la démission des parents face à leurs responsabilités. «A côté de la maltraitance physique, il y a la maltraitance invisible: les parents n’osent plus réprimander leurs enfants, laissent tout faire et n’imposent aucune règle. Or, il est impossible de grandir sans limites. Ces enfants deviennent donc des êtres asociaux qui ne tolèrent plus la moindre frustration. Et quand les parents démissionnent, la société doit créer de nouvelles structures d’assistance pour maintenir son équilibre».

Colette Barbier

(1) Claude Lelièvre, délégué général de la Communauté française aux Droits de l’enfant. 11-13 Bte 5, rue des Poissonniers à 1000 Bruxelles. Tél.: 02/223.36.99.


Retrouver la confiance

Tout le monde a sans doute encore en tête la cas récent et très médiatisé de Tiffany Warnotte qui a disparu pendant treize mois sans donner signe de vie. Ce cas est cependant exceptionnel. En effet, près de la moitié des fugueurs sont retrouvés le jour même et la plupart restent absents pendant une semaine au maximum. Moins de 10 % des fugueurs restent introuvables pendant plus d’un mois.

Child Focus, le Centre Européen pour Enfants Disparus et Sexuellement Exploités, est quotidiennement confronté à des situations de fugue, dont le nombre de cas est en constante évolution (1). Face à ce constat, Child Focus et la Fondation Roi Baudouin se sont associés, afin d’étudier les raisons qui poussent tant de mineurs à s’enfuir de chez eux (2).

Pourquoi fuguer?

Les problèmes familiaux (conflits, manque d’attention et de réceptivité, surveillance trop stricte, maltraitance, négligence) sont souvent à l’origine de la fugue. Des relations négatives avec les parents ou l’impossibilité de communiquer au sein de la famille s’aggravent au fil du temps et finissent par déboucher sur une situation intenable : «Ma mère m’a frappée. La punition de ma mère, c’est que je sois partie. Cela l’a fait réfléchir.» dit une fille de 17 ans.

Les fugueurs vivent généralement dans des familles éclatées qui comptent plusieurs enfants. En outre, il semble que les parents de fugueurs soient peu réceptifs aux signaux que leur transmettent leurs enfants. D’autre part, 50 à 70 % de fugueurs ont été victimes d’une forme de maltraitance dans leur famille.

La dispute «de trop», au sein de la famille ou de l’institution, les mauvais résultats scolaires sont souvent la «goutte qui fait déborder le vase» chez les garçons. Par contre, les jeunes filles fuient la maltraitance et les abus sexuels. Elles fuguent aussi soit pour être avec leur petit ami, soit suite à une dispute avec un ami, soit parce qu’elles en ont assez et veulent plus de liberté.

La vie pendant la fugue

Un certain nombre de jeunes vivent positivement le fait de fuir une situation intenable. En effet, la fugue leur permet de prendre le temps de faire le point : «Au début, j’étais contente d’avoir quitté la maison, mais je savais que cela ne pourrait pas durer. A un moment donné, c’est devenu vraiment dangereux», raconte une fille de 16 ans.

Si la majorité des fugueurs ont la possibilité de se rendre chez des amis ou des membres de leur famille, il ne faut pas négliger les risques auxquels ils s’exposent, comme la consommation de drogue, la violence physique et sexuelle. D’autre part, la plupart connaissent la solitude, la nostalgie, la faim et l’angoisse : «Je me sentais très seule et pas en sécurité. Je ne savais pas comment m’en sortir». Pour survivre, certains jeunes sont amenés à recourir à la mendicité, au vol, ou encore à la vente de drogue.

L’issue de la fugue

La moitié des jeunes qui rentrent chez eux le font volontairement. Les autres ont été repérés par la police, retrouvés par la famille ou des connaissances. Malheureusement, après le retour à la maison ou au sein de l’institution, les problèmes qui ont amené la fugue ne font pas toujours l’objet d’explications : «Lorsque les jeunes reviennent, il faut écouter ce qu’ils disent, interpelle une fugueuse. Il y a toujours une raison, quelque chose qu’on veut atteindre. On ne peut pas faire comme si rien ne s’était passé».

Si rien n’est fait pour s’attaquer aux causes du problème, les jeunes se retrouvent dans une situation semblable à celle qu’ils ont voulu fuir. Et les risques de récidives sont alors importants : «Quand on fugue, c’est un signe qu’il est trop tard, que cela devient tout à fait invivable. Et si l’on ne fait rien ensuite, si l’on ne change rien, tout est gâché, et cela va de mal en pis».

Après la fugue

Les jeunes pointent les problèmes familiaux comme la principale raison de leur fugue. Bon nombre d’entre eux se montrent extrêmement critiques sur les capacités éducatives de leurs parents. Ils estiment donc qu’il faut aider et soutenir leurs parents dans leur rôle éducatif, qu’on leur montre comment communiquer avec leurs enfants et, éventuellement, qu’on leur apporte un soutien pour résoudre leurs problèmes personnels (problèmes relationnels, alcoolisme…).

Il est important d’apporter assistance dès la première fugue d’un jeune afin de prévenir d’éventuelles récidives. Si la fugue révèle une situation de crise, elle ne doit pas nécessairement être considérée de manière négative. Celle-ci montre en fait que le jeune refuse de s’installer dans une situation insupportable. Dans ces moments difficiles, l’enfant en difficulté ainsi que ses parents, font souvent preuve de beaucoup de bonne volonté. Mais celle-ci diminue rapidement dès que la crise est passée… Il faut donc profiter de ce moment pour prendre des mesures sur le long terme, en étroite collaboration avec le jeune, bien entendu, et avec son entourage direct (la famille, l’école).

Des services d’aide

Le retour du jeune est un moment propice pour se tourner vers un service d’aide. Cette aide particulière exige une grande flexibilité en matière de disponibilité et d’accessibilité. Si le jeune et son entourage acceptent d’être aidés, il y a de fortes chances pour que la fugue soit un nouveau départ. Tout sera alors mis en œuvre pour faciliter la réintégration du jeune dans sa famille.

Toutefois, le retour en famille n’est pas toujours possible, ni même souhaitable. Il est des circonstances (maltraitance, inceste, abandon…) où, dans l’intérêt de l’enfant, il vaut mieux que celui-ci ne retourne pas dans son foyer et trouve un lieu sûr, au moins pour quelques jours, où il puisse se reposer et réfléchir à sa situation.

Mais, si des services d’assistance existent, les fugueurs ne les connaissent généralement pas. «J’aurais bien voulu savoir qu’il existe des organismes qui sont là pour t’écouter. A ce moment-là, je n’étais pas au courant qu’il y avait un centre d’aide à la jeunesse. Si j’y étais allée, cela ne se serait pas passé comme maintenant. Peut-être que quelqu’un aurait pu nous écouter et nous aider à mieux nous entendre, ma mère, mon beau-père et moi», explique une fugueuse. Le besoin d’informations est évident. Les écoles, les PMS, les médecins de famille, les associations… tous ceux qui sont en contact direct avec les jeunes en difficulté et leurs familles peuvent jouer un rôle essentiel dans l’information comme dans la détection, le signalement et le traitement de problèmes familiaux, scolaires et personnels..

CB

(1) En 2002, Child Focus a traité 1.093 dossiers concernant 1.117 fugueurs. En 2004, le nombre de dossiers est passé à 1.345 pour 1.375 fugueurs concernés.

(2) «Fuguer: … pour fuir quoi? Etude sur le profil et le vécu des fugueurs en Belgique». Ce dossier est le résultat d’une étude menée à la demande de Child Focus et de la Fondation Roi Baudouin, au sein de l’asbl Majong et du Groupe de recherche sur la criminalité juvénile de la KUL, en collaboration avec l’ULg. Ce dossier de 212 pages est disponible gratuitement auprès de la Fondation Roi Baudouin au 070/233.728. On peut le commander ou la télécharger sur le site www.kbs-frb.be

 

Des projets soutenus par la Fondation Roi Beaudouin

Lors d’un colloque organisé le 28 octobre dernier, intitulé «Fuguer… pour aller où? Aide aux jeunes fugueurs», la Fondation Roi Baudouin a présenté 18 associations d’aide à la jeunesse (8 francophones et 10 flamandes) qu’elle a décidé de soutenir dans leurs projets d’adapter leurs services aux besoins des jeunes fugueurs et d’offrir un meilleur accompagnement aux jeunes en situation de crise. Voici les projets francophones sélectionnés.

SOS Jeunes
Avec son site www.fugue.be , SOS Jeunes est accessible à tous. Son objectif: permettre aux jeunes et à leurs parents de mieux exploiter la période de crise pour comprendre et se réapproprier leurs difficultés de communication.
Quartier Libre, 27, rue Mercelis à 1050 Bruxelles - Tél.: 02/502 22 60

L’asbl Jeunesse maghrébine
Avec son projet «Une famille c’est pour la vie», cette association propose un service d’aide, d’écoute et d’accompagnement adapté aux spécificités culturelles des familles maghrébines.
Centre AMO, 35, Boulevard Barthélémy à 1000 Bruxelles - Tél. 02/218 27 27

Le Centre d’Accueil Trait d’Union (CATD)
Ce service psychosocial communal vise un «accompagnement des parents d’enfants fugueurs», en intervenant judicieusement dans les situations de crise, suite à la fugue d’un enfant et en mettant en place un lieu d’accueil et de soutien aux familles.
Tumelaire, 80 bloc P à 6000 Charleroi - Tél.: 071/86 15 07

L’asbl Service d’Information Psycho Sexuelle (SIPS)
Son projet «Lieu d’adresse, un lieu d’accueil pour jeunes en amont, en retour d’une fugue ou en fugue», vise à offrir au jeune un lieu d’écoute adapté au cas par cas.
Centre de planning familial de l’Université de Liège - 9, rue Sœurs de Hasque à 4000 Liège - Tél.: 04/223 62 82

L’Uche asbl
Ce service d’accueil, avec son projet intitulé «Espace de vie», offre au jeune en état de crise, un hébergement de courte durée (maximum trois jours), ainsi qu’une écoute et un accompagnement dans la recherche de solutions.
Centre AMO, 12, Boulevard des Archers à 1400 Nivelles - Tél.: 067/21 94 55

La Gerbe, service de santé mentale
Le projet «La bobine» vise les adolescents en bout de course avec lesquels les différents dispositifs d’aide déjà en place ne parviennent plus à entrer en contact. Ce projet vise à multiplier et favoriser les points d’ancrage du jeune dans sa réalité sociale du moment.
La Gerbe, rue Thiéfry 45 à 1030 Bruxelles - Tél.: 02-216 74 75

Asbl Abaka
Le projet “T’es pas tout seul” de Abaka asbl, Centre de crise et d’accompagnement non-mandaté pour adolescent(e)s, est de publier et diffuser une brochure intitulée “Je ne les supporte plus” qui parle des conflits que l’adolescent peut rencontrer, décrit l’aide que l’asbl peut apporter au jeune et une liste exhaustive de services similaires.
Asbl Abaka, rue Goffart 105 à 1050 Ixelles - Tél.: 02-640 07 11

CPAS de Charleroi
Le projet : “Jeunes en fugue : in and out” consiste à réaliser un travail social de médiation dans les situations familiales où cette piste peut se dégager. Le personnel suivra une formation supplémentaire et un folder soutiendra la communication envers le public cible.
CPAS de Charleroi, boulevard Joseph II 13 à 6000 Charleroi - Tél.: 071-23 30 96.



Child Focus

Les jeunes, comme les adultes, peuvent former le 110 (numéro d’urgence gratuit) afin de demander des informations ou signaler une disparition. Child Focus est accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.
Child Focus offre une aide précieuse aux parents dont le jeune a fugué:
• En leur conseillant de contacter la police afin de signaler la fugue de leur enfant.
• En les tenant au courant de l’évolution de la situation.
• En organisant la diffusion d’affiches et de vignettes et en entretenant des contacts réguliers avec la police.
Child Focus vient aussi en aide aux fugueurs en les aidant à se rendre dans un service d’aide à la jeunesse ou chez le Juge de Paix. Le Centre veille à ce que le jeune ne soit pas en danger et entame un dialogue avec lui pour connaître les raisons qui l’ont conduit à fuguer.

Child Focus, 292, Avenue Houba - de Strooper à 1020 Bruxelles - Tél.: 02/475 44 11 www.childfocus.org 
 

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