Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Familles (5 mars 2009)

 

 

Quand l’inconcevable est arrivé

La mort d’un enfant est une terrible épreuve. Quel que soit son âge, un fils ou une fille part toujours bien avant l’heure. Révolte, abattement, impression d’injustice. Parler de soi et de ses sentiments, au sein d’un petit groupe de gens marqués par le même drame, peut aider à s’en sortir.

"Jacqueline et moi avons perdu notre fils unique, décédé d’une overdose à l’âge de 22 ans. Pendant longtemps, j’ai senti en moi un refus et une colère lorsque j’entendais prononcer le nom des enfants des autres. Je me demandais si j’étais encore papa, si je pouvais encore parler de Serge, mon enfant." Comme d’autres parents, Ghislain a connu l’enfer. Qu’il s’agisse d’une overdose, de l’issue fatale d’une maladie, d’un suicide, d’un accident de la circulation ou d’une autre forme d’accident, la perte d’un enfant est l’un des drames les plus épouvantables qui  peut s’abattre sur un couple ou une famille. Les repères habituels s’évanouissent. Le sens de la vie s’étiole, voire disparaît. Dans un premier temps, les amis et les proches aident à tenir le coup. Puis, la vie reprend son cours. Jamais comme avant. Avec le risque lancinant de sombrer dans la dépression ou la solitude.

Ghislain, pourtant, s’en est sorti. «Le jour où j’ai pu exprimer mes émotions et mes sentiments par des mots, cela m’a aidé à débroussailler mes pensées et à accepter la réalité. Quand j’ai osé prendre conscience – et dire à autrui – que je me sentais vraiment abandonné par Serge, j’ai pu réaliser l’ampleur de ma solitude et celle de mon couple. Alors, j’ai compris que j’avais besoin de ne pas m’enfermer dans ma souffrance.»

Sortir la tête hors de l’eau. Renaître. Se réconcilier avec la vie: certains y arrivent avec l’aide d’un professionnel de la santé mentale, médecin ou psychologue. D’autres (et parfois les mêmes!) trouvent une porte de sortie auprès des groupes de parole. Depuis 1981, l’association “Parents désenfantés” offre un espace de parole spécifique à tous les parents, grands-parents et fratries, meurtris par le deuil d’un enfant. «Il existe divers lieux pour exprimer les stades par lesquels on passe: incompréhension, déni, colère, explique Annik Gilmont, une maman qui, à 34 ans, a perdu en même temps sa fille, sa nièce et sa mère. La particularité de notre asbl est de rassembler exclusivement des personnes qui ont vécu ce drame. Aucun travailleur social ne travaille pour notre organisation. Les parents qui ont perdu un enfant nous contactent soit rapidement après le décès, aiguillés par d’autres organisations, soit bien plus tard, quand les proches commencent à leur faire comprendre qu’ils devraient “passer à autre chose”». Facile à dire…

“Quand j’ai osé prendre conscience que je me sentais vraiment abandonné, j’ai pu réaliser l’ampleur de ma solitude.”

Après une première rencontre individuelle (à domicile ou au siège de l’association), les parents endeuillés sont invités, s’ils le souhaitent, à rejoindre un petit groupe de rencontre, animé – là aussi – par un pair, au rythme de quatre rencontres annuelles. «Ce premier pas est parfois difficile, commente Annik Gilmont, qui anime régulièrement ce genre de réunion à Wavre. Les nouveaux-venus peuvent craindre de s’exposer ou de rouvrir inutilement leurs blessures. Mais la règle d’or est l’absence de jugement. Chacun est invité à livrer son histoire dans un cadre sécurisant, sans oreilles extérieures.» L’effet positif du groupe peut alors jouer pleinement. «Il suffit parfois d’un mot, d’une expression chez l’un ou l’autre pour aider un participant à prendre conscience de ses propres sentiments. Je me souviens de cette maman qui, un jour, en entendant le mot “surprotection” dans la bouche d’un parent du groupe, a eu un déclic qui a enclenché un véritable cheminement personnel dans son deuil», ajoute l’animatrice.

Le but ultime de ce type d’accompagnement est de réapprendre à vivre, non pas “bien” ou “moins mal”, mais en trouvant un nouveau sens à la vie, voire à retrouver une certaine sérénité. Et à comprendre qu’il est possible de rester debout: les anciens du groupe, sous leurs yeux, en sont la preuve vivante. «Pendant huit ans, nous avons cheminé avec des parents ayant perdu, eux aussi, leur fils unique, se rappelle Danièle, dont la fille est décédée à 14 ans d’une méningite foudroyante. L’association nous a permis de tisser des liens. Nos enfants respectifs sont à l’origine de cette rencontre et d’une amitié sincère et très forte. C’était vital, pour moi, de voir à travers d’autres parents, comment on pouvait survivre et continuer.»

Chez “Parents désenfantés”, volontariat ne rime pas avec improvisation. Les dix parents animateurs de groupe (6 à Wavre, 4 à Liège) sont formés à l’écoute et suivent des supervisions collectives. «Nous pratiquons l’écoute active basée notamment sur l’empathie et la reformulation, détaille Annik Gilmont. Nous n’avons pas le droit à l’erreur, nous devons être les plus justes possible, éviter les conseils et, parfois, accepter notre impuissance sans porter le poids du monde sur nos épaules».

«Lorsque j’ai perdu mon fils, explique Martine, maman endeuillée devenue animatrice, on m’a dit mille fois: “Ne te culpabilise pas!”. C’est vrai que la poids de la culpabilité est énorme – toujours – après la mort d’un enfant. On se dit: “J’aurais dû faire ceci”, “Je n’aurais pas dû dire cela”. Mais si on coupe court à l’expression de la culpabilité, on évacue l’émotion qui la sous-tend, on la nie. Finalement, on ne soulage que soi-même, pas la personne qui a le plus besoin d’aide».

 

Philippe Lamotte

 

Ecoute et rencontres

L’asbl “Parents désenfantés” organise des soirées d’échange, quatre fois par an, à Wavre et Liège. La participation, réservée aux parents et familles en deuil d’un enfant (quel que soit son âge), est libre de toute appartenance religieuse ou philosophique. L’association organise également des rencontres de parole et d’échange pour les jeunes enfants et les grands-parents de ces familles. Chaque été, elle met sur pied une promenade ouverte aux 300 personnes qui ont (eu) recours à son accompagnement.

Elle assure, enfin, une écoute téléphonique à Bruxelles (02/366.41.11), à Liège (04/263.25.27), dans le Brabant wallon (010/24.59.24) et dans le Hainaut (064/55.57.70).

Plus d’infos sur www.parentsdesenfantes.org

 


Réagir à cet article

Retour à l'index

"Familles"

haut de page