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Famille (5 juillet 2007)


 

 

 

Ados en souffrance, ados violents

Nombre d’adolescents à l’histoire fracassée par les mauvais traitements, humiliations et injustices subis dans leur enfance finissent par “péter un plomb”. Ils n’arrivent pas à exprimer en mots toutes leurs souffrances qui éclatent alors à travers des comportements destructeurs et délinquants. Comment les aider?

 

 

Dans la fugue,
l’adolescent peut réexprimer l’abandon
du domicile par un de ses parents,
dont il a souffert enfant.

 

Fatima, 17 ans, s’est retrouvée avec un dossier «jeune délinquante» chez le juge de la jeunesse. Elle piquait des colères terribles et pouvait se montrer très violente à l’égard des filles de son école. Elle donnait également beaucoup de fil à retordre à sa mère chez qui elle vivait. Un an plus tôt, elle avait été littéralement tabassée par son père au point qu’elle ne s’était pas reconnue tout de suite dans le miroir; son hospitalisation avait duré quatre jours. Son père s’opposait à toute forme d’émancipation de sa fille…

Martine, 16 ans, n’arrête pas de fuguer. Ses parents ne peuvent s’empêcher de voir dans les fugues de leur fille comblée une remise en question de leurs compétences. Ils s’inquiètent pour elle mais quand ils se laissent aller au découragement, ils réclament son placement. Un placement qui perpétuerait une histoire familiale faite de ruptures et d’abandon…

Ces deux histoires parmi d’autres, Claude Seron, pédopsychiatre (1), les raconte brièvement dans son ouvrage «Au secours, on veut m’aider» (2) pour expliquer comment, dans un processus thérapeutique familial, amener les adolescents à renoncer à leurs comportements auto ou hétéro-destructeurs et soutenir les parents dans ce cheminement.

«Il est important de restituer du sens aux comportements violents de certains adolescents. Ainsi, dans le cas de Fatima, il est évident que la jeune fille met en scène toute la violence qu’elle a subie de la part de son père et de la non-protection de sa mère. À travers ses symptômes, elle extériorise sa souffrance mais en même temps, elle éprouve le besoin de la nier quand on l’évoque avec elle», explique Claude Seron. «Quant à Martine, il est clair à nos yeux que ses fugues font partie d’un script mimétique où l’adolescente exprime une forme d’abandon du domicile familial tout comme celui qu’elle a vécu alors qu’elle n’avait que quelques mois, lorsque sa mère est partie et que son père l’a confiée à une pouponnière…», ajoute le thérapeute familial.

 

Un travail

thérapeutique délicat

Claude Seron est fréquemment amené, comme intervenant familial, à accompagner des adolescents qui n’ont pas sollicité son aide, la demande émanant d’une autorité judiciaire ou administrative. Il témoigne de la difficulté d’entreprendre une thérapie familiale dans ces situations: «Les adolescents se montrent très souvent réfractaires aux entretiens avec nous et éprouvent de grosses difficultés à nous parler. Face à cette opposition, nous misons sur la motivation minimale de leurs parents».

L’objectif du travail thérapeutique est que l’adolescent puisse arriver à questionner ses parents, voire même à verbaliser des critiques ciblées et circonscrites à leur égard afin qu’il arrête de se détruire et de tout fracasser autour de lui, en hypothéquant son avenir. Ce n’est pas ainsi en effet qu’il obtiendra reconnaissance et réparation de ses souffrances.

«Lorsque nous tentons d’établir des liens entre la souffrance de l’adolescent et quelque chose qui n’a pas marché dans sa famille, qu’il s’agisse d’un comportement inadéquat chez les parents, de choix préjudiciables au bon développement de l’enfant ou encore de souffrances vécues par les parents et dont l’enfant n’a pu être épargné, il arrive fréquemment que l’adolescent prenne la défense de ses parents», observe Claude Seron.

L’objectif du travail thérapeutique est que l’adolescent puisse arriver à questionner ses parents afin qu’il arrête de tout fracasser autour
de lui.

D’un côté, l’ado met en cause ses parents à travers l’expression de ses symptômes en leur causant bien du souci (fugues, actes de vandalisme, vols, agressions,…), en jetant le discrédit sur leur honorabilité ou en leur rendant la vie insupportable à la maison. D’un autre côté, il veut leur épargner toute forme de blâme en prenant toute la responsabilité de ses actes sur lui.

Il est nécessaire de dépasser cette étape pour que les choses se disent réellement, sans transformer pour autant les entretiens en tribunal. «Il importe d’offrir aux parents une autre lecture de ce qui leur arrive, pour les aider à accepter de se questionner sur leur propre contribution, même involontaire, au mal de vivre et aux dérapages de leur ado. Beaucoup de parents déploient des efforts pour prouver que la souffrance de leur enfant n’a rien à voir avec leur propre souffrance ou inadéquation, rejetant la faute sur des mauvaises fréquentations, l’école, le juge, les grands-parents …»

Claude Seron témoigne de la difficulté, pour l’intervenant familial, de trouver un juste milieu entre le fait de blâmer les parents et celui de les absoudre, de les délester de toute responsabilité. «Ce n’est pas simple. Nous souhaitons en tout cas que les changements, les remises en question auxquelles les parents accèdent, la reconnaissance du vécu de l’enfant, soient pro?tables à la bonne évolution de l’ado».

 

Responsabilisation

Dans les situations où les parents ont imposé d’importants traumatismes à leurs enfants, la question de leur responsabilisation dans les problèmes que ceux-ci peuvent poser par la suite semble aller de soi. Mais lorsque les parents font preuve d’un mode de vie on ne peut plus normal - et c’est ce que disent la majorité d’entre eux, même si cela n’est pas toujours con?rmé par les faits -, la question du lien entre leurs comportements, leurs choix, leur vécu, la manière dont ils ont investi leurs enfants et les cicatrices encore ouvertes que donnent à voir ces ados est loin d’être évidente. Ils peuvent alors se sentir injustement traités par des psys qui «psychologisent» tout et surévaluent la dimension familiale dans les problèmes manifestés par leur enfant. Cette réalité est interpellante. «Il est vrai que les responsabilités institutionnelles et sociétales ne sont guère questionnées», reconnaît Claude Seron.

JD

 

(1) Claude Seron est psychopédagogue au Centre liégeois d’intervention familiale et à l’asbl “Parole d’Enfants”. En Marche lui a déjà donné la parole dans trois précédents articles sur, respectivement, les enfants abandonniques, les ados qui maltraitent leurs parents et ceux qui portent les valises de leurs parents. Voir www.enmarche.be

(2) “Au secours, on veut m'aider!” - Venir en aide aux adolescents en révolte, en rupture, en détresse…» - Éd. Fabert – 2006 - Prix EM: 22,50 EUR (cet ouvrage peut être commandé par écrit au service librairie d’En Marche. Frais de port en sus).

 

L'impasse de la psychiatrisation

Comme s’ils voulaient protéger les parents et l’entourage de toute responsabilité de ce qui se passe, certains intervenants recherchent les causes des comportements gravement perturbés du jeune dans la structure de sa personnalité. Selon Claude Seron, on assiste aujourd’hui à une forme d’appel à l’aide du social dirigé vers le monde de la psychiatrie, avec comme demande de prendre en charge (voire d’enfermer) le jeune lui-même, en le coupant de son milieu.

Cela n’est pas sans poser question. «Le psychiatre en milieu hospitalier n'est-il pas aussi démuni que les intervenants du social quand il s'agit d'impliquer un jeune dans un cheminement autour de questions existentielles qui le concernent ?, s'interroge Claude Seron. Le terme «borderline» emprunté à la psychiatrie adulte, est fréquemment impliqué aux adolescents mais quelle est l'utilité de leur coller cette étiquette ? Quel va être l'impact sur leur devenir ? Pour qui le jeune est-il borderline ? Quelles limites sont-elles atteintes ? Celles du jeune qui se sent perdu et n'arrive plus à se situer ? Celles des intervenants sociaux qui se sentent dépassés et ne savent plus se situer ? Ou celles de la société partagée entre ses velléités d'aider, de réprimer, de soigner, de protéger… Les adolescents en crise ne sont-ils pas les patients désignés de notre société parce que les responsables politiques et les agents d'encadrement ne savent plus que faire avec eux ?»

Quoi qu'il en soit, les attentes ouvertes ou secrètes à l'égard des «solutions» d'enfermement sont clairement utopiques…, conclut Claude Seron.

 

Les adoptions douloureuses

Dans les situations d’adoption, le vécu antérieur de l’enfant est souvent mis en avant pour expliquer ses difficultés à l’adolescence.

Il est fréquent que les géniteurs et leurs problèmes soient mis en cause pour trouver une explication aux symptômes de l’enfant adopté. Certains cliniciens travaillent en particulier avec l’hypothèse suivante : il arrive que des enfants étrangers adoptés en Europe réactualisent dans l’adolescence les drames qu’ils ont vécus dans leur pays d’origine comme si le fait d’agir leur permettait d’apaiser leurs peurs…

Cette interprétation pose question. «Qu’est-ce qui fait qu’un lien d’attachement d’une durée de 12 ou 13 ans dans sa famille adoptive n’arrive pas à in?uencer son comportement et faire contrepoids par rapport au vécu de cet enfant pendant un an ou deux dans son milieu d’origine?», se demande Claude Seron. «Existerait-il des traumatismes à ce point tenaces qu’ils auraient raison des tuteurs de résilience les plus significatifs ? Existerait-il des blessures primitives, des troubles de l’attachement précoces qu’aucun lien, aussi sécurisant soit-il, ne pourrait cicatriser?», poursuit-il perplexe. Et de constater que nombre d’adoptions sont faites par des familles favorisées sur les plans culturel, social et économique. Quand, à l’adolescence, la question du lien d’appartenance se pose, pour rester loyal envers ses parents d’origine, l’adolescent adopté refuse de s’identi?er à des réussites sociales trop voyantes.

«Bien souvent, les comportements de l’adolescent en révolte sont interprétés comme étant intentionnellement dirigés contre ses parents adoptifs comme preuve qu’il ne les aime pas ou ne les reconnaît pas comme ses parents», regrette Claude Seron. Cette mésinterprétation peut être à la source de la diabolisation de l’adolescent. C’est alors l’escalade. Plus l’ado a besoin d’être entendu et compris, plus ses parents se montrent irrités et exaspérés. Or, cette relation réactualise bien souvent d’anciennes blessures mal refermées, également chez la mère et/ou le père adoptif. «Jusqu’où sommes-nous autorisés à creuser, à travers nos questions, interpellations et interprétations, pour trouver du sens aux comportements et aux ressentis des uns et des autres ? Jusqu’où pouvons-nous aller sans prendre le risque de faire plus de mal que de bien ?», s’interroge de manière dubitative le psychopédagoque.


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