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Famille (20 juin 2013)

N’être ou ne pas naître

© Reporters

A priori, quand les parents apprennent qu'ils attendent un enfant, ils rêvent à la vie de famille, mettent en place des projets, se préparent à l’heureux événement. Malheureusement, dans certains cas, la grossesse se solde par un échec. Surmonter la perte de ce petit être avant sa naissance est souvent difficile.

Un berceau vide, des petits vêtements non dépliés, un landau que l'on ne déballera pas... Des futurs parents, remplis d'espoir à l'annonce d'une grossesse, voient leur projet s'envoler, leur vie s’écrouler. Leur bébé a cessé de vivre avant d'arriver à terme. La perte d'un fœtus est une souffrance qui peut paraître désuète aux yeux de ceux qui n'y ont jamais été confrontés. “J'ai entendu dire autour de moi : ‘Heureusement, vous êtes jeunes, vous en aurez d'autres' ou encore 'C'est plus facile pour vous parce que vous ne l'avez pas connue”, confie Audrey, une maman désemparée qui a perdu sa fille à 28 semaines de grossesse.

Une mort aux visages multiples

Appelé “deuil périnatal”, la mort d'un enfant à naître provient de causes multiples : malformations du fœtus, décollement placentaire, infections... “Les autorités de santé parlent de deuil périnatal entre la 22ème semaine de grossesse jusqu'au premier mois de vie de l'enfant, précise la Docteure Marie-José Soubieux(1), pédopsychiatre et psychanalyste et également, auteure du livre Le berceau vide(2). Mais je considère que cette notion va bien au-delà de cette période. Le décès précoce, la réduction embryonnaire, l'interruption sélective de grossesse, les fausses couches, la stérilité peuvent être vécus comme un deuil. C'est un être en devenir qui n'est plus. Des traces de ces enfants resteront dans le psychisme des parents.” D’après le Centre d'épidémiologie périnatale, en 2010, on comptait environ six enfants mort-nés (soit après la 22ème semaine de grossesse) pour mille naissances en Belgique. Et 15% des grossesses se soldent par une fausse couche (considérée comme telle jusqu'au 6ème mois de grossesse), dont 80% au cours des douze premières semaines(3).

Des moments difficiles

J’ai perdu Maylis à 36 semaines de grossesse, raconte Caroline qui avait fait une première fausse couche à cinq semaines. Un matin, comme à mon habitude, j'ai touché mon ventre et en général, ma petite fille venait se lover sous mes mains, comme pour me dire bonjour. Mais ce jour-là, pas moyen de la réveiller. Ne voulant pas m'inquiéter, je suis partie travailler mais toute la journée, j'étais très inquiète de ne pas la sentir bouger. J'essayais de me rassurer car parfois, les bébés sont endormis ou plus fatigués et donc, remuent moins. Mais le soir, mon mari, même s'il rejetait l'idée qu'il puisse être arrivé quelque chose à Maylis, m'a emmenée à l'hôpital pour stopper nos inquiétudes. Après être passé entre les mains de plusieurs sages-femmes et du gynécologue, le verdict est tombé: Maylis nous a quittés.

Des sentiments mêlés

La douleur s'installe dès l'annonce de la mauvaise nouvelle. Comme le souligne la pédopsychiatre Marie-Josée Soubieux, elle s’immisce dans tous les gestes de la vie : “Elle rend l'absent présent. Rien n'apaise cette douleur, ni les autres, ni le temps.”A ce sentiment pénible, s'ajoute souvent la culpabilité de la maman. Elle, si proche, dans son être, de son enfant se reproche de ne pas avoir été assez à l'écoute de son bébé. Parfois, la colère s'invite. “J’en voulais à mon entourage qui n'a pas compris notre douleur et qui donc, ne nous a pas soutenus suffisamment en ces moments difficiles”, lance une maman. D'autres ne supportent plus de côtoyer des femmes enceintes dont la grossesse se passe bien.

Un vide énorme

Une étape assez difficile dans le deuil périnatal est le retour à la maison. En effet, ces parents en devenir reviennent de l'hôpital avec les bras vides. Ils doivent affronter ce qu'ils avaient préparé pour l'événement : la chambre du bébé décorée, le matériel de puériculture accumulé... “Des amis et la famille étaient venus, à l'appartement, retirer tout ce qui était en lien avec l'arrivée de Maylis, se souvient Caroline. Mon mari et moi étions devenus des parents sans enfant. Mon corps cherchait un bébé qui n'était plus là.” Le ventre est vide. Les symptômes post-accouchement sont pourtant bien présents malgré l'absence d'enfant : montées de lait, chamboulement des hormones... “Je me sens vide, déboussolé, on est à côté de ses pompes...”, entend-on de la bouche de ces parents en perte de repères.

Des souvenirs

La vie se poursuit pourtant. Mais la douleur de la perte d'un être ne s'efface pas. “Moins longtemps aura vécu celui qui vient de mourir (...), plus dur sera le deuil”. Le psychanalyste Jean Allouch s'exprimait ainsi en parlant du deuil d'un enfant. Le père de la psychanalyse, Freud, allait dans le même sens : pour lui, le deuil n'est possible que s'il existe assez de souvenirs, d'images mentales claires de l'objet perdu. Les parents éprouvent donc des difficultés à faire leur deuil, n'ayant en commun qu'un passé très limité. “Quand Maylis est née, on m'a proposé de la laver et de l'habiller mais j'ai refusé car, à ce moment, je n'avais que la mort face à moi. Après, j'ai regretté de ne pas l'avoir fait. Aujourd'hui, il me reste d'elle un joli carnet enrubanné qui mentionne ses mensurations et dans lequel les sages-femmes ont apposé ses empreintes de mains et de pieds, montre Caroline. C’est l'hôpital qui s'est chargé de le confectionner et de me le remettre, ainsi qu'un DVD avec des photos d'elle à la naissance. Mais elle m'accompagne spirituellement chaque jour. J'y pense tout le temps et je lui parle.

Envisager la suite

Cet avenir avorté suscite souvent chez les parents le besoin de reconstruire ce qu'ils ont perdu. Mais beaucoup sont tiraillés entre la peur de trahir leur enfant perdu, l'angoisse d'une autre issue malheureuse et le bonheur de connaître à nouveau la maternité. Accepter l'arrivée d'un enfant suivant est une étape dans le deuil. “Je suis retombée enceinte très rapidement après le décès de notre première fille, explique Audrey. Mais quand je l'ai appris, ce moment n'était pas aussi empreint de bonheur. J'étais très inquiète du déroulé de ma grossesse. Et j'avais peur de ne pas aimer ce futur enfant autant que notre première.” Vivre une nouvelle grossesse peut raviver de mauvais souvenirs. Certains parents attendront de faire des projets en lien avec ce nouveau bébé, comme décorer la chambre, choisir le prénom ou encore acheter des vêtements..., de peur qu'un malheur les frappe à nouveau. La maman peut également éprouver des sentiments partagés face à ce ventre qui s'arrondit à nouveau: la mort l'a habité et aujourd'hui, il redonne pourtant la vie.

La mort, un tabou

Le deuil périnatal reste, de nos jours, encore un sujet tabou. “Ce non avènement devient un non-événement”, explique la Docteure Soubieux. Les parents touchés constatent souvent qu'autour d'eux, on préfère éviter le sujet, les isolant encore plus dans leur douleur. De peur d'être incompris, ils préfèrent se taire sur cette réalité. “Quand on me demande combien d'enfants j'ai eu, je préfère ne parler que de mon fils qui est vivant, raconte Caroline. C'est très difficile parce qu'en moi, je réponds: ‘j’ai deux enfants’. Mais à quoi cela peut-il servir de dire aux autres que ma fille est morte? Beaucoup ne comprennent pas que l'on puisse donner autant d'importance à cette enfant décédée avant de naître.

Pourtant, tous ces anges partis trop vite laissent une trace indélébile dans la vie de leurs parents, leurs grands-parents, leur fratrie... La perte d’un enfant ne doit pas être amoindrie. Prendre conscience de cette blessure et la considérer, c’est respecter la douleur immense de ces familles.

// VIRGINIE TIBERGHIEN

(1) La Docteure Marie-José Soubieux est intervenue lors d'une conférence sur le deuil périnatal organisée, à Bruxelles, en février 2009 par Yapaka, le programme de prévention de la maltraitance de la Fédération WB. 02/413.25.69. - www.yapaka.be

(2) M-J. Soubieux, Le berceau vide, Editions Eres, 2013, 189 p., +/- 25 EUR.

(3) Lire l'article sur la fausse couche sur www.mongeneraliste.be

 Groupes de soutien - Pas tout seuls !  

Un deuil est unique. Chaque situation est particulière”, souligne le Docteur Luc Roegiers, pédopsychiatre périnatal aux Cliniques universitaires Saint-Luc (UCL) et professeur d’éthique médicale. La famille vit cette épreuve, dans un premier temps, à l'hôpital. Parmi les témoins les plus proches du deuil, il y a les sages-femmes, les gynécologues, l’équipe pédiatrique... “Aujourd’hui, les professionnels hospitaliers sont de plus en plus conscients de l’importance de leur présence ajustée en fonction des besoins”, continue le Dr Roegiers. La prise en charge varie selon les hôpitaux; aux côtés des sages-femmes, des psychologues sont souvent disponibles. Les équipes sont attentives à permettre à chaque parent l’expression la plus ouverte de son deuil, l’espace d’intimité pour vivre ces moments intenses préservés de l’agitation quotidienne.

Une fois l'hôpital quitté, les parents se sentent bien souvent seuls. Des groupes de soutien et de paroles de parents endeuillés aident les couples à surmonter la douleur, à trouver les mots justes pour en parler en famille... Ces associations accueillent également les grands-parents, frères et sœurs, oncles ou tantes, etc. en quête de réconfort.

Les contacts virtuels peuvent également aider à en parler. “Lors du décès de Maylis, j'ai trouvé beaucoup de soutien sur des forums. Des femmes se trouvant dans une situation similaire à la mienne venaient y témoigner, explique Caroline qui a perdu sa fille à 36 semaines de grossesse. Elles comprenaient parfaitement ce que je ressentais. Je me suis sentie écoutée et un groupe de soutien s'est rapidement constitué. Des années après, nous sommes encore en contact. En leur parlant, je me suis rendu compte que je n'étais pas la seule à vivre un tel drame.

// VT

Quelques associations de soutien :
> Groupe d'aide aux parents endeuillés (CHR de la Citadelle-Liège) : 04/225.61.87 • www.deuil-enfant.be
> Parents désenfantés : 010/24.59.24 • www.parentsdesenfantes.org
> Mizuko (CHU St Pierre, UCL, ULB): 02/535.45.41 • www.lechienvert.be

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