Environnement
(7 août 2008)
Le réchauffement climatique :
quels
risques pour notre santé?
Le 7 avril
dernier, l’OMS consacrait la Journée mondiale de la santé au thème du
réchauffement climatique. Quel rôle joue-t-il dans la propagation de
certaines maladies? Quels bouleversements sont à prévoir et comment y faire
face? Si de nombreuses incertitudes demeurent, le réchauffement est bien là,
et il nous faut apprendre à vivre, d’ores et déjà, avec certaines de ses
conséquences.
Dans nos
contrées,
le
réchauffement climatique profite
à des
maladies telle
la
salmonelle ou
la
maladie de Lyme.
En
1999, le virus de la fièvre du Nil occidental, à l’origine de graves
encéphalites, était signalé pour la première fois dans l’état de New York;
il mettra à peine trois ans pour gagner l’ensemble des Etats-Unis, affecter
la population aviaire et faire près de 280 victimes. Comment expliquer la
propagation d’un virus propre à des régions tropicales comme l’Afrique ou
l’Asie ? Visiblement, le moustique Culex, vecteur du virus, a profité
d’hivers plus doux pour prendre pied sur le continent. L’Europe du Sud n’est
pas non plus épargnée. Les oiseaux, qui constituent à ce jour le seul
réservoir connu du virus, ont modifié leurs modes migratoires : des espèces
africaines séjournent désormais de plus en plus haut, jusqu’en Belgique. A
l’exemple du héron garde-boeuf, 196 espèces nicheuses en Europe sur 435 ont
progressé vers le Nord. Elles reviennent en Europe à une date plus précoce,
permettant au cycle du virus qu’elles transportent de commencer plus tôt. Un
risque pris au sérieux par un pays comme la France, qui a mis en place un
système de veille.
Ce cas illustre l’une des
craintes sanitaires le plus souvent évoquée dans les pays du Nord : la
propagation de nouvelles maladies vectorielles par des espèces animales du
Sud qui ne rencontrent plus d’obstacles climatiques. Parmi elles, des
oiseaux, mais aussi des insectes (moustiques, phlébotomes) et des acariens,
qui transmettent les maladies d’hôtes en hôtes. D’autres épidémies récentes
démontrent un lien direct entre le climat et ces virus : la fièvre de la
vallée du Rift, le paludisme, la dengue, le Chikungunya, signalé en Italie,
ont progressé ces dernières années.
Le réchauffement climatique,
seul responsable?
Les experts font toutefois
valoir que l’extension de ces maladies n’est pas mécaniquement liée au seul
climat. D’une part parce que la seule présence d’un moustique n’explique pas
forcément que le virus circule chez l’homme. Le paludisme ne se
développe plus car des mesures sanitaires efficaces ont durablement enrayé
la maladie. D’autre part parce que d’autres facteurs interviennent, tels que
la dégradation des systèmes sanitaires en Afrique, la déforestation, une
démographie mal contrôlée ou les déplacements de populations, tout comme la
plus grande fréquence des vols intercontinentaux, qui permet à des
moustiques embarqués de changer de continent.
Et en Belgique?
Si le diagnostic est nuancé,
il ne conduit pas non plus à relativiser les risques. Selon le Centre
européen de prévention et de contrôle des maladies (CEPCM), les foyers de
maladies transmises par vecteur devraient devenir de plus en plus fréquents
en Europe. Sous nos latitudes, l’extension de la maladie de Lyme, qui
est transmise par des tiques dures (ixolidés), en fournit la démonstration.
Très sensible au froid, cette maladie provoque, dans ses formes avancées,
une arthrite avec des épisodes de gonflements et de douleurs au niveau des
grosses articulations. En Belgique, 10 % des tiques sont infectées, et le
nombre de cas humains, qui était de 1.422 en 2006, est en augmentation. Cela
s’explique par la plus grande fréquence d’hivers plus doux et la
recrudescence du gibier, en particulier le chevreuil, qui constitue un
réservoir de choix pour la maladie (voir ci-dessous).
Les températures plus
élevées profitent également à d’autres maladies qui ne dépendent pas de la
présence de vecteurs. C’est le cas de la salmonelle, une bactérie qui
prolifère sous l’effet de la chaleur dans des produits animaux mais aussi
dans des fruits et des légumes. Dans les heures qui suivent le repas, elle
engendre des vomissements, douleurs abdominales et diarrhées. Le nombre de
cas augmentant de façon linéaire avec les températures, on estime que, dans
le cas d’un réchauffement de 2,1°, le nombre d’infection devrait augmenter
en Europe continentale de 12,8 %.
Se prémunir contre les tiques… et la maladie de Lyme |
Pour
se prémunir contre les tiques, on conseille de porter des vêtements
fermés et de couleurs claires, afin de repérer plus facilement les
tiques. On trouve aussi en pharmacie des insecticides efficaces qui
ont un effet répulsif. Au retour de chaque sortie, examinez
soigneusement toutes les parties de votre corps. Examinez également
les animaux domestiques qui peuvent ramener des tiques à la
maison. Si vous en trouvez une, vous devez la retirer rapidement. La
bactérie à l’origine de la maladie de Lyme est présente dans
l’estomac de la tique. La tique doit rester accrochée à la
peau pendant un certain temps pour transmettre la maladie via la
circulation sanguine (1 à 2 jours). Autrement dit, plus longtemps
elle restera figée dans la peau, plus le risque de transmission sera
élevé.
Lire aussi
“La maladie de Lyme et les tiques”, un article du Dr Callens du 7
juillet 2005 sur
www.enmarche.be
, rubrique Maladie. |
La flambée des allergies
Le climat a d’ores et déjà
modifié les saisons polliniques, entraînant, dans tous les pays, une flambée
d’allergie au pollen et de problèmes asthmatiques, dont la fréquence a
doublé depuis 15 ans. A Bruxelles, le début de la pollinisation du bouleau
se situait aux alentours du 15 avril en 1970, contre le 15 mars aujourd’hui
! La fin de la floraison est également retardée, une tendance qui s’est
fortement accentuée au milieu des années 90. Il en résulte une augmentation
du taux de pollens dans l’air, pour un très grand nombre de variétés
végétales. Ajoutons que le gaz carbonique joue aussi un rôle de fertilisant,
et que la pollution renforce le pouvoir allergisant des pollens. On a ainsi
noté que, plus la pollution automobile était forte, plus la pollinose
provoquée par le cèdre du Japon était virulente. Si le réchauffement se
confirme, ces taux devraient donc rester à long terme élevés.
Les chocs thermiques
L’effet de serre s’est enfin
traduit en Europe par des canicules plus fréquentes comme celle qui, en
2003, a tué près de 15.000 personnes en France. Des personnes âgées
essentiellement, dont l’organisme est plus fragile et perçoit moins
rapidement les effets de chaleur. Mais ici encore, le fait climatique ne
peut occulter d’autres facteurs aggravants : la solitude, la pauvreté, le
fait d’habiter sous les toits et en ville, avec une pollution et une
circulation d’air moindre. Socialement, l’exemple français l’a prouvé, tout
le monde n’est pas égal devant le risque présenté par les canicules!
Le vieillissement de la
population et la concentration urbaine laissent penser que les canicules à
venir pourraient frapper durement à l’avenir. Les solutions techniques
existent: installer une pièce rafraîchie dans les établissements de soins;
privilégier une climatisation passive, facile à mettre en œuvre dans les
nouveaux bâtiments. Encore faut-il permettre à toutes les catégories de la
population d’y avoir accès, et renforcer toutes les formes de solidarité.
C’est donc à notre capacité
à réagir, à anticiper collectivement que nous confronte le risque
climatique. A cet égard, la remise en question de certains acquis sociaux,
de l’universalité de la sécurité sociale, en Belgique et en Europe,
constitue un signal tout aussi préoccupant pour nos sociétés que le
réchauffement climatique.
Hugo
Martin
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Sources:
Jean-Pierre Besancenot, “Santé et réchauffement climatique”, Delachaux et
Niestlé, Paris, 2007.
Geneviève Ducoffre, Institut Scientifique de Santé publique.
Cet
article est proposé par Rise (Réseau intersyndical de sensibilisation à
l’environnement) avec le soutien de la Région wallonne.
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