Environnement (4 août 2005)
Quand la nature sort de sa réserve
La Wallonie abrite un patrimoine naturel surprenant
et d'une grande diversité, d'autant plus précieux qu'il joue sur la
proximité. Ces dix dernières années, avec l'aide européenne, les moyens mis
en œuvre pour le protéger ont décuplé.
Sauvegarder
notre Patrimoine naturel au bénéfice des générations futures est un must.
Personne ne prétendra le contraire. Cette prise de conscience ne date
d'ailleurs pas d'hier. Elle a même occupé les forces vives de plusieurs
associations durant des décennies. “Mais depuis quelques années, le concept
de protection a fortement évolué, constate Harry Mardulyn, Président de
Natagora, la plus importante association de conservation de la Nature en
Wallonie.
Au cours des années '70, dans le contexte des
agressions les plus diverses et des grands travaux d'aménagements dévoreurs
d'espaces, il fallait sauvegarder ce qui pouvait encore l'être. Notre action
se focalisait alors essentiellement sur une politique
d'achat de terrains”. Brancardiers du Patrimoine naturel, les naturalistes
ont paré au plus pressé. Ils se sont efforcés, dans un premier temps, de
soustraire les milieux les plus vulnérables et les plus riches, pour en
faire des sanctuaires. De cette époque date la mise en réserve des grandes
zones humides du Hainaut ou encore des “ pelouses calcaires ” de l'entre
Sambre et Meuse. En chiffres, rien que pour l'association
Natagora, cela représente aujourd'hui pas moins de
145 réserves naturelles réparties sur quelque 3.500 hectares. A cet effort
associatif, il faudrait encore ajouter les quelque 5.000 hectares de
réserves domaniales gérées par la Division “Nature et Forêt”, mieux connue
sous l'appellation DNF. Cette politique de conservation de la nature est
longtemps restée assez “fermée”. Elle ne concernait
essentiellement qu'un public averti, formé de spécialistes. Ces dernières
années, les naturalistes ont voulu la sortir de sa réserve. Sensibilisation,
éducation sont désormais sur toutes les lèvres. Pour aider le public à mieux
saisir les enjeux, lui donner l'occasion de mettre la main à la pâte et de
s'impliquer davantage, des chantiers nature ont même été proposés. Loin
d'être laissées à leur sort, les réserves exigent une gestion. Quelque 400
bénévoles y participent régulièrement. Cette gestion, qui n'est pas un
simple “entretien” au
sens où on l'entend pour un jardin ou un parc public, permet de reconstituer
et maintenir des conditions favorables à la faune et à la flore que l'on
cherche à préserver. Et oui, la toute grosse majorité des espaces mis en
réserve ne sont pas à proprement parler des milieux naturels, mais plutôt
semi-naturels. Ils sont issus de pratiques agro-pastorales héritées du passé
et aujourd'hui révolues. Ces milieux “jeunes” évoluent rapidement. Envahis
progressivement, ils se reboisent spontanément et perdent alors beaucoup de
leur
valeur. Pour garder une certaine biodiversité sur des territoires aussi
exigus, l'intervention est incontournable.
Penser globalement, agir localement
Restait pour être vraiment efficace à plus grande échelle, à nouer des
partenariats durables avec les autorités publiques. C'est dans ce contexte
que sont apparus les projets “Life” financés par “Life Nature”, un organe de
l'Union européenne. Les programmes mis en œuvre dans cette dynamique sont
essentiels pour le maintien de la biodiversité à long terme. Très ciblés,
ils ne concernent que des habitats naturels ou des espèces dont la
sauvegarde est critique à l'échelle du continent européen. Prenons l'exemple
du projet
Life “Roselières”. Plus encore que les autres types de zones humides, les
grandes étendues de roseaux abritent des espèces d'oiseaux fortement menacés
de disparition partout en Europe. La restauration de ce type de milieu dans
la Vallée de la Haine porte sur de nombreux sites dont le principal est le
complexe marécageux d'Harchies, Hensies, Pommeroeul. Ensemble, ils forment
un vaste réseau écologique, essentiel pour le maintien de populations
d'oiseaux d'eau dont le butor étoilé, le blongios nain et le gorge bleu,
espèces qui ne se contentent pas d'une simple mare à canards.
D'autres projets portent sur des espèces certes moins spectaculaires, mais
tout aussi essentielles pour le maintien de la biodiversité en général.
Saviez-vous qu'il existe chez nous des moules perlières ? Cette espèce,
extrêmement sensible aux pollutions de tous ordres, constitue un précieux
indicateur de qualité des eaux. Autant dire tout de suite qu'il ne subsiste
pas beaucoup de milieux aquatiques où elles "courent"en liberté. Seuls
quelques ruisseaux de la forêt d'Anlier et de la Haute Sûre en hébergent
encore. Leur unique chance de salut est la mise sous protection de pans
entiers de ces forêts. Autre cas de figure, autre programme. A l'époque des
bergers et du pâturage extensif de leurs moutons, les coteaux de la Haute
Meuse et du Viroin abritaient une richesse botanique fabuleuse. Notamment
quantité d'espèces d'orchidées sauvages. Suite à la disparition des
troupeaux, nombre d'espèces de papillons
inféodées directement à ces plantes se sont éclipsés sur la pointe des
pattes. La restauration de ces “pelouses” fait aujourd'hui l'objet de
travaux à l'échelle de toute une vallée.
Ce n'est pas tout. D'autres projets plus ambitieux encore pourront voir le
jour grâce à la manne européenne. Ainsi, les hauts Plateaux de la Croix
Scaille et ceux des Tailles avec leurs fanges tourbeuses piquées de
linaigrettes feront bientôt l'objet d'un gigantesque puzzle. Les parcelles
de landes épargnées seront agrandies et mises bout à bout pour former un
ensemble naturel cohérent de très haute valeur biologique et paysagère. Ces
espaces abritent des espèces rarissimes de papillons, de libellules et de
plantes. Un héritage inestimable d'une époque où nos régions vivaient sous
un climat glaciaire. Pour être complet, il faudrait encore parler du projet
portant sur les terrains militaires. Soustraits à la mise en culture et donc
échappant aux traitements phytosanitaires ou à l'enrésinement “forcéné”, les
immenses étendues de Lagland, de Marche-en-Famenne et d'Elsenborn se sont
refermées sur un intérêt biologique absolument extraordinaire.Toujours sur
pied de guerre, les défenseurs de la nature sont allés au devant des
militaires pour une collaboration et une mise en valeur de ces oasis nature.
Marc Fasol
Natura 2000
Tout le monde a entendu parler de Natura 2000.
Mais quelle est l'idée que sous-tend
exactement cette initiative ?
Il s'agit une
fois de plus de protéger la nature à très grande échelle. Pour
ce faire, l'Europe vient
de jouer une carte décisive, allant bien au-delà de ce que
faisaient jusqu'ici les Etats. Ambitieux, le projet
implique pour la Wallonie pas moins de 13% de son territoire.
Les directives européennes “Habitats” et
“Oiseaux” qui en sont à la base reprennent en détail la liste
des milieux naturels et des espèces concernées.
Elles en ont donc imposé le classement et la protection sur une
superficie représentative. Le tout,
exclusivement sur base de critères scientifiques, objectifs, à
l'exclusion de toutes considérations
économiques. Le Gouvernement wallon a ainsi fini, après
plusieurs rappels, par désigner en Natura 2000
quelque 220.000 hectares! Que va-t-il s'y passer? Pour chacun de
ces sites, un arrêté de désignation
reprendra la cartographie précise, avec en détails, les plans
cadastraux, les intérêts scientifiques de chacun
d'entre eux, ainsi que les contraintes pour les propriétaires,
qu'ils soient publics ou privés ! Pas moins de 20
personnes seront engagées à cet effet. Mieux, des contrats de
gestion seront établis pour chaque site et pas
moins de 8 Commissions ont été nommées pour en assurer le suivi.
Force est de constater qu'à l'instar du
Patrimoine bâti, le Patrimoine naturel acquiert, en Wallonie,
peu à peu force de loi… |
Quelques rendez-vous “nature” cet
été 2005
• De nombreuses réserves naturelles sont ouvertes au public, certaines à
accès libre, d'autres à accès limité. Chaque
réserve possède une fiche technique consultable sur le site
www.natagora.be Des visites
guidées ont lieu dans certaines
réserves. L'agenda d'été est disponible sur simple demande à Natagora asbl,
rue du Wisconsin, 3 à 5000 Namur.
Tél. : 081/83 05 70.
Aussi sur www.natagora.be
• Creuser des mares, faucher des prés, aménager des sentiers… : autant
d'actions concrètes que des volontaires peuvent
pratiquer dans nos réserves pour préserver plantes et animaux menacés. Le
programme complet des Chantiers Nature
(journées, WE, séjours résidentiels…) se trouve dans la brochure gratuite
“Nature, côté action” disponible à Natagora.
Tél. : 081/83 05 70. www.natagora.be
• Fête des abeilles à Virelles le dimanche 21 août à partir de 11h. Bar à
hydromel, animations, recherche de la reine,
montage d'une ruche, poste d'observation. A 15h: “Comment devenir apiculteur
?”. Prix : 6 EUR (enfants : 3 EUR) -
Tél. : 071/61 30 96.
• “La Nuit européenne des Chauves-souris”, le samedi 27 août : une rencontre
renversante ! 40 sites de promenades
nocturnes gratuites en Wallonie et à Bruxelles avec, animations pour
enfants, projections vidéos. Liste complète des
excursions dans l'Agenda Natagora (voir ci-dessus). Tél. : 0800 1 1901.
Aussi sur www.chauves-souris.be
• Si tout le monde connaît le hamster domestique qui passe ses journées à
courir dans sa roue, qui sait qu'une espèce
sauvage vit chez nous ? Pour le recensement des terriers de hamsters en
Hesbaye durant l'été, on cherche des
volontaires. Tél. : 04/250 95 99.
• En région bruxelloise, des visites de jardins labellisés “refuges
naturels” sont organisées pour permettre aux visiteurs
et autres jardiniers en herbe de découvrir les aménagements qui font d'un
jardin un espace accueillant pour la vie
sauvage. Parmi ces visites, épinglons le dimanche 14 août à 14h, celle d'un
véritable jardin d'Eden au cœur d'un centre
d'accueil pour personnes adultes ayant un handicap moteur. Cette visite
gratuite organisée par l'asbl Facere est
accessible aux personnes à mobilité réduite. Réservation obligatoire.
Renseignements :
Natagora - tél. : 02/245 55 00.
www.natagora.be/refuges-naturels
• Le Parc naturel des plaines de l'Escaut est truffé de paysages dont la
qualité est reconnue. Plus de 400 km d'itinéraires
de randonnées balisés, 16 fiches et 2 cartes, une touristique et une de
randonnée, sont disponibles pour le découvrir à
pied ou à vélo. La carte de la route paysagère permet quant à elle de
visualiser les 130 km du tracé et propose une
définition richement illustrée des ensembles paysagers qui composent le Parc
naturel. Il existe enfin un programme des
plaines d'été (balades guidées faisant la part belle aux partenariats avec
les pépiniéristes et producteurs) et un guide
"Nature en poche" qui propose 320 idées de sorties-nature à déguster d'ici
décembre. Prix pour les 3 cartes: 15 EUR.
Renseignements: 069/77 98 10.
www.plainesdelescaut.be
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