Environnement (4 septembre 2008)
Coopérer,
c’est naturel
Le jardin
apparaît souvent comme un lieu privé où se mettre à l’abri des tourments de
la vie quotidienne. Aujourd’hui, plus positivement, le jardin est un lieu de
retrouvailles. Il est ce lieu symbolique “d’une relation apaisée entre
nature et culture”, comme l’écrit Jean-Claude Pechère dans un livre
passionnant “Le soleil et l’ombre”
(1).
Un arbre est un être collectif
qui forme une grande famille de branches,
vivant ensemble, avec chaque année une belle
ribambelle de nouveaux enfant-branches.
Pourquoi
trouvons-nous que la nature est belle? Il n’est pas besoin de longues
considérations pour s’en expliquer! On ne discute pas la beauté d’un
feuillage d’automne, d’un printemps naissant ou la lumière d’un ciel clair
par une journée d’hiver parce que l’homme ressent spontanément “un
sentiment d’appartenance” avec les arbres, les plantes et le ciel. Dans
son livre, Jean-Claude Pechère nous invite à découvrir les formidables
échanges existant entre espèces animales ou végétales sans lesquels il n’y
aurait que destruction.
Une grande famille
sous les arbres
Qui sait les talents
multiples des feuilles “solides, souples et légères, exposant une grande
surface pour une remarquable minceur”, interroge Jean-Claude Pechère?
Idéalement profilées pour pomper l’eau de la terre vers le ciel, les
feuilles transforment l’eau, le gaz carbonique et la lumière en sucres et
oxygène atmosphérique indispensables à la vie. Non seulement la
photosynthèse a révolutionné l’histoire de la vie sur terre, mais les
feuilles le font avec une efficacité remarquable de 95% au cours de l’étape
initiale de captation de la lumière alors que nos panneaux solaires
affichent aujourd’hui une efficacité de 15%. Qui inventera un capteur
solaire aussi léger, efficace et solide qu’une feuille? Observez aussi ces
nervures qui se terminent en impasses, fermées aux extrémités, contrairement
à nos vaisseaux sanguins qui forment un réseau ouvert. Il suffit de voir une
chenille dévorant une feuille avec appétit pour comprendre les avantages du
réseau fermé: quand bien même une grosse nervure serait coupée, les fluides
s’écoulent peu et prennent les voies de traverse.
Dans la nature, la survie est affaire d'échanges et
d'interdépendance, on n'en finirait pas de dénombrer les couples
gagnants-gagnants. |
Un arbre ne se découvre que
rarement en entier à cause de sa partie enterrée, la plus importante en
réalité. Il n’y a ni corps, ni tête contrairement à la plupart des
organismes vivants. “Cette disposition, commente Jean-Claude Pechère,
favorise les échanges avec l’environnement pour relever le principal défi
d’une plante: l’immobilité.” Un arbre pousse là où il naît. Certes, le
vent diffuse ses graines, mais il ne peut courir après sa proie ou s’enfuir
si on l’agresse. Il doit se nourrir sur place, subir les saisons chaudes et
froides, ce qui suppose de belles facultés d’adaptation. L’oiseau qui loge
et se nourrit à l’abri de ses branches apparaît plus libre que l’arbre qui
l’héberge, mais la durée de vie de l’oiseau n’est en fin de compte au mieux
que de quelques années contre plusieurs décennies pour l’arbre, jusqu’à
parfois devenir centenaire. Les tempêtes peuvent le fendre ou briser des
branches, il poursuit son existence. Mais coupez les ailes à un oiseau!
Quel est donc le secret de
cette vitalité? “Un arbre est un être collectif qui forme une grande
famille de branches, vivant ensemble, avec chaque année une belle ribambelle
de nouveaux enfant-branches. C’est une colonie d’unités séparées qui se
succèdent annuellement en poussant les unes à partir des autres, toutes
parentes, mais toutes différentes…” Mais surtout, dans la nature, la
survie est affaire d’échanges et d’interdépendances. On n’en finirait pas de
dénombrer les couples gagnants-gagnants. Ainsi, l’arbre abrite des dizaines
d’insectes, des oiseaux, des mammifères, et d’autres plantes qui
entretiennent avec eux des liens complexes. La fécondation des fleurs
assistée par le vent ou les insectes est une association remarquable
d’intérêt mutuel comme cette association entre la plante qui nourrit le
champignon qui vit à ses pieds, qui lui-même apporte en retour à la plante
l’eau, les sels minéraux et les oligoéléments nécessaires au développement
de la plante.
La nature suggère que la capacité des espèces à
coopérer pourrait représenter un critère de sélection significatif. |
L’arbre est, depuis
longtemps, le meilleur ami de l’homme. Il procure fruits, énergie ainsi que
de nombreux dérivés comme le papier ou de nombreux médicaments. Mais
aujourd’hui, que reçoit-il en échange de ces services? Le déboisement est
considérable. Les sols ne sont pas suffisamment protégés. Va-t-on se
retrouver “déboisé” comme l’Islande ou l’île de Pâques? Certaines
civilisations (comme les Mayas) n’ont pas résisté à la mauvaise gestion de
leurs forêts. L’homme moderne pense qu’il a le devoir de maîtriser la
nature. Mais il confond le droit de domination avec le droit d’exploitation,
l’épuisement des ressources étant sa seule limite!
Rappelons que les premiers
jardins ont été fruitiers et potagers, permettant aux premiers hommes de
s’affranchir des aléas de la cueillette. Est-ce pour cela que beaucoup de
gens disposant d’un jardin estiment que cultiver des légumes n’est pas
“digne” d’un beau jardin?
Malgré tout, les légumes
reviennent en force. Non seulement dans nos pays tentés de plus en plus par
le bio, mais aussi dans nombre de pays souffrant de la crise alimentaire.
L’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)
a proposé tout récemment d’en revenir à l’agriculture biologique et de
favoriser les petits exploitants agricoles dans les pays tropicaux. Ainsi,
nombre de zones sauvages ne devront pas être défrichées et il ne faut pas
recourir aux engrais azotés. L’agriculture biologique locale ne connaît
guère de problèmes de distribution. Elle donne du travail aux cultivateurs
et aux revendeurs. Elle diversifie et enrichit la diversité alimentaire tout
en préservant les ressources naturelles.
L’éthique du vivant
Au bout du chemin, la
synthèse philosophique qu’en tire Jean-Claude Pechère n’est pas moins
intéressante que les “promenades” d’observation qu’il nous propose tout au
long de ces pages. Il nous parle d’éthique, au sens où la définissait
Spinoza, comme une “science de l’obligation pour le bénéfice des autres”.
Certes, la nature n’a pas de
dessein. Mais l’observation montre qu’il y a une éthique du vivant dans le
sens où il apparaît au scientifique un mouvement de fond par lequel la
nature élabore des stratégies de préservation et de développement. Voilà
pourquoi nous ne sommes pas vraiment les propriétaires de la nature mais en
quelque sorte les partenaires d’une “autogestion”. Certes les arbres, les
insectes, les bactéries ne pensent pas et n’ont pas de comportement moral,
mais ils savent réagir à leur environnement. Pensons aux bactéries qui
“résistent” et s’adaptent aux antibiotiques. Cela fait plus de 50 ans que le
bras de fer se poursuit entre bactéries et inventions humaines. Et la
médecine a de plus en plus de difficultés à combattre aujourd’hui certaines
affections graves. Curieusement, ce sont les organismes les plus simples,
présentant en apparence le moins de possibilités de réaction pour assurer
leur survie qui présentent une étonnante capacité d’adaptation…
Dans une conception
darwinienne de l’évolution, la “sélection naturelle” est au cœur de la
théorie évolutionniste. Mais aujourd’hui beaucoup remettent en question une
interprétation abusive des travaux de Darwin qui aurait démontré que la
compétition et la lutte sont les moteurs de la survie. Certes, la violence
est présente dans la nature et les antilopes ont intérêt à courir plus vite
que la
lionne.
Cependant, observe Jean-Claude Pechère, “la nature suggère que la
capacité des espèces à coopérer pourrait représenter un critère de sélection
significatif. L’espèce qui réussit à s’intégrer dans une relation d’intérêt
réciproque, celle qui contribue le mieux à la cohérence du tout, trouverait
plus facilement un abri, une source de nourriture, une facilité à se
reproduire, bref un réseau d’échange d’autant plus accueillant que la
nouvelle arrivante offre un service d’échange.” (2).
Ainsi, plus on dénombre
d’espèces dans les fonds marins, mieux l’écosystème fonctionne: la
coopération, et non la compétition, garantit la santé du milieu dont la
biodiversité devient un marqueur décisif et une priorité pour le
fonctionnement durable des océans… mais aussi de la planète. L’éthique du
vivant se construirait sur trois piliers. Au niveau individuel l’adaptation
permet une meilleure maîtrise des aléas de la vie quotidienne: à l’échelle
collective, des fils solides tissent une protection des uns par les autres;
enfin l’évolution sait récompenser les plus aptes à survivre et à
collaborer.
Christian
Van Rompaey
(1) Jean-Claude Pechère, médecin, biologiste, chercheur
enseigne aux quatre coins du monde et est impliqué dans des projets de
développement dans les régions pauvres du monde. Fils de René Pechère,
célèbre architecte de jardin il vient de publier. Le soleil et l’ombre •
(Editions Racine 2008 • 24,95 euros).
(2) On peut lire également sur ce thème le livre de
Jean-Marie Pelt. La solidarité chez les plantes, les animaux, les humains.
Editions Fayard 2004 (+/-17 euros - en poche: 4,75 euros)
Jardins en Fête |
30
jardins à visiter le dimanche 28 septembre à Bruxelles
A
l’occasion du 100ème anniversaire de la naissance de René
Pechère, dont le nom est lié à l’architecture des jardins et du
paysage, un certain nombre de manifestations permettent de célébrer
la mémoire de l’architecte belge de jardins le plus connu dans le
monde.
Le public pourra
visiter gratuitement les jardins de René Pechère, mais aussi des
jardins conçus par des architectes paysagistes, des artistes, des
professionnels et des jardins imaginés par des amateurs éclairés.
En invitant le
public à pénétrer en nombre dans des jardins privés prévus pour une
famille, il a fallu prendre certaines précautions. Voilà pourquoi
la réservation est indispensable.
Le public peut se
procurer la brochure-programme et s’inscrire aux rendez-vous de son
choix parmi les 30 jardins sélectionnés. Les personnes inscrites
recevront une confirmation du lieu et de l’heure de visite de même
qu’un badge d’accès.
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Les inscriptions
se font sur le net ( www.bvrp.net
), par poste et à la Bibliothèque René Pechère (55, rue de
l’Ermitage 1050 Bruxelles) et par fax (02/649 73 95). |
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