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Enseignement (7 juin 2001)


 

Apprentissage des langues

Vive l’immersion linguistique

“L’analphabète de l’an 2000 sera unilingue”. Quand elle a lancé ce slogan, voici des années, l’asbl Pro Lingua était un précurseur. Aujourd’hui, cette conviction est largement partagée par les parents d’élèves et par les jeunes eux-mêmes. Mais comment devenir bilingue?

La connaissance des langues a toujours représenté un atout dans notre société: ce n’est pas pour rien que, dans les familles fortunées, les enfants étaient élevés par une gouvernante étrangère. Aujourd’hui, dans un monde où les distances n’existent plus et où les relations sont devenues internationales, cette maîtrise de deux ou trois langues n’est plus seulement un atout, c’est une nécessité. L’apprentissage et la maîtrise de langues étrangères font donc désormais partie du bagage fondamental de chaque élève. C’est une bonne chose.

Mais, devenues critères de sélection, les langues ont pris dans l’imaginaire collectif une place excessive: leur apprentissage est devenue une obsession à laquelle certains parents sont prêts à tout sacrifier comme par exemple les dernières malheureuses heures d’initiation artistique encore inscrites dans les horaires pour les remplacer par des cours de langues.

Des résultats aléatoires

Cette attitude est d’autant plus irrationnelle que, dans la plupart des cas, les résultats de l’apprentissage des cours de langue à l’école sont extrêmement aléatoires. Et c’est vrai aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis. “Il faut oser se l’avouer: les gens qui ont appris une langue en classe grâce à un professeur particulièrement inspiré sont l’exception et non la règle. Globalement, l’enseignement des langues vivantes dans les écoles est un cuisant échec” affirme Anna Lietti, spécialiste de l’enfance. Son plaisant petit bouquin, “Pour une éducation bilingue” est paru voici presque dix ans... et n’a pas pris une ride (1).

C’est que durant toutes ces années, la manière d’enseigner les langues a peu évolué. Pas question ici de crier haro sur l’école et sur les enseignants. L’école a essayé de nombreux changements de méthodes et la plupart ont consenti d’incontestables efforts. Ce qui est en cause, c’est la logique même des conditions d’apprentissage. Durant six, sept, huit ans, davantage parfois, les enfants reçoivent des “miettes” de langues et ne bénéficient pas d’une “intensité d’exposition” suffisante. Enfin, c’est le fait qu’il n’y a pas d’environnement moins “naturel” qu’une salle de classe durant un “cours de langue” où “il n’y a aucune nécessité de communiquer un message quelconque” ainsi que le souligne Anna Lietti.

“Bain” prolongé

C’est la raison pour laquelle, à Bruxelles et en Brabant Wallon, un certain nombre de parents inscrivent leurs enfants dans une école néerlandophone. Chacun est libre de ses choix et il serait absurde de dire qu’il “faut” ou “ne faut pas” faire ceci ou cela ! Mais cette forme de “bain” prolongé suscite de nombreuses controverses entre spécialistes. La formule est indiscutablement positive pour les enfants dont les parents n’ont pas la même langue maternelle. Pour les autres, les avis sont partagés. Ils se muent en réticence quand l’enfant poursuit sa scolarité dans une langue qu’aucun de ses deux parents ne maîtrise.

Le bilan linguistique des petits francophones inscrits à l’école flamande est d’ailleurs mitigé: la plupart d’entre eux se débrouillent dans les deux langues, mais ils n’en maîtrisent réellement aucune. Leurs résultats en lecture, vocabulaire, conjugaison et orthographe sont généralement plus faibles que ceux des enfants élevés dans leur langue maternelle.

Quant à la portée culturelle et sociale d’un tel choix, elle est trop souvent négligée par les parents. Car autour de l’école, se crée tout un réseau d’amis, une vie sociale. Comment assurer le suivi scolaire et participer à cette vie autour de l’école si en tant que père ou mère, on ne comprend pas ou si peu la langue parlée dans l’entourage scolaire et amical de son enfant?

Enfin, comme pour trouver un compromis, certains parents se disent qu’ils limiteront le parcours scolaire néerlandophone de leur enfant à l’enseignement primaire, celui-ci rejoignant par la suite l’enseignement secondaire en français. Un point de vue qui conviendra rarement dans la réalité. Ce changement radical peut en effet poser chez les enfants d’énormes problèmes tant du point de vue pédagogique que psychologique.

Toutes ces formules sont d’autant plus bancales que la meilleure solution est connue depuis bien longtemps. Anna Lietti la désigne avec humour : “Il s’agit tout simplement de réinventer l’eau chaude c’est-à-dire un “système gouvernante généralisé”.

Apprendre “en faisant autre chose”

Il s’agit tout simplement d’enseigner une langue non pour elle-même mais en l’utilisant pour apprendre un autre cours. Exemple: le cours de géographie est donné en néerlandais et l’on apprend le néerlandais en apprenant la géographie. Il s’agit donc comme le font les écoles internationales et comme l’asbl “Pro Lingua” le préconise depuis des années de faire de la langue un instrument de connaissance et non un objet de connaissance. Même si, bien sûr, une systématisation périodique des connaissances engrangées “naturellement” peut s’avérer utile. “Dans un cours d’histoire ou de maths, le maître et l’élève ont réellement quelque chose à se dire. Il est même capital pour l’élève de comprendre les explications qu’on lui donne, explique Anna Lietti. En décidant que ce cours se déroulera en anglais ou en italien plutôt que dans la langue maternelle de l’élève, on profite de la seule situation naturelle de communication qui puisse exister dans une école. L’élève apprend, comme disait Erasme, “en faisant autre chose”. Et l’école ressuscite l’éducation bilingue”.

Cette méthode qui porte ses fruits est appliquée au Canada, en Suisse, en Hongrie, dans le Val d’Aoste, dans certaines écoles parisiennes. Et dans certaines écoles en Communauté Wallonie-Bruxelles.

Changer les perspectives

A l’école fondamentale, c’est le cas, par exemple, de l’école Saint-Joseph, à Ixelles. Malgré un déluge de tracasseries administratives, l’école a réussi à ce qu’une institutrice néerlandophone assure certaines activités en néerlandais pour de petits élèves francophones. Aujourd’hui, la pénurie d’instituteurs faisant nécessité, le ministre de l’enseignement fondamental étudie la possibilité d’étendre cette formule à Bruxelles.

Dans le secondaire, le Lycée de Waha a donné l’exemple voici bien des années déjà en organisant des immersions d’anglais. La formule est appliquée avec succès aussi à l’Institut Sainte-Véronique, également à Liège. D’autres écoles, dans d’autres régions adoptent l’idée qui fait lentement son chemin. Ceci demande évidemment un fameux changement de perspectives, mais l’expérience semble concluante du strict point de vue de l’apprentissage des langues. Et elle est enrichissante aussi au plan humain, les élèves apprenant que les noms accolés aux choses ne leur sont pas inhérents mais résultent d’une histoire. C’est un bel exercice de relativité et d’ouverture.

Enfin, des écoles de plus en plus nombreuses organisent des échanges linguistiques entre classes: échanges épistolaires puis accueil d’une classe par une autre. Le Fonds Prince Philippe (au sein de la Fondation Roi Baudouin) encourage et soutient ces initiatives. Elles peuvent être prolongées par des échanges inter-familiaux, très riches eux aussi. Mais ceci est une autre histoire.

Anne-Marie Pirard

( 7 juin 2001)

(1) Anna Lietti, “Pour une éducation bilingue”, Préface d’Amin Maalouf, Payot, collection “Petite bibliothèque/Documents”, 1994.

Les univ’ se bougent en langues

Les universités ont fait, ces dernières années, de sérieux efforts pour améliorer la maîtrise des langues de leurs étudiants. Bien sûr, les traditionnels cours de langue sont toujours inscrits au programme, mais avec une recherche de qualité et d’efficacité accrue.

Aux Facultés Notre-dame de la Paix, l’encadrement des étudiants est particulièrement attentif.

A l’Université Catholique de Louvain, un “Plan langues” est en vigueur depuis le début de cette année. Les autorités académiques ont décidé que tout diplômé quittant l’université doit maîtriser au minimum une seconde langue. Chaque étudiant a donc au moins une langue étrangère à son programme. L’opération se fait en collaboration étroite avec l’Institut des langues vivantes (ILV-UCL). Sept langues sont offertes à l’apprentissage et au perfectionnement, mais chaque Faculté possède la liberté de choisir la ou les langues qui répondent le mieux aux besoins de ses étudiants. Les Facultés qui imposaient déjà des cours de langues les ont renforcés, les autres les ont créés: ce sont le droit, la psychologie et les sciences de l’éducation, la médecine, l’institut de philosophie et la théologie.

Résultat: 8.500 étudiants fréquentent l’ILV-UCL, encadrés par 60 professeurs. Investissement: 18 millions de francs. Enfin, l’Institut propose, depuis quelques semaines, un outil qui permet aux étudiants aux étudiants de construire le vocabulaire académique tout en étant conforme aux formats d’examens requis sur le plan international. Tel quel, conçu par une vingtaine de profs passionnés, cet outil “maison” va bien au-delà de ce que proposent les CD-Roms disponibles sur le marché.

Mais l’immersion a également fait avec succès son entrée dans les auditoires.

Les Facultés d’Economie et de Droit des Facultés Universitaires Saint-Louis, à Bruxelles, ont joué un rôle précurseur en la matière en proposant à leurs étudiants de suivre un des cours de leur programme aux néerlandophones Facultés Saint-Ignatius, pas très éloignées géographiquement. Les étudiants néerlandophones pouvant, eux, suivre un de leurs cours en français à Saint-Louis. Cette performance figure bien sûr en bonne place sur le diplôme des étudiants qui l’ont réussie. Pour ne pas diminuer le risque de réussite des jeunes volontaires, les FUSL balisent soigneusement le parcours: seuls sont autorisés à tenter l’expérience les étudiants qui ont obtenu des résultats satisfaisants et réussi un test de langue.

AMP

( 7 juin 2001)

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