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Enseignement (1er février 2001)


 

L’école 

entre coup de gueule et coup de poing

La violence existe à l’école comme dans la société. Violence insidieuse, insultes, gestes agressifs sont quotidiens. Face à de tels comportements, l’école doit dire la règle et la faire observer de manière respectueuse de chacun et porteuse de sens pour tous.

La violence à l’école existe et a tendance à s’amplifier. Jadis cantonnée dans quelques établissements étiquetés “difficiles” et montrés du doigt, elle s’est insinuée un peu partout. Même dans les classes maternelles, les enseignantes constatent plus de comportements agressifs aujourd’hui qu’il y a dix ou quinze ans.

Pourtant, les résultats d’une enquête sur la violence à l’école menée tout récemment par les universités de Liège et Louvain-La-Neuve (1) permettent, heureusement, de briser l’image d’une institution scolaire “violente”. Les chercheurs montrent que là où la violence existe, elle est essentiellement verbale, constituée de faits mineurs et rarement de délits graves. Ils ont aussi comparé les faits de violence rapportés par les élèves et les enseignants et leur sentiment d’insécurité et constaté qu’à l’école, comme dans la société, le sentiment d’insécurité est plus fort que l’insécurité elle-même. Reste que toute violence, même verbale, même mineure, est pénible à vivre et qu’il est indispensable de s’y attaquer. Cela relève des responsabilités des parents d’abord mais également de l’institution scolaire.

Des insultes aux coups

Insultes, gestes injurieux et obscènes, considération ou peur du plus fort... Autant de comportements de la vie sociale que l’on observe déjà dans les cours de récréation. L’enquête de l’UCL et de l’ULg révèle que plus de la moitié des élèves interrogés se plaignent d’être “victimes de rumeurs”, plus d’un tiers d’être la cible de moqueries et près d’un sixième d’insultes racistes. Certains enfants sont plus que d’autres victimes de ces brimades qui peuvent s’apparenter à une véritable persécution.

Certains rentrent systématiquement chez eux avec des vêtements froissés, des objets endommagés, des égratignures. Ils ont peu d’amis et ont tendance à se replier sur eux-mêmes... Autant de symptômes qui, régulièrement répétés, sont des signaux d’alarme. En effet, non seulement les enfants victimes de telles pratiques vivent un cauchemar qui peut les mener au décrochage scolaire et à la dépression, mais ils risquent bien de souffrir, leur vie durant, d’un sentiment d’insécurité qui les rendra plus vulnérables face aux aléas de l’existence. Cette forme de violence insidieuse n’est pas nouvelle. Longtemps les éducateurs l’ont minimisée ou passée sous silence. Pourtant elle doit être prise au sérieux et il faut y remédier en renforçant les moyens de défense des brimés et en imposant des limites claires aux brimeurs.

Vous avez dit grossièreté ?

L’enquête des deux universités souligne que si enseignants et élèves posent sensiblement le même diagnostic sur le niveau de violence qui existe dans l’établissement où ils vivent, le sentiment d’insécurité se manifeste beaucoup plus fort chez les élèves. Ce sont eux en effet qui sont les principales victimes des violences qui s’y commettent : moqueries, brimades, insultes mais aussi vols voire racket. Pourtant, les professeurs eux aussi sont quelquefois les cibles de violences. Violence verbale d’abord : beaucoup d’enseignants se plaignent de la grossièreté de leurs élèves. Celle-ci est parfois délibérée, parfois aussi involontaire. Certains élèves, en effet, ne disposent pas des mêmes codes sociaux que leurs enseignants et sont parfaitement insensibles à l’usage de différents niveaux de langage. L’école n’a évidemment pas à accepter de tels comportements, mais il lui revient aussi d’apprendre aux élèves à les corriger. Par exemple en consacrant un cours de français aux diverses manières de s’exprimer selon les circonstances.

Enfin, la violence sociale investit quelquefois l’école. Certains enseignants retrouvent leur voiture griffée, l’antenne ou les essuie-glaces tordus par mesure de “représailles” suite à une observation sévère, une retenue, de mauvaises notes...

Dire la règle et la respecter

Ces faits sont souvent commis par des élèves qui se sentent exclus de la société et qui, ne trouvant pas davantage leur place dans l’école, expriment ainsi leur révolte. L’école peut les comprendre, elle ne peut pas pour autant accepter de tels comportements. L’enfant, l’adolescent a besoin de limites auxquelles s’affronter, se confronter. Il est donc important que les éducateurs – parents, enseignants – disent la règle et la fassent respecter. La règle doit être basée sur le respect de chaque personne et elle doit être porteuse de sens. Ainsi, il est évident qu’un certain calme est nécessaire dans les classes pour permettre l’apprentissage de chacun. Mais la règle peut aussi souffrir des exceptions : tout enseignant connaît la valeur d’un moment d’échanges improvisé, la vertu d’un bon fou rire...

Dire la règle, ce n’est pas pour autant l’instituer de manière unilatérale. Les élèves peuvent contribuer à son élaboration : dans certains établissements scolaires, le règlement d’ordre intérieur est régulièrement revu et amendé par les élèves qui sont ainsi amenés à s’interroger sur la motivation des règles en vigueur. Une école technique bruxelloise a autorisé la présence des élèves au conseil de discipline : quand un litige entre élèves ou entre élève et enseignant ne se résout pas naturellement, il est porté devant ce conseil où des élèves et des enseignants l’examinent à la lumière du règlement et décident de la sanction la plus appropriée.

Anne-Marie Pirard

(1 février  2001)

(1) Enquête interuniversitaire commandée par le ministre de l’enseignement secondaire, Pierre Hazette, aux universités de Liège et de Louvain-La-Neuve.


Deux poids, deux mesures

Les enseignants ont la responsabilité de dire la règle et de la faire respecter. Mais cela suppose qu’eux-mêmes respectent la loi qu’ils entendent faire respecter. Pas tous... Certains, qui exigent à bon droit de leurs élèves qu’ils remettent leurs travaux à la date donnée, s’accordent des délais de correction extravagants. Certains, qui demandent à bon droit à leurs élèves une rigoureuse ponctualité, se permettent d’arriver en retard et ne s’en excusent pas. Certains commettent même des comportements violents verbalement ou physiquement: ainsi, cette institutrice qui raille un enfant devant toute la classe parce que ses parents ne paient pas régulièrement les frais scolaires, cet enseignant qui tourne en ridicule le mode de vie d’une famille, ce prof de pratique professionnelle qui “punit” les erreurs de ses élèves en leur donnant un grand coup de poêle chaude...

Philosophe, professeur dans l’enseignement secondaire en banlieue parisienne, Bernard Defrance dénonce avec force ce “deux poids, deux mesures” trop souvent en vigueur dans les écoles. Et il propose que l’on y applique enfin les principes du droit. Ceux-ci sont au nombre de douze... et l’école les bafoue presque tous. Quelques exemples: “La loi est la même pour tous”. Pas à l’école. “Pour une même infraction, un mineur est moins lourdement puni qu’un majeur”. Sauf à l’école où c’est même le contraire. “Nul ne peut se faire justice à soi-même”. Sauf à l’école où l’enseignant sanctionne lui-même la faute commise envers lui et, généralement, sans critère objectif. “Toute infraction entraîne punition et réparation”. Mais à l’école, certains sont plus souvent punis que d’autres, les sanctions sont rarement fixées dans le règlement et sont donc laissées à l’arbitraire. Quant aux réparations, elles restent encore trop rares...

Toutes ces situations provoquent chez les élèves un profond sentiment d’injustice et suscitent leur incompréhension, leur révolte. Et parfois leur violence.

Les établissements qui tentent de mettre en application les principes du droit dans leur règlement et dans leurs pratiques, voient généralement les tensions diminuer sensiblement dans les classes et dans les cours de récréation. Mais la démarche est lente, longue, demande temps, énergie, ouverture. Elle pose aux enseignants des questions essentielles sur leur métier et la manière de le pratiquer. Travailler avec une classe suppose en effet la mise en œuvre d’une certaine autorité. Celle-ci est légitime, mais l’autoritarisme, lui, ne l’est jamais ! Montesquieu le disait déjà avec une grande sagesse : L’obéissance absolue suppose de l’ignorance chez celui qui s’y plie, mais tout autant chez celui qui l’exige...

A.M.P.

(1 février  2001)

Bernard Defrance, “Le droit dans l’école. Les principes du droit appliqués à l’institution scolaire”, Castells et Labor, collection “Quartier Libre”, 2000.


 

Pour en savoir plus

• Pierre Hardy et Abraham Franssen, “L’école du “coup de boule” au projet. Eduquer face à la violence”, Couleur Savoir - EVO, 2000.

• Jeanne Gerber, “Pour une éducation à la non-violence. Activités pour éduquer les 8-12 ans à la paix et à la transformation des conflits”, Couleur Savoir - EVO, 2000.

• Pierre-André Doudin et Miriam Erkohen-Marküs, “Violences à l’école. Fatalité ou défi ?”, De Boeck Université, collection “Pratiques Pédagogiques”, 2000.

• Lucien Piloz, “Maîtriser la violence à l’école. Prévention et traitement de la violence en milieu scolaire”, De Boeck et Belin, collection “Comprendre”, 1999.

• G. Deboutte, “L’enfant, ni loup, ni agneau. Comment en finir avec les persécutions à l’école?”, Erasme, 1997.

 

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