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Enseignement (3 juin 2004)


 

Accueillir la différence à l’école

 

Certains enfants aveugles ou mal voyants fréquentent un enseignement ordinaire. C’est une expérience complexe, mais très riche, d’autant plus réussie qu’elle est soigneusement préparée et que le dialogue est permanent. L’objectif de Triangle asbl est d’assurer cette médiation et de favoriser leur intégration.

 

Les écoles de l’enseignement ordinaire sont plus nombreuses que par le passé à ouvrir leurs classes aux enfants aveugles ou déficients visuels. Plus nombreuses, mais encore minoritaires. L’expérience, il est vrai, est complexe tant pour l’élève que pour les enseignants et elle demande beaucoup d’implication et de lucidité des parents : “Simon était à la crèche quand nous avons constaté qu’il était non voyant. C’est elle qui a fait appel à l’asbl Triangle. Tout s’est passé au mieux. Les difficultés ont commencé quand il a fallu inscrire notre fils à l’école. Nous voulions continuer l’expérience commencée à la crèche, mais cela n’a pas été simple. Finalement, nous sommes arrivés à l’école du Divin Sauveur, à Schaerbeek, où le chef d’établissement nous a réservé un excellent accueil”, raconte la maman de Simon. “Chaque année, à Pâques, quand on a l’accord de l’école pour continuer l’expérience, on va chercher les manuels scolaires utilisés l’année suivante et on les traduit dans des fichiers. Pour cela, Simon a dû apprendre le braille et le maîtriser en fin de 3e primaire : tout cela représente beaucoup de manipulations pour un enfant de 8 ans. Et, bien sûr, il ne fait pas la gymnastique et le basket avec les autres. En revanche, il joue au football dans un groupe d’enfants non voyants”.

 

Toujours une exception

La maman de Simon précise : “Notre volonté n’est pas de nier sa différence. Il participe d’ailleurs aussi à des activités avec des enfants qui ont les mêmes difficultés que lui.

C’est la conviction que leurs enfants doivent apprendre à vivre dans un monde où ils sont “différents” qui motivent des parents à inscrire leurs enfants dans un enseignement ordinaire, malgré toutes les difficultés qu’ils rencontrent. C’est aussi la conviction que notre société doit accueillir les différences et s’en enrichir qui motive des enseignants et des directions d’école à prendre en charge des élèves déficients sensoriels.

Pour un enseignant, accueillir un enfant déficient en classe est un sacré défi. “J’étais une toute jeune institutrice dans une classe où pas mal d’enfants étaient en difficulté scolaire quand Maxime est arrivé. Il m’a touchée, m’a “appropriée”. C’était impressionnant. C’est un petit garçon qui a des capacités intellectuelles importantes. Malgré son handicap, il lisait plus vite que certains autres élèves. Ceux-ci acceptaient mal la situation et se posaient des questions sur la “réalité” du handicap de Maxime. Il a fallu gérer tout cela et je me suis posé énormément de questions : N’est-ce pas trop dur pour lui ? Est-ce que je ne lui demande pas trop ?”, explique Adila Tardaguila, institutrice primaire à l’école Notre-Dame à Uccle.

“Nous avons franchi un cap important, Maxime et moi, quand j’ai pu lui dire : “Tu as des difficultés, mais certains autres enfants en ont aussi et je dois également m’occuper d’eux”. Cela nous a permis de dialoguer. J’ai été très aidée par une collègue qui a enseigné dans l’enseignement spécialisé et qui m’a apporté des éclairages neufs. Maxime, lui, a été aidé par un vrai grand ami. Ils entretiennent une relation forte et parviennent à harmoniser leurs désirs différents : Maxime ne peut pas jouer au foot et son ami adore cela. Il y va et Maxime va l’écouter jouer”.

 

Écoute et dialogue

Adila Tardaguila est claire : “Une telle expérience est une profonde remise en cause pour une enseignante. Chaque année, l’équipe pédagogique reconsidère l’inscription de Maxime. Mais il est devenu évident que c’est chez nous qu’il doit grandir, changer, évoluer. Et, nous aussi, cela nous fait grandir, comme enseignants et comme personnes”.

Comme la maman de Simon, l’institutrice insiste sur la nécessité du dialogue avec les collègues - “C’est important de chercher des solutions ensemble. Cela apporte aide et soutien”- et, bien sûr, avec les parents: “Il faut prendre du temps pour écouter leurs craintes, leurs déceptions, leurs espoirs et expliquer en retour ce que l’on fait et pourquoi”.

Écoute et dialogue sont également les maîtres-mots de Philippe Prager, directeur d’une école primaire de la Ville de Bruxelles (près de la place Madou). Son établissement accueille aussi des enfants déficients sensoriels. Et, lui aussi juge l’expérience très riche : “Depuis que nous sommes embarqués dans cette aventure, nous avons constaté une plus grande cohésion de notre équipe. Exemple : plus de dialogue entre le professeur d’éducation physique et le titulaire de classe. La situation nous amène à réfléchir davantage sur notre pratique. On se demande aussi si l’enfant a bien sa place dans notre école et on évalue régulièrement. Mais là, attention, ce type de question se pose aussi avec d’autres enfants et, parfois, avec une bien plus grande méconnaissance par les parents des difficultés rencontrées par leurs enfants”.

Pour ce chef d’établissement, cinq conditions sont indispensables pour assurer la réussite de l’intégration d’un enfant déficient sensoriel dans l’enseignement ordinaire : l’accord du titulaire de la classe, la collaboration des parents, l’autorisation de remettre les choses en question, le fonctionnement dans une petite structure et l’apport d’une aide extérieure.

 

Agir en “triangle”

Cette aide extérieure, Triangle est là pour l’assurer. Implantée à Bruxelles et en Wallonie, l’asbl est un service d’aide précoce et d’accompagnement pour enfants et jeunes déficients sensoriels. Les deux services, wallon et bruxellois, travaillent en partenariat avec l’IRSA (Centre d’enseignement et d’éducation pour enfants et adultes à la vue ou à l’ouïe déficiente). Ils suivent les enfants et les jeunes de la naissance jusqu’à 18 ans et accompagnent aussi les familles et les enseignants.

“La famille est souvent notre premier interlocuteur. On commence par réaliser avec elle un petit bilan pour voir les compensations déjà mises en place pour aider l’enfant et les outils encore nécessaires. Quand une famille vient nous voir dès la petite enfance, nous l’aidons à adapter le milieu de vie aux besoins de l’enfant. C’est la maison bien sûr, mais aussi la crèche puis l’école. Il existe des jouets adaptés, des activités socio-culturelles intéressantes que nous pouvons renseigner, expliquent Violaine van Cutsem de Triangle-Bruxelles et Dominique Van Paemel de Triangle-Wallonie. Ensuite vient l’école, spécialisée ou ordinaire selon ce qui convient le mieux à l’enfant”.

L’asbl accompagne aussi les enseignants en essayant d’entrer dans le vécu de la classe, très discrètement, en permettant à l’instituteur de se familiariser avec l’appareillage sophistiqué (ordinateur et imprimante braille/écriture ordinaire) qu’utilisent certains élèves, en aidant à décrypter des comportements, etc. L’an passé, à l’occasion de l’année européenne de la personne handicapée, Triangle a obtenu des subsides pour réaliser des outils adaptés aux besoins des enseignants. Quatre cahiers pédagogiques “Voir autrement” nés de l’expérience de terrain et conçus pour l’utilisation sur le terrain, ont ainsi vu le jour.

 

Anne-Marie Pirard

 

Triangle-Bruxelles, 1504, chaussée de Waterloo, à 1180 Bruxelles. Tél. 02/373 52 94 et 02/373 52 45 - e-mail : triangle.bruxelles@belgacom.net - Triangle-Wallonie, 29, rue de Renivaux, à 1340 Ottignies. Tél. : 010/43 50 66.

 


 

“On me traite de chouchou”

 

Pour les enfants aussi, l’expérience est riche, mais elle est parfois dure et les années primaires sont les plus difficiles. L’enseignement ordinaire ne convient d’ailleurs pas à tous les enfants aveugles ou mal voyants.

 

“Les autres, parfois, ça les perturbe. Ils disent : “ Il est aveugle ”. Parfois, ils me traitent de chouchou parce que l’on s’occupe plus de moi. Parfois aussi, ils se moquent un peu et, si je le dis, madame les punit. Alors, je n’ose pas trop le dire, témoigne Simon, aveugle, élève de primaire. Madame aussi, ça la perturbe quand je ne trouve pas directement mes affaires dans mon cartable, mais c’est parce qu’elle ne connaît pas encore bien mon fichier braille”.

 

“Je ne peux pas trop courir parce que je suis malvoyant. Quand j’ai de bons points, il y en a qui disent que je vois mieux que je ne le dis. Je ne peux pas leur expliquer comment je vois, raconte Christophe, malvoyant, élève de l’école primaire. Pour mon anniversaire, j’ai invité toute ma classe et tout le monde est venu. Cela nous a rapprochés”.

 

“Quand j’étais à l’école primaire, j’ai quitté l’IRSA pour une école ordinaire et j’ai très mal vécu ce passage, explique Catherine, aveugle, aujourd’hui étudiante en 2ème candi psycho. “Aveugle”, “Chouchou”… Je l’ai entendu mille fois ! Au niveau scolaire, tout allait bien, mais au niveau social, c’était dur. Quand je suis arrivée en secondaire, c’était fini : tout s’est toujours merveilleusement passé. Je ne me sentais plus du tout rejetée. Maintenant, à l’unif., cela va. Mais tout me prend beaucoup plus de temps qu’à un étudiant ordinaire et c’est très fatigant”.

 

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