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Enseignement (7 septembre 2006)


 

Des trésors d’imagination dans les classes

Mettre en place des pratiques pédagogiques qui donnent sens aux savoirs aide de nombreux élèves à réussir. Chaque jour, dans les classes, des enseignants s’attellent à ce travail de longue haleine et peu spectaculaire, mais essentiel.

 

Au début de l’année scolaire, les élèves des premières années du secondaire sont invités à entrer dans une tournante de livres pour enfants. Ils doivent lire quelques livres et choisir ensemble celui qu’ils vont théâtraliser pour les petits de l’école primaire”, raconte Marie-Thérèse Dewitte, animatrice socioculturelle à l’Athénée de Marchienne. Le travail de lecture et d’écriture est réalisé à raison d’une heure par semaine du cours de français de la 1ère à la 3ème année, puis de manière volontaire à partir de la 4ème. “Partir du livre pour enfants permet de donner un accès à la lecture, au vocabulaire et à l’expression orale à des jeunes qui possèdent mal la langue française. Les théâtraliser à l’intention des plus jeunes, c’est un moyen de leur faire lire des albums qu’ils refuseraient de lire autrement - “On n’est pas des bébés!” - et qui les enrichissent beaucoup. Certains de ces livres, d’ailleurs, sont de vraies merveilles. Les élèves y prennent goût. Au fur et à mesure des tournantes de livres, le niveau de lecture se complexifie et les élèves ont accès à des œuvres plus élaborées”, explique l’animatrice.

 

 

“Boule de neige”

Elle évoque les mille et une possibilités que l’équipe pédagogique explore sur cette base, de la joie de rencontres avec des écrivains comme Frank Andriat, Pierre Coran ou Carl Norac au développement de projets citoyens… Ce projet novateur, joliment et justement appelé “Boule de neige”, figure parmi les projets primés dans la catégorie “Ecole et lutte contre l’échec scolaire” du premier Forum de l’innovation scolaire (1).

“L’Athénée de Marchienne, c’est un enseignement fondamental et un enseignement secondaire général, technique et professionnel qui scolarise des élèves issus de 22 pays. L’école, en discrimination positive, fonctionne dans l’ouverture, avec beaucoup de profs très positifs qui veulent vraiment aider cette difficile population scolaire à s’en sortir en lui donnant les bonnes clés, les bons outils” explique Marie-Thérèse Dewitte. La théâtralisation se déroule au cours d’ateliers organisés durant le temps de midi : “Ainsi, les élèves ne quittent pas l’école où ils sont en sécurité”. Ces ateliers offrent aussi l’occasion d’élaborer d’autres projets souvent interdisciplinaires. Ainsi, l’an passé, un projet mené à l’occasion du 8 mai, sur base du livre “En attendant Eliane” d’Alain Karkos : “Un vieux monsieur, une poupée sous le bras, monologue en attendant sa sœur, morte à Drancy… Un élève s’est enthousiasmé pour ce livre et il a convaincu les autres de le choisir. Mais la plupart des élèves n’avaient pas les repères historiques nécessaires pour en comprendre toute la portée. Alors, nous sommes allés aux Territoires de la mémoire, nous avons vu des films et tout un travail historique et citoyen a été réalisé.”

 

Donner des clés

Chaque jour, dans les écoles et dans les classes, des éducateurs et des enseignants passionnés mettent ainsi en œuvre des trésors d’imagination, de créativité, d’enthousiasme et de refus du fatalisme pour aider les élèves à construire leurs apprentissages et épanouir leur personnalité. Certains travaillent seuls ou avec quelques collègues, d’autres collaborent avec différents partenaires de l’école : bibliothécaires, artistes, membres d’associations culturelles, sportives, citoyennes… “L’enseignant est à la fois quelqu’un qui instruit et quelqu’un qui socialise” rappelait Roger Fontaine, professeur à l’Université de Tours, lors d’un colloque sur les comportements violents chez les enfants (2). Cette affirmation est d’ailleurs détaillée dans les objectifs généraux assignés aux écoles par le Décret “Missions” : “Promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves - Amener tous les élèves à s'approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle - Préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d'une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures - Assurer à tous les élèves des chances égales d'émancipation sociale”. Les bons enseignants s’ingénient donc à proposer à leurs élèves des projets qui donnent du sens aux apprentissages et des clés pour comprendre la société.

 

Apprentissages de base et citoyenneté

Parfois, les parents ont peur de ce qu’ils considèrent comme des activités accessoires. Mais on peut apprendre à lire, écrire et calculer en intégrant ces apprentissages dans des démarches originales qui motivent les élèves et les aident à mobiliser leur intérêt tout en élargissant leurs horizons. A l’heure où la violence est préoccupante dès l’enfance, les écoles sont de plus en plus nombreuses à intégrer les apprentissages de base dans des projets citoyens. Ainsi, à Saint-Gilles (Bruxelles), pour lutter contre l’agressivité, les élèves d’une école primaire ont été invités à élaborer un “Code des couloirs”. Ils ont dressé un état des lieux de tous les comportements qui laissaient à désirer, établi le constat de divers manques de respect des autres. Ils ont listé ce qu’il était nécessaire d’améliorer, de corriger. Ensuite, ils ont défini les endroits réservés aux différentes activités, les règles à respecter et, sur le modèle du code de la route, inventé des sigles et réalisé des panneaux : parking des cartables, aire de jeux, zone silencieuse, etc. Résultat : plus de calme et moins de stress dans l’école (3). Un autre établissement de l’entité a mené un travail analogue à la cantine scolaire. Toutes ces activités permettent l’intégration de différentes apprentissages pédagogiques (lire, écrire, s’exprimer, écouter la parole des autres et comprendre ce qu’ils veulent dire, mesurer, travailler proprement, …) et rappellent - ou font découvrir - qu’un code de vie commun permet de mieux vivre ensemble dans le respect de soi et des autres. C’est un travail de longue haleine, à reprendre patiemment jour après jour et peu spectaculaire, mais d’une importance décisive.

Anne-Marie Pirard

 

(1) Ce Forum a été organisé par Schola ULB et la Cellule de tutorat ULB, à l’initiative d’Ahmed Medhoune, le 22 février dernier, dans les locaux du Ceria, à Bruxelles.

(2) Colloque organisé à l’Université de Namur par le Groupe francophone d’études du développement psychologique de l’enfant jeune et le Département de psychologie de l’Université.

(3) Projet réalisé dans le cadre du Partenariat inter-écoles inter-réseaux de Saint-Gilles.

 


 

Faut-il avoir peur de l’innovation?

 

L’innovation pédagogique suppose enthousiasme et refus de la fatalité, estime Bernard Rey. Le professeur de l’ULB la juge bénéfique pour les élèves et peut donc donner une sécurité aux parents d’élèves, parfois déroutés par le changement.

 

Depuis quelques années, dans l’enseignement obligatoire, l’accent est mis sur les apprentissages de base. Pourtant, l’échec ne recule guère. Les enseignants sont nombreux à déployer des trésors d’imagination pour “faire l’école autrement”. Mais des pratiques différentes peuvent faire peur à certains parents, désorientés par l’évolution de la société et de l’enseignement. Alors, faut-il rechercher l’innovation ou la craindre? C’est la question qu’En Marche a posée à Bernard Rey. Professeur à l’ULB où il dirige le Service des Sciences de l’Education, il mène des recherches sur les pratiques enseignantes à tous les niveaux de la scolarité. Il explique : “Toute innovation n’est pas bonne du seul fait qu’elle apporte de la nouveauté. La question qui se pose est donc de savoir par rapport à quoi et en vue de quoi il convient d’innover”.

 

Bénéfique pour les élèves

Il y a dans l'attitude de l'innovateur un refus salutaire
du fatalisme

La spécificité de l’école, c’est de se mettre à distance de ce qui paraît évident, de ce que la société nous pousse à croire, de ce qui se fait ordinairement, de la vision spontanée et naïve du monde. Les vrais savoirs sont donc ceux qui ‘problématisent’ le réel” explique Bernard Rey. Pour lui, l’intérêt de l’innovation n’est peut être pas de mettre en cause cette fonction de l’école, mais bien d’inventer des dispositifs qui permettent à tous les élèves d’y accéder. Il souligne : “Quand, dans un établissement scolaire, on se trouve véritablement en présence de d’innovations parties des enseignants, elle suscite de l’enthousiasme, de l’engagement. Il y a dans l’attitude de l’innovateur un courage et un refus salutaire du fatalisme. Et, même si cette innovation est incertaine dans son contenu, portée par l’enthousiasme, elle sera bénéfique pour les élèves”. Et de poursuivre : “L’innovation pédagogique boite souvent quand elle est généralisée. L’essentiel est qu’elle soit portée par quelqu’un qui pense que l’on peut améliorer les choses et qui s’engage dans cette démarche. Quand c’est le cas dans une école, cela donne une sécurité aux parents”.

 

Le risque de la généralisation

Bernard Rey croit beaucoup à la politique de la tâche d’huile : “Quand une équipe novatrice se met en marche, elle doit d’abord bénéficier de l’aide de sa direction. Il faut ensuite que les autres enseignants voient concrètement les résultats obtenus et se rendent compte que cette autre manière de faire n’est pas plus compliquée pour eux; alors, ils vont oser s’approprier cette innovation. Et la tache d’huile va s’étendre… Ce sera tout bénéfice pour tout le monde, car il faut absolument que tous les élèves puissent apprendre et réussir à l’école” explique-t-il. Mais il ne nie pas qu’une fois généralisée et transformée en réforme, une bonne innovation donne parfois des résultats contraires à ceux escomptés. C’est tout le problème des grandes réformes nées dans un contexte particulier et qui bien souvent ne sont pas en phase avec la réalité du terrain où elles doivent se généraliser.

Ceci ne signifie évidemment pas qu’il faut renoncer à modifier et faire évoluer l’enseignement. “Certaines réformes sont utiles et nécessaires. Mais il faut en faire le moins possible, estime Bernard Rey. En effet, une réforme a nécessairement un aspect contraignant et, en cela, elle semble critiquer ce qui a été fait jusque-là. Les enseignants se sentent mis en cause et ont tendance à refuser la réforme ou à tenter d’expliquer qu’ils l’appliquaient déjà. Ce qui est d’ailleurs exact pour certains d’entre eux puisque une réforme généralise des innovations reconnues. Quant aux parents, ils se méfient des réformes parce qu’ils craignent qu’elles augmentent l’écart entre leurs enfants et eux : ils se sentent dépourvus de leur capacité de comprendre ce que font leurs enfants et de les aider, ce qui n’est pas une bonne chose”.

Entretien : AMP

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