Enseignement
(19 novembre 2009)
Silence,
on se concentre!
Imaginez un bruit de klaxon en permanence à proximité de votre oreille. Ou
un baladeur à plein volume. Ou encore une scie circulaire qui hurle
constamment. Insoutenable, non? C’est pourtant l’intensité de bruit que
doivent subir bon nombre d’enfants dans des réfectoires mal conçus ou dans
des cours de récréation…
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@ Empreintes |
"L’école
de mes enfants est probablement une école exemplaire… en matière de
mauvaise gestion du bruit, se plaint Véronique, maman de deux enfants.
Pour ce qui concerne les classes, il n’y a pas de problème majeur, les
enseignants parvenant à contenir les élèves, même s’ils sont plus de 25
par classe. Par contre, le réfectoire, c’est l’horreur. Il a été
installé dans le show-room d’un vendeur de voitures qui, après avoir
fermé boutique, loue ses bâtiments à l’école qui débordait
littéralement. Les grandes baies vitrées, les parois lisses et la
toiture – très haute – en tôle ondulée et non isolée sont autant de
catastrophes pour l’isolation acoustique. Les enfants, qui se retrouvent
facilement à 80 par service, se plaignent du bruit insoutenable au
moment du repas… Ils sont souvent très excités ou se plaignent de maux
de tête lorsqu’ils rentrent à la maison. Vu la situation financière de
l’école, on n’espère pas de travaux d’ici peu…»
Ce témoignage éloquent
sur une école du Brabant wallon montre que la problématique du bruit n’est
pas toujours considérée à sa juste valeur. Pourtant, sous les préaux des
cours de récréation ou dans les réfectoires scolaires, il n’est pas rare de
relever des niveaux de bruit allant jusqu’à 90 décibels (dB). A ces niveaux,
dans les entreprises, le port de protections auditives est obligatoire!
«Or, ce sont les moyennes mesurées dans 90% des locaux scolaires et parmi
ceux-ci, dans quatre réfectoires sur cinq», témoigne Laurence Leclercq,
responsable du projet “bruit” à l’asbl Empreintes qui œuvre, entre autres, à
sensibiliser, informer et conseiller les écoles à la réduction des niveaux
sonores (1). Et le réfectoire n’est pas le seul lieu problématique: il y a
aussi les préaux de la cour de récréation. Autrement dit, les enfants
passent les moments où ils devraient pouvoir se détendre dans les lieux les
plus bruyants, avec des effets insoupçonnés sur leur santé et leur état
émotionnel.
De l’audition
à l’hypertension
Une exposition à un
niveau sonore élevé sur une durée non négligeable de la journée n’est pas
sans conséquences. Tout d’abord sur l’audition, effets qui se marquent
d’autant plus chez les plus sensibles. De plus, dans un environnement
bruyant, les apprentissages sont compromis, les enfants n’entendant pas les
consignes ou explications. Par ailleurs, la fatigue engendrée par le bruit
subi par exemple dans une cour de récréation peut rendre les enfants
agressifs, instables, agités, et évidemment moins concentrés lorsqu’ils
rentrent en classe, avec ce que cela peut comporter comme difficultés
d’apprentissage, de compréhension ou de concentration.
Mais il y a d’autres
conséquences plus inattendues, comme l’explique le Dr Pierre de Marneffe,
rhumatologue au Centre hospitalier du Bois de l’Abbaye: «Le bruit est une
agression au sens primitif du terme dans la mesure où il entraîne chez tout
individu une réponse physiologique incontrôlable qui ne s’épuise pas dans le
temps: éveil plus ou moins important, production de diverses hormones dites
‘de stress’, augmentation de la fréquence cardiaque, de la tension
artérielle mais également modification des différentes phases du sommeil
dont la succession est nécessaire à la récupération de l’organisme, à
l’apprentissage et à la consolidation des données acquises sur le plan
intellectuel.»
Plus inquiétant encore:
une étude suédoise menée auprès d’enfants de dix ans indique que plus ils
sont soumis à un niveau sonore important, plus ils se plaignent de maux de
tête et de fatigue. On assiste également à une perturbation du rythme
matinal de sécrétion du cortisol (l’une des hormones de stress), taux qui
reste constamment élevé. Cette réaction de stress provoque généralement une
augmentation du rythme cardiaque et une hypertension chez les adultes. Des
études soupçonnent de mêmes effets chez les enfants…
Des normes
non respectées
L’OMS conseille de ne
pas dépasser un niveau sonore de fond (continu) de 35 dB en classe et de 55
dB dans les cours de récréation… Elle fixe aussi des temps de réverbération
maximums, car cet effet joue un rôle considérable dans l’amplification des
sons : environ 0,6 secondes en classe et moins d’1 seconde dans les
réfectoires. Laurence Leclercq connaît ces mesures: «Malheureusement,
nous en sommes bien souvent très loin! Il n’est pas rare d’atteindre jusqu’à
2 secondes en classe, et jusqu’à 3,5 secondes dans les réfectoires et autres
salles de gym!» Résultat, le bruit émis est présent plus longtemps, les
enfants ne s’entendent pas et crient, idem pour les surveillants et c’est
l’escalade vers des niveaux sonores nettement trop élevés. D’autant que les
enfants sont particulièrement énervés en sortant de classe, que les chaises
et les tables, qui ne sont d’ailleurs pas nécessairement bien agencées, font
du bruit. Sans parler des couverts qui s’entrechoquent sur les tables ou
tombent par terre, etc.
Le bruit subi dans une cour de récréation peut rendre les enfants
agressifs, instables, agités, et évidemment moins concentrés. |
«Pourtant, le niveau
sonore pourrait facilement être abaissé par des moyens très simples et peu
chers parallèlement à des mesures structurelles pour diminuer la production
de bruit», plaide Laurence Leclercq (lire “Des solutions simples”).
Malgré le niveau élevé
de nuisances sonores dans les écoles, le nombre de directions scolaires ou
de pouvoirs organisateurs qui empoignent le problème reste faible, même si
la sensibilisation avance: «Empreintes mène une centaine de projets dans
les classes. L’idée fait son chemin, lentement mais sûrement, se réjouit
Christophe Vermonden. En tout cas, il est important de dépasser le
discours culpabilisant sur les enfants bruyants et turbulents du type “Ce
sont les enfants qui font trop de bruit”. On commence à prendre conscience
qu’un environnement propice à amplifier le bruit est la source du problème.
Malheureusement, trop d’écoles neuves sont construites encore sans tenir
compte de l’acoustique: grandes baies vitrées, plafonds et murs peints ou
encore grands locaux favorisant la réverbération».
Les locaux scolaires
(notamment les réfectoires) ont été aménagés avant tout dans un souci
d’hygiène au détriment du confort acoustique, confirme le rapport d’une
étude menée en 1999 par l’Institut Bruxellois de Gestion de l’Environnement
(IBGE). «Il est temps aujourd’hui de considérer le bruit comme un élément
à prendre en considération dans le cadre de la santé à l’école, mais aussi
dans la législation», conclut Laurence Leclercq. En effet, en Communauté
française, aucune norme n’existe, contrairement à d’autres pays voisins…
Carine
Maillard
Des solutions simples |
L’asbl Empreintes réalise des animations pour sensibiliser les
directions d’écoles et les élèves sur l’impact du bruit sur la
santé. Elle conseille très souvent la mise en œuvre de mesures dont
certaines sont particulièrement simples, faciles et bon marché. En
voici quelques-unes. |
■
Enfoncer des
balles de tennis sous les pieds des chaises (inusables,
contrairement aux traditionnels embouts de caoutchouc!).
■
Dans le
réfectoire, installer des toiles cirées ou des sets de table
(éventuellement créés par les enfants).
■
Organiser les
tables par 6 à 8 enfants en lieu et place de longues tables qui
incitent les enfants à hausser la voix pour se faire entendre.
■
Compartimenter
l’espace du réfectoire avec des paravents en tissu ou en bois. Le
secteur privé peut être mis à contribution pour aider les écoles,
comme l’asbl Terre qui fabrique des panneaux acoustiques à moindres
frais…
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Suspendre des
parapluies au plafond sur des câbles tendus. A vérifier avec le
service des pompiers pour les réaliser dans les règles de l’art!
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Miser sur les
systèmes qui absorbent le bruit: fixer des cartons d’œufs sur les
murs, accrocher des caissons absorbeurs (en bois, remplis de laine
de roche et fermés par un grillage) dans les coins de la pièce,
pendre des tentures épaisses pour absorber le bruit, etc.
■
Dans la cour et
les couloirs, remplacer la sonnerie assourdissante par un système
moins bruyant, voire par de la musique…
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Pour informer
les enfants sur les méfaits du bruit et les impliquer dans les
actions à mener pour réduire les nuisances sonores, l’association a
conçu outil pédagogique intitulé “Décibelle et Groboucan, chasseurs
de bruit”. |
Infos:
081/22.96.28 -
www.empreintesasbl.be (rubrique “projets”). |
Et votre école?
Si vous avez un doute
sur la qualité acoustique de l’école de vos enfants, vous pouvez faire
appel, même en tant que représentant de l’association de parents par
exemple, à l’asbl Empreintes qui viendra réaliser soit une animation de
sensibilisation, soit un projet d’école. A Bruxelles, cette intervention est
gratuite grâce à la mobilisation de l’IBGE. En Wallonie, l’école devra payer
une modeste quote-part: un conseil technique et des mesures par un
acousticien reviennent à 250 euros maximum.
Pour
toute info:
Empreintes, rue Godefroid 56 à 5000 Namur - 081/22.96.28 -
info@empreintesasbl.be -
www.empreintesasbl.be
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