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Enfance (5 septembre 2013)

Cherche parents d’accueil pour bien démarrer dans la vie

© plaisirsminuscules.be

En Belgique francophone, 3.400 enfants vivent ou séjournent à intervalles réguliers dans des familles d’accueil. Ils sont éloignés de leurs foyers d’origine pendant un temps. Celui qui sera nécessaire à leurs parents pour (ré)apprendre à assumer pleinement leur parentalité. Le nombre de familles d’accueil est cependant insuffisant.

Lorsqu’un enfant vit des difficultés significatives dans son foyer, le conseiller de l’aide à la jeunesse essayera, en premier lieu, d’orienter le jeune et ses parents vers un service de première ligne approprié. Celui-ci dialoguera avec les acteurs de l’école, les membres de la famille, le habitants du quartier… Mais si cette première tentative ne suffit pas et que le Service d’aide à la jeunesse (SAJ) estime que la santé ou la sécurité du jeune est menacée, autrement dit, qu’il est en danger, le Juge de la jeunesse peut ordonner l’éloignement du jeune de sa famille de naissance. La loi qui encadre ce type de décisions est bien claire sur un point : cette mesure doit rester une exception.

Au total, en Wallonie et à Bruxelles, il existe 3.400 exceptions. Autant de jeunes placés dans des familles d’accueil. Leurs parents considérés comme “défaillants” souffrent le plus souvent de problèmes psychiatriques lourds ou d’addictions diverses, les empêchant de se présenter sous leur meilleur jour à leur progéniture. A un moment crucial de leur développement, ces enfants ont besoin de se raccrocher à une relation affective stable. D’où la campagne portée par la Fédération des services de placement familial (Plaf)(1) pour trouver davantage de familles.

Accueillir un temps, aider pour la vie

L’objectif de la campagne est de recruter une centaine de familles d’accueil car il nous en manque cruellement, explique Bernard Dormal, permanent de la Plaf. En plus des affiches, des spots télévisés et de nos événements, nous voulons intervenir dans les associations de parents, dans les écoles sociales, à l’université… Tout le monde doit se sentir concerné par les enfants de tout le monde !

Le message de la campagne: il n’y a pas un profil idéal du parent d’accueil. “Les personnes seules, les jeunes couples… Beaucoup de personnes pourraient valablement devenir parent d’accueil. Les couples homosexuels aussi car, souvent, ce sont des personnes très sensibles aux questions d’identité”. Il faut pouvoir donner et recevoir. Donner la chance à un enfant de franchir des caps et recevoir son amour, peu importe la manière par laquelle il le manifeste.

La première étape, c’est un accompagnement de six à neuf mois des personnes intéressées. “C’est le temps nécessaire pour rencontrer le candidat, analyser le projet qu’il veut porter, évaluer ses motivations, situer la place réservée à l’enfant accueilli… Une fois qu’un enfant est confié, il n’est pas lâché dans la nature! Le service de placement est présent pour accompagner le jeune et la personne qui l’accueille. Le service s’occupe, par ailleurs, de tout souci d’ordre socio-psychologique, financier, administratif… Il organisera également les rencontres entre l’enfant et sa famille de naissance si l’état de leur relation le permet”.

Une crainte: que ça se termine

L’enfant est accueilli dans un foyer à temps plein ou à intervalles réguliers pendant une période déterminée. Une évaluation de la situation est opérée régulièrement et c’est cela qui effraye le plus souvent les parents d’accueil : la crainte que ça s’arrête un jour. “La famille d’accueil doit être capable de se consacrer à fond à un enfant et puis de ne plus rien savoir de lui lorsqu’il s’en va. C’est là un des aspects du contrat d’accueil qui est bien expliqué lors des discussions préalables avec le service de placement”, explique Daniel Cailteux. Avec son épouse, Brigitte Henry, il a ouvert sa porte pour accueillir des placements d’urgence, c'est-à-dire, le temps nécessaire pour trouver une solution durable à l’enfant. Dans ce cadre, ils ont rencontré 18 enfants en quatre ans. Et quand il s’agissait de leur dire “au revoir” ? “Nous avons toujours eu les larmes aux yeux et le cœur triste, particulièrement s’il s’agissait d’un bébé ou si l’enfant était resté longtemps. Nous disions aux enfants en accueil qu’ils venaient chez nous ‘en vacances’. Cette manière de considérer l’accueil nous aidait aussi à passer à autre chose après leur départ.

Augmentation de la demande

Le nombre de demandes de placement ne cesse d’augmenter”, affirme Arnaud Gendrot, Directeur-adjoint d’un service de placement. Ce qui l’explique? “En partie le fait que l’administration ait fait le choix de réduire le nombre de places en institution au profit du placement familial, entre autres pour réduire les coûts.

D’un autre côté, on constate que le nombre de foyers d’accueil reste stable. Et, cela, malgré qu’ “il semble plus difficile d’être disponible aujourd’hui qu’hier, constate Arnaud Gendrot. Avant, les mamans restaient plus souvent à la maison pour s’occuper des enfants. Les conséquences des nouveaux schémas familiaux (garde alternée des enfants, famille recomposée…) rendent aussi plus compliqué l’accueil d’un enfant”. Une stabilité de l’offre, donc, mais insuffisante pour répondre à la recrudescence des demandes.

En ce moment, l’enjeu est de pouvoir offrir de l’affection et un environnement stabilisé à des jeunes qui n’ont pas la chance d’être accueillis chez un particulier et qui n’ont connu, le plus souvent, que des institutions. Des homes et des internats pour les plus âgés, des pouponnières pour les plus jeunes. D’ailleurs, certains enfants font face à des difficultés plus importantes comme ceux qui portent un handicap(2). Pour tous ceux-là, la volonté est aujourd’hui de favoriser une prise en main plus individuelle et moins collectiviste.

Comme dit le proverbe, “Il faut un village pour éduquer un enfant”. Rien n’est plus vrai lorsqu’il s’agit de donner la chance, à un gosse cabossé, de poser ses valises quelque part et de construire des liens durables. Même si cela ne dure qu’un temps.

// MATTHIEU CORNÉLIS

(1) La fédération des services de placement familial prévoit des actions de sensibilisation dans différents lieux ainsi que des ciné-débats très prochainement. Infos sur www.plaf.be.

(2) A ce propos, le Réseau AFEA regroupant les services spécialisés en Wallonie et à Bruxelles peut être contacté au 04/380.41.73. (Myriam Dehard).

 Témoignage 

“Je ne cherche pas à savoir d’où je viens.
Je sais où je vais”

“Kevin”. C’est le prénom d’emprunt qu’il a choisi “parce que ça fait bien”. Etudiant en informatique, 23 ans, pull à capuche, dégaine d’un jeune adulte bien dans ses baskets, il entre timidement dans la discussion, l’air circonspect car “c’est la première fois que je raconte mon histoire comme ça… pour un article”.

D’emblée, lorsqu’on évoque son accueil dans une famille bruxelloise, il parle d’une chance. “Moi, j’ai eu des parents. Mon grand frère et mes grandes sœurs, en institution, ont eu des éducateurs. C’est pas pareil. Il y a un côté affectif moins fort, moins sincère”.

A ses six ans, les services sociaux l’éloignent de sa maman. “Elle vivait seule avec six enfants de cinq papas différents. Je suis le quatrième. Sans travail, c’était pas facile pour elle de s’occuper de tout le monde. La semaine, je vivais avec elle. Le weekend et les vacances, j’étais dans ma famille d’accueil” Le rythme est régulier : cinq jours dans le quartier des Marolles, deux jours à Uccle. Et ainsi de suite... jusqu’à ses treize ans.

Puis il suivra sa maman à Charleroi-Nord. “Le pire quartier. Là, j’ai débuté ma période délinquante. Je n’allais plus à l’école. J’avais seize ans quand ma mère me jetait régulièrement dehors. Selon elle, je devais me démerder. Alors j’ai visité des maisons. D’abord pour manger, ensuite pour l’argent. Je me suis fait attraper et le Juge de la jeunesse m’a envoyé en IPPJ(1)”.

A ce moment-là, et après trois ans sans contact, sa famille d’accueil l’appelle et lui propose des vacances. C’est le début d’autre chose et, depuis lors, le lien ne s’est plus brisé. Il s’installe chez eux le temps de suivre des cours de néerlandais puis vit seul deux ans. Aujourd’hui, il est de retour à Uccle et se forme à l’informatique.

Sa plus grande difficulté a été de combiner deux éducations différentes. “Dans ma famille d’accueil, on ne regardait pas la télé. On lisait des livres. Chez ma mère, on avait droit à Dragon Ball et plein de trucs à longueur de journée. C’est un détail mais, des règles différentes, ça crée des incompréhensions dans la tête d’un enfant”.

Autre difficulté : la traditionnelle question du “Qui suis-je?”, qu’il dédramatise : “Je ne porte pas le nom de mon père et c’est normal de me demander ‘Papa où t’es ?’. Mais je n’ai pas l’esprit de déprime. Je ne cherche pas à savoir d’où je viens. Je sais où je vais. Ça, j’en suis sûr!

Que conseillerait-il à des personnes qui se questionnent sur l’accueil? “J’ai vu, à Charleroi, des copains qui avaient faim à la fin du mois dans leurs foyers d’accueil et d’autres qui étaient les moins aimés des enfants. Il faut être sûr de pouvoir bien recevoir un enfant. Si c’est le cas, un enfant accueilli donne autant d’amour qu’un enfant naturel”.

(1) Institution publique de protection de la jeunesse.

 

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