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Enfance (2 mai 2013)

La galère des parents et des milieux d’accueil

© Michel Houet/Belpress

L’accueil des tout-petits remplit plusieurs fonctions importantes et indissociables : il permet aux parents d’accéder au marché du travail et offre à l’enfant un lieu d’éducation, d’épanouissement et de socialisation. Malgré cela, caractérisé par la pénurie, ce secteur reste le parent pauvre des politiques. Il traverse de nombreuses turbulences dont les familles ne sont pas les seules victimes.

Les jeunes et futurs parents le savent : trouver un milieu d’accueil pour leur tout-petit s’apparente souvent au parcours du combattant. Il faut s’y prendre tôt (dès le troisième mois révolu de grossesse ou neuf mois avant l’entrée prévue, selon les règles fixées par l’ONE), généralement mettre plusieurs fers au feu, se glisser dans des listes d’attente, patienter et espérer avoir de la chance. “Il est étonnant de constater comment notre société, toujours d’une sensibilité à fleur de peau sur le choix de l’école, s’accommode du manque de places d’accueil pour la petite enfance. Comme si c’était normal et inéluctable”, s’offusque la Ligue des Familles. Ce contexte de pénurie oblige les parents – et en particulier les mères – à recourir au plan D comme débrouille en attendant qu’une place se libère : appel aux grands-parents, prolongation du congé de maternité par un congé parental, jonglerie entre les horaires flexibles et les congés, voire décision d’arrêter de travailler…

La situation est intenable pour tout le monde. Les parents n’ont quasiment pas la possibilité de choisir le type ou le lieu d’accueil qui correspond à leurs moyens financiers, à leurs besoins et encore moins à leurs souhaits en regard, notamment, du projet d’accueil et de critères de qualité. Comment voulez-vous, dans ce contexte, que les choses se passent sereinement?”, accuse Anne Teheux, responsable de la Fédération des services maternels et infantiles qui chapeaute les services d’accueillantes conventionnées de Vie Féminine.

A la pénurie s’ajoute la cacophonie quant aux modalités d’inscription. Dans certaines communes, une centralisation administrative est certes organisée mais uniquement pour les lieux d’accueil dont elles sont le pouvoir organisateur. Dans la plupart des cas, les parents sont dès lors obligés d’inscrire leur futur enfant à plusieurs endroits.

Cela rend difficile l’évaluation précise des demandes et besoins d’accueil, reconnait Isabelle Gaspard, directrice de la Fédération des institutions médico-sociales (Fims) qui fédère des milieux d’accueil associatifs. Il est souvent difficile, pour le milieu d’accueil, de déterminer exactement – et quasi un an avant la fin de l’accueil – quand des places se libèrent puisque cela dépend du moment où l’enfant accueilli partira à l’école maternelle (ndlr – entre 2 ans et demi et 3 ans accomplis). Sans parler du fait que, de plus en plus de demandes concernent des accueils à temps partiel que l’on doit coordonner au mieux dans les plages-horaires. On doit aussi tenir compte des différents publics prioritaires à l’inscription, tels que prévus dans les textes réglementaires. Tout cela représente une alchimie très complexe”, ajoute-telle. Si la mise en place de procédures d’inscription plus efficaces est certainement souhaitable, sur le terrain, on refuse pourtant toute idée de décret ‘inscription’ à l’instar de ce qui se fait dans les écoles secondaires...

Une couverture insuffisante

Malgré les efforts importants des Plans Cigogne successifs qui ont permis, depuis 2003, la création de 10.000 nouvelles places d’accueil en dix ans, l’offre d’accueil de la petite enfance en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) est, dans les faits, insuffisante. En 2011, on répertoriait 39.686 places d’accueil d’enfants de 0 à 3 ans, dont 71,7% subventionnées par l’ONE(1). 65% des places d’accueil se situent en milieu collectif et 35% chez des accueillantes mais la proportion varie fortement entre les régions(2). Ainsi, en Région bruxelloise, les accueillantes sont très peu nombreuses (moins de 5%) alors qu’en Wallonie, l’accueil familial avoisine les 45%.

En moyenne, le taux de couverture (c’est-à-dire le rapport entre le nombre d’enfants et le nombre de places d’accueil), s’élève à 28,2% pour la FWB. Ce taux se situe en-deçà de l’objectif européen de 33% que les Etats-membres de l’Union européenne se sont fixés en 2002 à Barcelone, et engagés à remplir à l’horizon 2010. Cet objectif, faut-il le préciser, s’intègre dans l’optique purement économique de permettre aux parents d’accéder et de se maintenir dans l’emploi. L’accueil de la petite enfance a pourtant une vocation plus large : soutenir la parentalité et garantir à chaque enfant, dès son plus jeune âge, les mêmes opportunités de développement et de sociabilité, quelle que soit la situation sociale et professionnelle de ses parents.

Cela étant, non seulement le taux de 33% n’est pas atteint mais il ne suffit pas. C’est la conclusion à laquelle aboutit la Ligue des Familles au vu des résultats de son enquête menée en 2012 auprès de quelque 5.000 parents. Dans le Brabant wallon, par exemple, une province où le taux de couverture dépasse pourtant les 44%, l’enquête montre que 13% des parents n’ont pu se tourner vers un milieu d’accueil par manque de place. En Communauté française, ce serait un parent sur six et au moins autant d’enfants qui resteraient sur le carreau.

Mais la pénurie n’explique pas tout. Comme le montre aussi cette enquête, le coût est évoqué par 15% des parents comme raison de leur renoncement à l’utilisation d’un milieu d’accueil, y compris subventionné. Par ailleurs, nombreux sont les parents à inscrire leur enfant à temps partiel (alors qu’ils auraient besoin d’un accueil à temps plein), pour diminuer la somme à débourser chaque mois. Ceci ouvre le débat sur la manière dont est fixée la participation financière des parents (lire ci-contre).

Un avenir sombre

Le nouvel objectif que s’est fixé la FWB est la création de 16.000 places supplémentaires d’ici 2022, dont 3.300 en milieux non subventionnés(3), soit 1.600 places par an. Une bonne nouvelle! Sauf que ce nombre ne suffira pas à combler le déficit actuel (la Ligue estime nécessaire la création de 4.000 nouvelles places par an). Par ailleurs, la programmation en cours souffre déjà de retard : des places accordées ces dernières années ne sont toujours pas effectives, étant donné par exemple, les délais nécessaires à la construction ou l’extension de structures d’accueil.

Sur le terrain, pendant ce temps, beaucoup de responsables de milieux d’accueil collectifs bricolent, s’épuisent à chercher d’autres sources de subventions (notamment auprès des Régions via des aides à l’emploi) pour compenser ou compléter les subventions de l’ONE, insuffisantes pour faire face aux frais. Les services d’accueillantes d’enfants conventionnées sont confrontés, quant à eux, à d’énormes difficultés dont la moindre n’est pas de recruter des candidats pour compenser l’hémorragie dans les effectifs. En cause? Des prestations mal rémunérées. Une charge de travail et des horaires très lourds. Des exigences et responsabilités multiples (notamment en matières de sécurité) qui pèsent sur leurs épaules. Et un statut social toujours incomplet malgré les promesses politiques.

Quant aux accueillantes indépendantes et maisons d’enfants qui ne bénéficient d’aucune subvention de la part de l’ONE, beaucoup sont à la limite de la viabilité financière pour faire face à leurs obligations, malgré la fixation de tarifs plus élevés que dans les milieux agréés et subventionnés.

Si l’on ajoute à ce tableau les défauts de paiement croissants dans le chef de parents ainsi que les exigences parfois complètement démesurées en matière d’hygiène imposées par l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca), on comprend aisément que l’accueil de la petite enfance soit non seulement un secteur non rentable mais dont la survie est clairement menacée...

// JOËLLE DELVAUX

(1) Les milieux subventionnés par l’ONE (crèches, maisons communales d’accueil de l’enfance, prégardiennats, services d’accueillantes conventionnées) doivent remplir de multiples conditions (personnel qualifié et suffisant, locaux appropriés, qualité de l’accueil, barème de participation financière, taux d’occupation...).

(2) Les structures collectives comptent au moins 9 enfants. L’accueil au domicile de l’accueillante (conventionnée auprès d’une service ou autonome et indépendante) est prévu pour 4 enfants temps plein (max. 8 inscrits et 5 présents simultanément).

(3) Maisons d’enfants, haltes-accueil et accueillantes autonomes doivent obtenir une autorisation de l’ONE.

Quelle participation financière ?

Dans les milieux d’accueil autorisés par l’ONE mais non subventionnés par lui, la participation financière des parents est fixée librement. Plusieurs formules existent: forfait fixe, forfait tenant compte du volume théorique (ou effectif) de présences... Pour une fréquentation à temps plein, le coût peut atteindre 800, voire 900 euros par mois.

Dans les milieux d’accueil agréés(1) et/ou subventionnés par l’ONE, la participation financière parentale est déterminée selon un barème basé sur les revenus mensuels nets du ménage. Le tarif varie de 2,31 et 32,68 euros par journée complète. Pour une fréquentation à temps plein, la participation maximale avoisine les 650 euros par mois. Une réduction de 30% est octroyée si deux enfants d’une même famille fréquentent en même temps un milieu d’accueil agréé ou si le ménage compte trois enfants ou plus.

La participation financière parentale (PFP) est actuellement au centre des préoccupations de l’ONE et des divers partenaires de l’accueil. Une étude d’envergure sur la question a été confiée à la Ligue des Familles pour éclairer la diversité des situations. Elle s’inscrit dans la perspective, largement partagée, de simplifier le système et d’y apporter des corrections de manière à ce qu’il colle au plus près de la réalité familiale de l’enfant et de la situation financière des parents. Et qu’il soit aussi plus juste. “Le tarif appliqué est proportionnel aux revenus (ndlr : 11% pour les revenus nets mensuels à partir d’environ 1.070 euros par mois et de 5 à 10% en dessous de ce montant) mais il n’est pas progressif. Par conséquent, le coût de l’accueil est trop élevé pour les familles précaires”, observe Delphine Chabert, responsable du service d’études de la Ligue. “D’après les chiffres de l’ONE, les parents paient en moyenne 14,49 euros par jour et par enfant dans les milieux d’accueil subventionnés. Mais cette moyenne ne signifie pas grand-chose. Nous voulons savoir quel est l’impact de la pénurie et du coût des milieux d’accueil sur les familles à faibles revenus”.

De l’avis général, la révision de la PFP ne sera pas facile à concevoir dans un contexte budgétaire très étroit. Il faut être attentif à ne pas mettre en péril l’équilibre financier déjà précaire de milieux d’accueil. Et éviter que les parents les plus aisés se tournent vers des milieux d’accueil privés. Ce qui créerait une dualisation du secteur, contraire à l’idée de mixité sociale.

//JD

(1) Les milieux d’accueil collectifs agréés par l’ONE doivent respecter des exigences quant à la qualité de l’accueil et appliquer le barème officiel de PFP.

 

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