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Droits (18 novembre 2004)

Violence contre les femmes : c’est assez !

Cette année 2004 aura été particulièrement celle de la sensibilisation aux violences faites contre les femmes : des femmes dans la guerre aux violences conjugales. Peut-être l’effet Marie Trintignan aura-t-il joué l’été 2003 ? En tout cas, une grande campagne est en cours et va connaître son apogée le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

Les femmes et les enfants sont les premières victimes des combats armés ou des luttes entre factions aux quatre coins du monde. De notre Europe bien confortablement installée dans la paix, nous en sommes tous conscients, d’autant que les journaux télévisés nous en montrent des preuves quasi quotidiennement. Sans vouloir minimiser ces atrocités, il ne faut pas oublier que les femmes sont aussi victimes de violences dans nos pays, dans nos quartiers, le plus souvent de leur compagnon. Heureusement, des associations se mobilisent, comme Amnesty International (1), la Ligue des Droits de l’Homme (2) ou des associations qui organisent la campagne du Ruban Blanc (3) mais aussi des autorités (l’Union Européenne avec son programme Daphné www.enmarche.be(4), la Communauté française et la publication d’une brochure destinée à sensibiliser les jeunes (5) ou encore les autorités communales (6), par exemple).

 

Violences, avec ou sans coups

Le type de violence qui vient à l’esprit lorsque l’on évoque celle qui touche les femmes est la violence physique. On oublie parfois qu’elle peut également se manifester par des relations sexuelles sans consentement ce qui est punissable par la loi, même si l’auteur est le mari ! Mais la violence conjugale peut être plus sournoise : elle peut aussi consister à humilier, dégrader la femme, publiquement ou en privé : insultes, moqueries permanentes, dévalorisation, menaces, scènes de jalousie, atteintes verbales ou encore isolement social, voire séquestration. Enfin, la violence peut s’exercer par le biais économique, où la femme est privée de moyens ou de biens essentiels, un contrôle harcelant des dépenses ou une spoliation, alors qu’elle a une activité rémunérée (7).

Dans tous les cas, ces violences faites aux femmes sont un abus de pouvoir de l’homme sur une personne qu’il considère comme inférieure, un refus de leur accorder des droits fondamentaux. Comme l’affirme la Déclaration des Nations Unies, "la violence à l’égard des femmes traduit des rapports de force historiquement inégaux entre hommes et femmes, lesquels ont abouti à la domination et à la discrimination exercées par les premiers et freiné la promotion des secondes".

 

Les chiffres qui se rapportent aux violences à l’encontre des femmes sont effarants. D’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 70% des femmes victimes d’homicide dans le monde ont été tuées par leur compagnon… Dans l’Union européenne, selon la Ligue des Droits de l’Homme, une femme sur cinq a été, au moins une fois dans sa vie, victime de la violence de son compagnon. D’après des données du Conseil de l’Europe, la violence domestique est, pour les femmes de 16 à 44 ans, la principale cause de mort et d’invalidité, avant le cancer ou les accidents de la route !

 

Victimes coupables

Pour une femme victime de violences de la part, généralement, de son conjoint, il est très difficile de franchir le pas de la dénonciation. Par ailleurs, les autorités considèrent très souvent que ces "problèmes" relèvent de la sphère privée et ne s’en occupent que trop rarement de manière sérieuse.

 

Lors d’un colloque organisé en juin dernier à Bruxelles, une jeune femme a tenu à témoigner de son histoire et de cette difficulté à témoigner. Laetitia a 25 ans, une petite fille et déjà un passé bien lourd : "J’ai vécu avec un homme pendant quelques années, il m’a apporté beaucoup d’amour avant de commencer à me frapper. J’ai espéré que cela allait s’arrêter, qu’il allait changer, mais j’ai dû le quitter quand j’ai compris que ma fille de 4 ans et moi-même étions en danger. Il a été difficile de porter plainte, car mon conjoint me menaçait, disant que s’il allait en prison, il me retrouverait et me tuerait. La police, de même que la Justice, ne se rendent pas compte que lorsqu’une femme dénonce son conjoint aux autorités, il lui a déjà fallu faire preuve de beaucoup de courage. Certaines femmes qui ont connu comme moi de bons moments avec leur conjoint peuvent aussi encore en être amoureuses, et croire que tout va redevenir comme avant. C’est aussi ce qui explique qu’elles ne vont pas le quitter tout de suite. Et puis, lorsqu’il sera interrogé, qui dit qu’il ne va pas nier et qu’il ne sera pas cru par la police ?" Les freins pour déposer plainte sont colossaux, et l’on peut encore y ajouter la honte sociale pour la femme d’avoir "choisi un homme qui la bat", la peur de devoir assumer seule — éventuellement lorsque les seuls revenus du ménage proviennent du mari — les dépenses quotidiennes et les enfants, la honte aussi d’avoir attendu si longtemps pour dénoncer les faits de violence et s’entendre dire "si tu es restée aussi longtemps, c’est que tu aimais ça !", et encore bien d’autres ! Toutes ces difficultés sont bien connues des maris violents qui les exploitent, pour que leur femme garde le silence et continue à prétendre s’être cognée contre une armoire pour expliquer un hématome au visage.

 

Lorsque enfin une femme battue prend son courage à deux mains pour dénoncer à la police les violences dont elle est victime, ce n’est pas nécessairement pour porter plainte. Parfois, elle veut signaler les faits pour que la police soit au courant "au cas où il arriverait quelque chose". En théorie, comme l’explique Irène Balcers, commissaire de police, "face à un délit, il y a obligation de dresser un procès verbal (PV) d’information. Il est transmis au Parquet qui va alors demander un suivi, pour savoir quelle est la situation de la victime. La police reprend alors contact avec elle. Mais cela ne se passe pas ainsi partout…" Tout dépendra de l’interlocuteur et les plaintes sont nombreuses à être classées sans suite… Ce que tempère la Commissaire : "Lorsque la police doit interroger l’auteur présumé, elle se heurte souvent au refus de la victime qui a peur. Lorsque l’on fait le travail de suivi, il est aussi possible que la femme, qui entre temps a eu peur des conséquences de sa démarche, nous dise que tout va bien. De plus, les victimes peuvent penser qu’il y a un classement sans suite, même s’il y a un suivi." Un début de solution a été de placer un officier chargé de l’aide aux victimes dans chaque commissariat : "Il écoute la victime, voit avec elle ce qu’elle peut et veut faire : porter plainte, simplement parler, rencontrer un avocat, aller dans un centre…" Mais ce système à ses limites, car il mélange les compétences : prévention et répression.

 

Tolérance zéro

Un autre pas important a été franchi depuis le mois de septembre au Parquet de Liège, qui a emboîté le pas à une expérience pilote menée à Anvers : c’est la tolérance zéro en matière de violence conjugale. "Désormais, le Parquet réagit immédiatement, dès le moindre fait de violence, de la simple gifle aux faits les plus graves", assure le Procurer du Roi de Liège, Anne Bourguignont. Fini donc les dossiers classés sans suite : toute intervention de la police pour des faits de violence conjugale fera l’objet d’un PV qui sera transmis au Parquet, lequel prendra rapidement les mesures nécessaires, de la médiation pénale à la délivrance d’un mandat d’arrêt, selon la gravité des faits. Le Parquet de Liège collabore ainsi avec les autorités provinciales et l’association Praxis qui prend en charge les auteurs de violence (8) pour leur faire comprendre qu’ils sont allés trop loin. Une mesure importante consiste non plus à obliger les victimes à se réfugier dans un centre d’accueil, généralement en déracinant des enfants déjà assez traumatisés, mais à héberger les auteurs hors du domicile. Ils doivent dès lors être suivis par l’asbl Praxis durant 15 jours, période durant laquelle ils n’auront plus de contact avec leur femme. En cas de refus, l’auteur de violences sera renvoyé devant le tribunal correctionnel.

Cette initiative intéressante, dont on connaîtra dans quelques mois les premières conclusions, pourrait, espère-t-on dans les associations de défense des droits des femmes, s’étendre à tout le pays.

Carine Maillard

 

(1) Campagne "Non à la violence contre les femmes" sur

www.amnestyinternational.be . Amnesty organise un rassemblement aux flambeaux, le jeudi 25 novembre de 17 à 18h, Place de la Monnaie à Bruxelles pour dénoncer les violences conjugales en Belgique.

(2) www.liguedh.org/n_chroniques/chronique99/page3.html

(3) Campagne du Ruban Blanc : http://www.eurowrc.org/

(4) www.daphne-toolkit.org  ou http://europa.eu.int/comm/employment_social/equ_opp/violence_fr.html

(5) Brochure "La violence nuit gravement à l’amour", distribuée via le 0800/20.000 ou egalite@cfwb.be

(6) Notons la quinzaine de sensibilisation (du 10 au 25 novembre) organisée par la cellule Egalité des chances de la Ville de Bruxelles, avec des conférences, stages, soirées de rencontres… sur le thème des droits des femmes. Programme au 02/279.44. 14.

(7) Tiré d’une définition présentée par la Ligue des Droits de l’Homme.

(8) Praxis (prise en charge des auteurs de violences) : Rue St-Laurent 170A — 4000 Liège. Tel. : 04/228.12.27. Praxis à Bruxelles : rue du Marteau 19 - 1000 Bruxelles. Tel. : 02/217.98.70.

 

Quelles solutions ?

Une femme confrontée à un mari violent n’est pas l’autre et les motivations de ne pas porter plainte diffèrent selon les cas. Mais la première chose que toutes doivent se mettre définitivement en tête, c’est qu’elles sont des victimes, et non des femmes masochistes ou stupides ! La seconde, c’est qu’elles ont des recours : des associations aident les femmes battues ou maltraitées psychologiquement et peuvent aussi les conseiller sur les recours qu’elles peuvent avoir, en toute discrétion. Elles peuvent aussi consulter un avocat : souvent la première consultation est gratuite, sinon, elles peuvent se renseigner auprès du Tribunal pour avoir un avocat pro deo. Elles peuvent aussi prendre conseil auprès de leur médecin de famille. Ses constatations de coups, de blessures infligées par le mari violent peuvent être précieuses devant un tribunal. Enfin, la police : si elles sont décidées à porter plainte, elles doivent s’y préparer et ne pas attendre.

 

Pour connaître les adresses des différentes associations d’aide, les femmes victimes de violences conjugales peuvent s’adresser à la COFIV (Coordination des Groupes contre les violences faites aux femmes), Rue du Méridien 10 — 1210 Bruxelles. Tel. : 02/229.38.50.

 

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