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Droits (5 décembre 2002)


 

“Bannissons la double peine”

Le bannissement ou principe de la double peine est en général méconnu du grand public. Avec la sortie du documentaire “Histoires de vies brisées” de Bertrand Tavernier, plusieurs associations lancent une campagne contre le bannissement qu’elles jugent discriminatoire, inhumain, injuste et inefficace.

 

Temsi a 18 ans quand il se fait prendre en flagrant délit pour un vol d’autoradio en 1984. Condamné à 7 mois de prison ferme, il ressort avec un ordre de quitter le territoire. On le raccompagne au Maroc, un pays qu’il ne connaît pas et où personne ne l’attend. Il revient quelques semaines plus tard en Belgique auprès de sa famille, installée depuis 30 ans dans le pays. Commence alors une vie de clandestin où l’on ne peut rien construire.

Ahmed était juste un peu plus âgé lorsqu’il s’est fait arrêter pour la détention d’une barrette de haschich… Il était étudiant à l’Université et se préparait un bel avenir. A 38 ans, il paie encore son erreur de jeunesse… Toujours considéré comme illégal dans son propre pays, le seul qu’il ait jamais connu mais qui n’est pas celui de sa carte d’identité, Ahmed désespère de pouvoir un jour trouver une femme et fonder une famille.

Temsi, Ahmed, Aziz, Moncef et les autres sont parmi les victimes de ce qu’on appelle la double peine. Il s’agit d’une mesure prononcée par le Ministre de l’Intérieur qui vise à expulser l’étranger qui a commis un délit vers son pays dit “d’origine” et ce après avoir purgé sa peine en Belgique. Une double peine en somme qui ne s’applique qu’aux seuls ressortissants étrangers. Une mesure manifestement discriminatoire que dénoncent aujourd’hui le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (Mrax), la Ligue des droits de l’homme, le Groupe socialiste d’action et de réflexion sur l’audiovisuel (Grara) et le Collectif contre le bannissement.

 

Une loi qui remonte à Jean Gol

C’est en vertu de le loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers que le Ministre de l’Intérieur peut décider d’expulser du Royaume pour une durée de 10 ans l’étranger qui a “porté atteinte à l’ordre public ou à la sécurité nationale”. On ne peut pas vraiment parler de peine en tant que telle car la mesure d’expulsion n’est pas prononcée par un juge à la suite d’un débat contradictoire. De plus, cette mesure n’est pas systématique. Le Belge qui a purgé sa peine de prison a droit a une seconde chance. Il a payé sa dette envers la société et peut envisager de se réinsérer. L’étranger n’a pas cette chance. En l’expulsant, on le considère comme définitivement irrécupérable, on le bannit, on l’expulse, on le punit deux fois. Et pourtant la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme le proclame : nul ne peut être puni deux fois pour le même délit.

A l’époque où la loi fut prononcée (Jean Gol était alors ministre de la Justice) elle fut largement appliquée tant pour le petit délinquant que pour le grand criminel. Depuis, des circulaires restées confidentielles ont tenté d’assouplir la portée de la mesure. La dernière en date (le 19 juillet 2002) considère aujourd’hui comme non expulsables les étrangers qui ont séjourné légalement en Belgique depuis au moins 20 ans, ceux qui sont nés en Belgique ou arrivés avant l’âge de 12 ans ainsi que les chefs de famille condamnés à une peine d’emprisonnement inférieure à 5 ans. Une avancée que les associations considèrent comme insuffisante. Les circulaires sont volatiles et il est important que ces mesures soient inscrites dans la loi. Deux propositions de loi ont d’ailleurs été déposées dans ce sens. Reste que, selon des chiffres officieux, près de 1150 arrêtés d’expulsion auraient été prononcés entre 1980 et 1998. Autant de familles détruites et déchirées. Officiellement, après 10 ans, les étrangers expulsés peuvent réintroduire une demande de régularisation à l’Office des étrangers mais “les personnes ne l’obtiennent jamais”, explique Khadija Bel Kaïd qui a fondé le Collectif contre le bannissement et a vu ses deux frères expulsés pour des délits mineurs. “Beaucoup de familles sont touchées mais elles se cachent car elles ont honte…”

 

Ici et puis là-bas

“Je suis celui qu’on a puni deux fois. Ici et puis là-bas”, chante Zebda aux gamins des banlieues. Cette chanson est le générique du documentaire de Bertrand Tavernier “Histoires de vies brisées” qui soutient la campagne. Le réalisateur a suivi un groupe de Lyonnais en voie d’expulsion qui entament une grève de la faim pour protester contre la double peine. Il laisse la parole à ces français de cœur qui ne comprennent pas l’acharnement de la France à leur faire payer leur faute sans fin. Il écoute Lila Bouguessa, femme d’un bannit qui explique sa souffrance et celle de ses enfants de ne pas pouvoir avoir une vie comme les autres, de vivre dans la crainte d’une détention administrative, d’une possible nouvelle expulsion. “Ces personnes expulsées au nom d’une politique sécuritaire se sont battues, ont mis leur vie en danger 51 jours durant pour devenir citoyen de mon pays”, témoigne Bertrand Tavernier. Ce cinéaste engagé a voulu faire avancer leur cause en réalisant son film et en le diffusant le plus largement possible.

Françoise Robert

 

 

Le film “Histoires de vies brisées” de Bertrand Tavernier sera diffusé à Bruxelles à l’Actor’s Studio (16 petite rue des Bouchers) du 10 au 31 décembre. Les séances du 10 au 19 décembre en soirée seront suivies d’une rencontre avec les associations. Le film sera ensuite diffusé en Communauté française à partir du 29 janvier au Plazza Art de Mons, du 12 février au Parc à Liège et de début mars au Forum de Namur. Informations : au Mrax 02/218.23.71 www.mrax.be , à la Ligue des droits de l’homme au 02/209.62.80 www.liguedh.org

 

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