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Droits (2 mai 2013)

Du changement dans l’air

© Reporters

Certains adultes font face à une “autonomie fragilisée”. Qu’ils vivent avec un handicap mental depuis l’enfance, qu’ils aient été confrontés à un accident dommageable pour leur cerveau, qu’ils affrontent l’étiolement de leur esprit à cause de leur grand âge..., la société entend assurer leur protection. Un nouveau statut s’appuie davantage sur leurs capacités. Il devrait permettre un accompagnement sur mesure.

Handicap de naissance, maladie d’Alzheimer, démence, cérébrolésions, troubles psychiques… sont autant d’affections qui peuvent mettre à mal nos facultés. Elles touchent, à des degrés divers, la mémoire, l’attention, la compréhension, l’écriture, la planification, le raisonnement, la prise de décision... Certains dispositifs légaux permettent de garantir aux adultes concernés la protection de leurs biens, parce qu’ils n’ont pas – ou plus – de notion de l’argent. D’autres mesures concernent la protection de leur personne parce qu’ils ne comprennent pas – ou plus – les implications du choix d’un traitement médical, d’un lieu de vie, etc. Jusqu’à présent, on parle de minorité prolongée, d’administration de biens, de régime du conseil judiciaire…

Partir des capacités

Une loi vient d’être adoptée à la Chambre et au Sénat pour instituer un nouveau statut de protection qui harmonise l’ensemble de ces dispositions(1). Ce statut est inspiré du modèle de l’administration provisoire et s’appuie sur un principe essentiel : c’est au départ des capacités – et non des incapacités – de la personne que le statut est défini. “Partant, le juge disposera d’une liste d’actes (sorte de check-list) en rapport tantôt avec la personne (par exemple, le choix de la résidence), tantôt avec les biens (par exemple: faire un testament), précise-t-on à l’Afrahm/Anahm(2). Le juge sera tenu de se prononcer explicitement sur la capacité de la personne à réaliser ou non chaque acte repris dans la liste. De la sorte, il définit l’étendue de la capacité de la personne protégée”. La protection devrait ainsi être adaptée à chacun, proportionnée à ses besoins, en respectant au mieux sa liberté individuelle. Car c’est bien là “une affaire d’équilibre, de conciliation entre deux intérêts contradictoires mais essentiels”, comme l’explique le juge F-J. Warlet : entre d’une part la protection (par exemple: empêcher les abus financiers à l’égard d’une personne affaiblie), et d’autre part, le respect de la liberté individuelle (par exemple: permettre à la personne de disposer de ses biens comme elle l’entend).

Cette protection à “géométrie variable” recueille l’enthousiasme des associations et services qui militent pour une reconnaissance des capacités des personnes, pour leur prise en considération accrue. “Une personne n’est pas l’autre. Aussi bien dans ses capacités qu’en ce qui concerne l’environnement familial et social sur lequel elle peut compter, remarque Marie-Claire Moës, de La Braise, service à destination des jeunes et adultes cérébrolésés. Ainsi, par exemple, certaines personnes peuvent, avec ou sans aide, gérer leurs revenus et dépenses mensuelles tandis que d’autres éprouvent les plus grandes difficultés à gérer quelques euros d’argent de poche par semaine”.

Assister avant de représenter

Autre nouveauté : les capacités de la personne protégée devront dominer également dans la définition du mandat confié aux administrateurs. Le juge de paix confiera à l’(aux) administrateur(s) de préférence une mission d’“assistance”. Ainsi sera privilégié le fait que la personne protégée conserve l’initiative, avec un administrateur en soutien qui contrôle si les actes en question ne lèsent pas ses intérêts. La mission de “représentation” ne viendra qu’en deuxième choix. En outre, mais ceci n’est pas neuf, le juge de paix peut désigner une personne de confiance (voire plusieurs) : une voisine, un fils, une amie... “Entre autres, la personne de confiance soutient un lien constructif entre la personne protégée et l’administrateur qu’elle peut d’ailleurs contrôler dans l’exercice de sa mission”, indique Thérèse Kempeneers, secrétaire générale de l’Afrahm, insistant sur la valeur ajoutée de ces soutiens : jauger l’évolution des facultés de la personne protégée; l’aider à exprimer ses volontés ou les interpréter lorsqu’elle n’est pas capable de l’exprimer ; servir de relais… Mais aussi, se tenir au plus près du quotidien, en préparant par exemple le budget à soumettre à l’administrateur de biens.

Des moyens pour le juge de paix

L’évaluation du degré d’autonomie des personnes revient au juge de paix, sur la base d’un certificat médical circonstancié joint à la requête. Assurément, il lui faudra les moyens de s’entourer pour s’acquitter de cette tâche avec pertinence et instruire le dossier avec soin. Or le nombre de dossiers et les restrictions budgétaires de la justice de paix pèsent lourdement. D’aucuns craignent que prédomine l’option de la moindre prise de risque – soit la mise sous protection maximale. Certes, le régime de protection pourra être réévalué et adapté à tout moment. Mais, du coté de La Braise notamment, on questionne : “Prendra-t-on le risque de permettre à une personne d’exercer à nouveau un acte de gestion comme le paiement de son loyer, alors qu’elle n’y était plus habituée? Faute d’exercer régulièrement une tâche, les repères peuvent vite se perdre”.

Le texte de loi ne suffira pas. Il fixe des principes. Comme le rappelle Marc Tremouroux, président d’Altéo(3), les arrêtés d’application et la mise en pratique devront traduire d’une manière concrète les très louables intentions exprimées. La question des moyens se pose avec acuité, notamment au niveau des juges de paix. Le président d’Altéo, qui a lui-même expérimenté le rôle d’administrateur provisoire, raconte les impasses au moyen d’un exemple : une personne a connu huit juges de paix différents. “A chaque fois, il a fallu que j’explique moi-même à chacun le cas singulier de la personne. Aucun juge ne disposait d’un dossier papier accessible, encore moins d’un dossier informatisé”.

A suivre, une fois la mise en pratique effective, qui ne prendra pas place avant une bonne année(4).

// CATHERINE DALOZE

(1) Le 29 mars dernier, un colloque organisé par l’ASPH (Association socialiste de la personne handicapée), l’Afrahm et Altéo proposait une présentation et une analyse critique de la nouvelle législation.

(2) Association francophone d'aide aux handicapés mentaux (www.afrahm.be) et Association nationale d’aide aux handicapés mentaux (www.anahm.be).

(3) Mouvement social de personnes malades, valides et handicapées, partenaire de la MC. Voir www.alteoasbl.be – 02/246.42.26.

(4) Des dispositions transitoires (étalées entre une et cinq années) sont prévues dans la loi pour adopter le nouveau statut.

 


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