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Drogues (1er mars 2001)


Le cannabis sort du bois

Pendant des années, on a diabolisé le cannabis, comme étant le marchepied vers des drogues plus dures. Aujourd’hui, cette théorie est battue en brèche et le cannabis est davantage considéré pour ce qu’il est : un psychotrope parmi bien d’autres.

Une étude effectuée en 1996 auprès de 2248 élèves des écoles bruxelloises, montre que 51,2 %
des garçons âgés de 19 ans et plus ont consommé
au moins une fois des drogues illicites.

Le 19 janvier dernier, le gouvernement présentait son plan Drogue. Parmi les nombreuses orientations à mettre en œuvre tant sur le plan de la prévention qu’à l’égard de la criminalité ou la consommation de stupéfiants en prison, la mesure la plus attendue, ou crainte selon les tendances, portait sur le cannabis. Allait-on légaliser, dépénaliser ou continuer de tolérer une drogue dite douce en raison d’effets relativement soft, comparés à d’autres stupéfiants et surtout, de plus en plus répandue dans la population ? Le compromis juridique dégagé est bien belge et ne sera probablement pas exportable tant il est alambiqué. En réalité la Belgique n’a pas voulu déroger à ses obligations européennes et internationales. Elle maintient donc le cannabis sur la liste des drogues reprises dans la loi du 24 février 1921 relative aux stupéfiants, mais la distingue des autres drogues. Par ailleurs, l’infraction pour usage en groupe est effacée de la loi. C’est par le truchement d’une directive, qui sera coulée en arrêté royal et devrait prendre effet d’ici 6 mois, que le véritable changement est introduit, à savoir le principe de l’impunité en cas de détention, par un adulte, d’une quantité de cannabis destinée à un usage personnel, sans précision quant au nombre de grammes envisagés. Aucune poursuite ne sera donc engagée à l’égard des plus de dix-huit ans, ni aucun procès-verbal dressé, sauf s’il est démontré que l’usage de la dite substance représente une nuisance sociale ou est problématique. Deux notions éminemment floues quant à leur interprétation, en ce qu’elles laissent la porte ouverte à bien des discriminations. Pour ce qui est des mineurs, l’interdit est maintenu et la possibilité de procédures devant le juge de la jeunesse est toujours d’actualité. Voilà pour ce qui est du point de vue strictement légal.

Le point sur le produit

Mais peut-être est-il important de recadrer un produit qui fait la une des journaux, mais qui n’est pas toujours bien situé par le grand public (1). Cannabis, haschich, marijuana, joint, herbe, pétard, shit... Quelques-unes des appellations d’une plante aux feuilles très caractéristiques, finement dentelées, disposées en étoile et dont les fleurs et les feuilles qui les entourent recèlent des substances susceptibles d’altérer la perception du réel. Généralement, chez nous, on en trouve deux dérivés : le haschich (constitué de résine de cannabis et qui se présente sous forme de barrettes ou de pains, selon les quantités envisagées) et la marijuana (ou “herbe”, composé des feuilles uniquement).

Les effets les plus généralement cités par les consommateurs consistent en un sentiment de détente générale, de désinhibition, voire d’hilarité accompagné d’une mise entre parenthèse du temps. Certains utilisateurs parlent également d’une acuité visuelle et auditive plus fine et de capacités de raisonnement accélérées. Pour atteindre cet état, il existe plusieurs manières de consommer le cannabis : en le fumant, dans une pipe spéciale ou mélangé à du tabac, ou en l’ingérant.

Quels effets sur la santé ?

Comme pour bien d’autres drogues, la question de la nocivité du cannabis se pose et en particulier, quand on sait que plus de 40% des adolescents l’ont essayé à l’âge de 17-18 ans (lire l’interview d’Antoine Boucher ci-dessous).

Si on le qualifie de drogue douce, c’est parce que le cannabis ne provoque pas spécialement de dépendance physique : en effet, il n’y a pas d’accoutumance de l’organisme, comme c’est le cas pour l’héroïne, l’alcool ou le tabac. Par contre, une dépendance psychique peut être observée en cas de consommation assidue.

Le professeur Pelc, de l’hôpital Brugmann, énonçait, lors des auditions enregistrées dans le cadre du groupe de travail parlementaire sur les drogues constitué en 1996, que “Des équipes à l’ULB ont montré qu’il y a des récepteurs à la marijuana, notamment sur les zones corticales frontales, c’est-à-dire là où se font les fonctions supérieures d’attention, de concentration et de vigilance. Ce n’est pas par hasard que des jeunes qui prennent régulièrement de la marijuana présentent un état d’indifférence, ce que les scientifiques appellent le syndrome a-motivationnel. Quand on en prend un peu, c’est certainement une des drogues les moins dangereuses. Le problème est que les personnes qui passent d’une consommation expérimentale à une consommation excessive et régulière sont souvent des jeunes à problèmes, qui subissent alors des effets toxiques.”(2) Parmi ces derniers, les scientifiques parlent notamment d’une diminution de la force musculaire, d’une réduction réversible de la quantité de spermatozoïdes, de troubles dans l’enchaînement des idées ainsi qu’un effet cancérigène proportionnellement plus important que la cigarette au niveau des poumons, en raison de l’absence de filtre et d’une inhalation profonde et prolongée de la fumée de cannabis. Tout cela, en cas de consommation intensive et prolongée, laquelle ne concerne qu’une minorité des usagers.

Nathalie Cobbaut

(1 mars  2001)


(1) Lire “Le cannabis expliqué aux parents” d’Alain Lallemand, éditions Luc Pire. Le propos didactique et traversé par un souci de dialogue entre les générations en fait une base de discussion intéressante. Lire aussi “Drogues de rue : récits et styles de vie” de Pascale Jamoulle et “Pour en finir avec les toxicomanies” de Jean-Pierre Jacques, collection Oxalis, éditions De Boeck-Université. Voyez aussi le dossier sur la question de La Libre Belgique  http://www.lalibre.b
e

(2) Extrait de l’ouvrage de A.Lallemand, op. cit., p.42.


 

Dépénalisation du cannabis : une chance de dialogue

Antoine Boucher est membre de l’équipe d’Infor-Drogues, une asbl qui se consacre à l’information et la prévention en matière de stupéfiants. Pour cette association, la levée de l’interdit est une chance d’ouvrir le dialogue à tous les échelons de la société.

La réforme relative à l’usage du cannabis est-elle pour vous une bonne chose ?

Antoine Boucher : Même si nous estimons la réforme actuelle entachée de points négatifs, la décision de réformer la politique des poursuites pour détention de cannabis constitue un pas dans la bonne direction et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, toutes les enquêtes le montrent, parce qu’il s’agit d’un produit très largement consommé et dont on ne peut pas dire qu’il fasse des ravages en termes de santé publique. C’est un produit relativement bien maîtrisé, même s’il ne faut pas en banaliser les effets.

Ensuite, parce qu’il existe vraiment un grand écart entre la pratique et la loi, à un point tel que celle-ci perd toute légitimité. D’ailleurs, beaucoup de gens pensent que le cannabis est juridiquement légalisé. Ils le pensent depuis 1998 et la fameuse circulaire De Clerck qui faisait de la poursuite des usagers de hasch la plus petite des priorités. Enfin, la levée de l’interdit va nous permettre de réaliser un travail de prévention plus efficace. En effet, il n’est pas facile de parler sereinement d’un produit illégal. Il y a toujours le risque d’être suspecté d’incitation à la débauche. L’option choisie par le politique va également permettre la responsabilisation de tous les acteurs car, pour de nombreux parents, enseignants, directeurs d’école… l’interdit empêche le dialogue.

Que pensez-vous du maintien de cet interdit pour les mineurs d’âge ?

A. Boucher : Le fait de dire que le cannabis reste enfant non admis me semble légitime, car il s’agit d’un produit qui n’est pas banal, à l’instar de l’alcool. Néanmoins, les enquêtes le montrent qu’une bonne partie des mineurs d’âge sont consommateurs. Peut-être aurait-il fallu modaliser cet interdit, comme la loi pénale le précise pour l’alcool dont la vente est interdite aux mineurs de moins de 16 ans. On aurait sans doute mieux collé à la réalité en réglementant de manière graduelle.

Ce qui me chiffonne à cet égard, c’est l’hypocrisie du gouvernement qui permet la détention, tout en continuant d’interdire la vente de cannabis sur le territoire belge. Les utilisateurs continueront donc à s’approvisionner auprès de dealers, dans la plus parfaite illégalité. Avec le risque d’être mis en contact avec des produits plus dangereux, non pas parce que le hasch constitue le marchepied pour entamer une telle escalade, mais parce que le dealer a intérêt à vendre des produits plus chers et qui entraînent une plus forte dépendance. Cette attitude est irresponsable de la part des autorités publiques.

Infor-Drogues, c’est, entre autres, une ligne téléphonique ouverte 24 h/24. Quelles sont les questions que l’on vous pose après l’annonce de la réforme ?

A. Boucher : On reçoit actuellement beaucoup d’appels provenant des parents, des enseignants complètement déstabilisés par le projet de réforme. “Dois-je laisser mon fils fumer des pétards du soir au matin sans intervenir ?”, “Je suis enseignante. Est-ce que je suis désormais obligée d’accepter en classe un élève qui a manifestement fumé du hasch ?”. À cet égard, le Ministre Hazette a clairement remis les pendules à l’heure en rappelant l’interdiction de consommation de tout produit psychotrope dans le cadre scolaire. Cela dit, il faut aller plus loin et entamer le dialogue avec les jeunes. Une partie des enseignants est partante pour collaborer à des efforts en matière de prévention, mais pour l’instant, les programmes sont trop axés sur le produit : apprendre à distinguer les drogues, à détecter les symptômes physiques. Ces programmes, souvent dispensés par des gendarmes, transforment les profs, les parents, les directeurs d’école en délateurs et diabolisent le produit comme étant la cause de l’échec scolaire, de la déchéance et finalement d’une éventuelle vie ratée. Or c’est l’usage qui en est fait qui peut être problématique, pas spécialement le produit en tant que tel.

Quant aux parents qui se demandent s’ils doivent laisser leurs enfants consommer du hasch sans intervenir, j’ai envie de leur demander s’ils acceptent que leur fils ou leur fille soit saoul du matin au soir. C’est leur rôle d’éducateur que de fixer des limites et se forger une position par rapport au cannabis, cela fait partie de leur tâche de parent, comme c’est le cas à l’égard de bien d’autres aspects de leur existence.

Propos recueillis par N.Cobbaut

(1 mars  2001)

 

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