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Consommation (1er février 2001)


 

Nos têtes blondes roulées dans la farine du marketing?

Les enfants et les jeunes sont une cible de choix sur le marché des biens de consommation. Alors qu’ils n’ont même pas trois ans, la publicité leur propose déjà mille gadgets. Cette sollicitation se poursuit tout au long de leur croissance, au fur et à mesure que leur pouvoir d’achat s’accroît et que leur influence sur les achats familiaux se développe. Avec le risque d’en faire plus tard des consommateurs susceptibles de se mettre en danger, sur le plan financier.

Florenville. Une certaine animation règne dans la classe de cinquième primaire de l’école de quartier. Damien et Marylène, des animateurs extérieurs, sont venus discuter avec la classe de deux sujets plutôt sérieux : la publicité et le budget.

Côté pub : le succès de l’animation est immédiat. Damien enclenche le magnétophone, leur propose d’écouter quelques notes d’une série de ritournelles qui rappellent confusément des airs connus. Le but du jeu : démontrer à quel point la publicité imprègne le mental des plus jeunes. Les enfants démarrent au quart de tour. En quelques secondes, ils vous citent sans aucune hésitation le yaourt aux fruits qui rend costaud, la poudre à lessiver qui pénètre au cœur du linge ou le dernier monospace qui emmènera toute la famille au supermarché. Pas de doute, la publicité atteint son objectif. L’animation se poursuit afin de mettre à jour les ficelles utilisées dans les spots publicitaires pour susciter sans cesse de nouvelles envies. Là encore, les enfants sont étonnants: “Bien sûr qu’on sait que la publicité montre une réalité où tout est rose, où les gens sont heureux, bien sûr qu’on sait qu’on nous montre des stars pour nous donner l’envie d’acheter tel bidule ainsi mis en valeur, bien sûr que quelque part, on n’est pas dupe. Mais, nous, la pub, on aime ça et on en redemande. Et on scie les côtes à maman pour qu’elle achète tel jus de fruits plutôt qu’un autre parce qu’un pirate l’a découvert dans un coffre aux trésors, l’autre jour à la télé”. Des réflexions étonnantes de lucidité, mais qui posent bien des questions puisque le but des publicitaires est atteint.

Deuxième volet de l’animation : le budget. Un thème plus fastidieux et des élèves plus circonspects. L’objectif: évaluer avec une somme déterminée comment boucler un budget et vivre pendant une période donnée. Les propositions sont d’abord assez pragmatiques: acheter à manger, payer la maison ou l’appartement. Des besoins assez basiques que les enfants discernent donc plutôt bien. Mais très vite les postes cités (voiture, télévision, téléphone, jouets, loisirs…) dépassent largement les disponibilités. Et quand on explique aux enfants qu’il va falloir faire des choix car le budget est limité, leur regard est plutôt incrédule. L’air de dire : “Impossible : tout cela est indispensable. Pas question de s’en passer”.

Un nouveau défi pour les parents

Le principal challenge des opérateurs économiques aujourd’hui est d’amener un public donné à considérer comme indispensables, toute une série de produits dont l’utilité reste à démontrer. Les rayons des grands magasins regorgent d’objets dont on peut parfaitement se passer. Le tout, pour les industriels, est d’arriver à les vendre. Pour ce faire, les stratégies marketing s’affinent chaque jour un peu plus. A chaque produit, une cible. Pour chaque âge, un produit. Avec l’avantage chez les plus jeunes de bénéficier d’une certaine crédulité, d’un engouement facile à éveiller et surtout d’un potentiel économique énorme. Sans se soucier des catastrophes que peuvent causer une image faussée des besoins et l’acquisition de réflexes de consommation en contradiction avec les réalités financières. C’est sans doute là que se joue l’enjeu en matière d’éducation à la consommation : arriver à remettre les pendules à l’heure d’une consommation raisonnée et axée sur les véritables nécessités, sans pour autant couper l’enfant de son environnement. Car le problème est bien là : qu’objecter à un enfant, à un adolescent lorsqu’il formule une série de souhaits d’ordre matériel dont la finalité est plus ou moins discutable ?

La tâche des parents est difficile : certes leur rôle est bien d’établir une série de limites pour permettre à l’enfant d’évoluer dans un univers balisé. Et probablement, en matière de consommation, il est important de mettre des balises. Mais, comme à l’égard de bien d’autres principes, plusieurs éléments viennent perturber la théorie. D’abord, intervient l’envie de faire plaisir à l’enfant, de lui offrir ce à quoi il rêve, ce à quoi on n’a peut-être pas pu accéder soi-même. Ensuite la volonté de compenser l’absence est un élément qui perturbe souvent la gestion du matériel. En effet, beaucoup de parents sont littéralement accaparés par le monde du travail et disposent de peu de temps à consacrer à leurs enfants. Dès lors, la culpabilité très présente chez bien des parents induit des comportements de compensation matérielle. On peut assister au même type de phénomène chez les parents séparés.

Autre élément à ne pas négliger : la pression du groupe auquel l’enfant ou l’ado qui n’est pas conforme risque d’être confronté. Certains parents attentifs à cette problématique du consumérisme à tout crin se retrouvent face à un dilemme : rester fermes sur leurs positions à l’égard de tel ou tel produit refusé à l’enfant et risquer de le voir marginalisé ou bien céder devant la pression des pairs, mais battre en retraite sur le plan des principes. Tout est sans doute question d’équilibre et d’arbitrage.

D’autres lieux pour prévenir les catastrophes

A côté de la cellule familiale, l’école est, elle aussi, un lieu d’apprentissage important pour les enfants et les jeunes. Le nouveau Décret-missions énonce qu’un des objectifs à atteindre par le système scolaire consiste à faire des écoliers, des citoyens responsables. C’est pourquoi, les programmes ont été revus afin d’inclure cet apprentissage à une consommation responsable. Pour aider les enseignants dans cette tâche, il s’agit de leur fournir une série d’outils. Le ministre de l’Economie de la Région bruxelloise, Charles Picqué, lancera au mois de mars une campagne de prévention portant sur les jeunes et le crédit. Des dossiers pédagogiques seront mis à la disposition des enseignants primaires et secondaires afin d’induire au cœur de leur enseignement une série de réflexions relatives à la gestion de budget, la protection du consommateur, les risques liés au crédit…

D’autres initiatives voient le jour, comme la mise sur pied en Région wallonne de centres de référence chargés, entre autres missions, de réaliser des actions de prévention pour lutter contre le surendettement. Un premier centre a déjà été agréé à cet effet : il s’agit du Groupe Action Surendettement (GAS), basé au CPAS d’Arlon, qui effectue déjà des animations dans les écoles primaires et secondaires. C’est dans ce cadre que Damien et Marylin qui dépendent du GAS ont travaillé à Florenville, dans cette école où les enfants semblaient plutôt éveillés à la problématique. Un second devrait suivre en province du Hainaut.

A la veille des fêtes de fin d’année, le Ministre des Affaires sociales en Région wallonne, Thierry Detienne, lançait également une campagne radio dont l’objectif était de valoriser le sens critique face à la société de consommation. Ce type de communication se renouvellera à l’approche de chaque grand rendez-vous de consommation.

Cette multiplication des messages à l’attention des jeunes (et des moins jeunes d’ailleurs) suffira-t-elle à nous rendre plus attentifs aux risques financiers qui sous-tendent les multiples tentations commerciales ? La prévention sera-t-elle assez efficace face à des stratégies marketing excessivement bien pensées ? Ne faudrait-il pas plutôt interdire certaines pratiques, comme c’est le cas en Suède par exemple, où la publicité destinée aux moins de 12 ans est interdite ? Les chiffres du surendettement pour les années à venir nous le diront.

Nathalie Cobbaut

(1 février  2001)

 

L’ouvrage “Le statut juridique du consommateur mineur d’âge” de P.Dejemeppe et de J. Laffineur est une source intéressante pour s’informer plus avant sur le statut juridique du jeune consommateur, même si les auteurs reconnaissent d’entrée de jeu que “Les jeunes demeurent les “parents pauvres” de la protection du consommateur”. Edité par le Centre de droit de la consommation: tél : 010/47.85.31.

Courtisés par les banques

Depuis une dizaine d’années, les banques font, elles aussi, les yeux doux aux jeunes. Dès l’âge de douze ans, il leur est loisible aujourd’hui d’ouvrir un compte, d’effectuer des retraits au moyen d’une carte bancaire. Certaines d’entre elles proposent même du crédit aux mineurs (moyennant l’autorisation des parents). Pour attirer les jeunes, tous les moyens sont bons: campagnes publicitaires savamment étudiées, cadeaux promotionnels, magazines ciblés, sites Internet, services d’aide en tous genres. Autre amabilité à l’égard du public jeune : de manière généralisée, les banques proposent leurs services aux moins de 26 ans de manière gratuite (la gestion de compte n’est pas payante) et leur offrent également des intérêts sur leur compte courant, dignes de ceux pratiqués sur les comptes épargne. Mais attention, passé la barre des 26 ans (parfois, dès 24 ans), ces avantages disparaissent. Néanmoins, et c’est là l’objectif principal des banques, une fois ferré, le poisson reste accroché. Le shopping bancaire n’est pas encore entré dans les mœurs et en général lorsqu’on adopte une banque, on y reste de longues années.

Pour aider le jeune à faire son marché, le magazine Scan, à destination des jeunes consommateurs et édité par Test-Achats, fait le point sur la question. Les différentes offres bancaires à l’intention des jeunes sont analysées et des “maîtres-achat” sont épinglés (1). Objectif : aiguiser le sens critique des jeunes à l’égard des offres alléchantes qui leur sont destinées. Une démarche à saluer.

N.C.

(1) Ce dossier est disponible du magazine : http://www.scan.be  ou en contactant Scan, 13 rue de Hollande à 1060 Bruxelles - 02/542.33.55.

 

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