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Consommation (7 avril 2011)

 

Stop, n’en jetez plus!

L’abandon de nourriture à la poubelle – 15 à 23 kilos annuels par personne ! – n’est pas seulement choquant, ni absurde pour le portefeuille. Il est le reflet d’une société de (relative) opulence, qui veut avoir accès, vite et facilement, à toute forme de nourriture. Seuls ou en groupe, certains arrivent à limiter le gaspillage.

On l’appelle le “sous marin”. Il s’agit d’un conteneur, dans lequel certaines grandes surfaces se débarrassent de leurs produits alimentaires invendus. Pour éviter que des indélicats mettent le grappin dessus, le personnel est prié d’asperger le contenu avec un produit – disons…. – répulsif. Un peu comme on éloigne les insectes parasites d’une belle fleur ou d’un fruit bien mûr. L’eau de Javel fait parfaitement l’affaire…

© Bernard Foubert-Photononstop/Reporters

Choquant, dans un pays où près de 160000 personnes ne mangent pas toujours à leur faim. C’est pourtant bel et bien ce qui se passe dans certaines arrières boutiques de nos temples de la consommation. Motif invoqué: pour  des raisons d’hygiène publique, on préfère éviter de voir les rats rôder autour de cette nourriture – parfois avariée, il est vrai, mais pas toujours – qui ne peut plus être vendue aux clients. Autre explication fournie à l’usage de l’eau de Javel: elle décourage les “bandes organisées”, qui se seraient fait une spécialité d’écouler ces produits alimentaires dans des réseaux de distribution douteux.

On peut comprendre l’irritation des gérants qui ont vu, un jour, le contenu de leurs poubelles répandu sur la chaussée ou sur le parking de leur enseigne. Ou admettre leur crainte de se voir accusés de négligence, si une intoxication alimentaire (elles peuvent être redoutables) devait frapper des SDF, tentés par cette nourriture pas chic et pas chère. Il n’empêche: ce type de dispositif démontre que quelque chose ne tourne plus rond autour de la nourriture qui arrive en fin de période de consommation. Et qu’il y aurait sans doute pas mal de choses à faire – pas seulement dans les commerces – pour éviter que des tonnes de produits soient abandonnées dans les décharges ou brûlées dans les incinérateurs.

 

Négligence ou distraction?

Le gaspillage alimentaire? Une montagne ! Qui ne concerne pas seulement les invendus des magasins, mais bien notre organisation domestique. A Bruxelles, chaque individu jette, en moyenne, 15 kilos de nourriture par an. Le Wallon fait pire: 14 à 23 kilos(1). Il ne s’agit pas d’épluchures ou de débris divers de cuisine, mais bien des restes de repas, de produits entamés, voire jamais déballés. Inconscience? Désinvolture? Distraction? Le fait est là: trop souvent, nous laissons traîner des aliments au fond du réfrigérateur ; nous négligeons de consommer suffisamment tôt les restes de repas ; nous ne respectons pas la chaîne du froid pendant nos courses, hâtant ainsi la dégradation de la nourriture fraîche à domicile. Last but not least : nous ne maîtrisons pas bien les nuances des mentions obligatoires sur les produits frais: “à consommer jusqu’au…”, “à consommer de préférence avant le…” (lire l’encadré ci-contre).

En moyenne, cette insouciance nous coûte 174 euros annuels par individu, selon l'Observatoire bruxellois de la consommation durable(2). De quoi s’offrir un plantureux repas…  Les sociologues expliquent cette attitude par le fait que, dans les pays riches, le poids des dépenses alimentaires dans le budget des ménages n’a cessé de décroître ces dernières décennies. De ce fait, lorsqu’on jette de la nourriture, on a moins l’impression de gaspiller qu’autrefois. Impression trompeuse, en réalité, si l’on se place dans une logique d’utilisation collective des ressources. Ainsi, il faut 1.000 litres d’eau pour fabriquer 1 kilo de farine(3) et 16.000 litres pour produire 1 kilo de viande rouge. Lorsqu’un aliment vole à la poubelle, c’est un formidable gaspillage d’eau, d’énergie et de matières premières qui est réalisé. Sans oublier le travail humain qui est derrière. Au Crioc(4), on pointe surtout la responsabilité du marketing, accusé de favoriser les achats impulsifs et inutiles par des méthodes qui caressent notre vie subliminale. Combien de publicités tapageuses qui, à coups de concepts tonitruants (“duo-packs”, “multi-packs”, “geant- packs”…), nous font acheter des biens dans des quantités disproportionnées? Moins cher à l’achat, certes. Mais plus cher en fin de compte, si la nourriture oubliée au fond du frigo, se couvre finalement de petits poils verts…

 

Comptes à rebours

Chaque année, les banques alimentaires, dans notre pays, sauvent du gâchis 12 000 tonnes d’aliments, les redistribuant à près de 650 œuvres de bienfaisance, soit 114 000 bénéficiaires. Piquant: leurs fondateurs, en 1986, avaient imaginé “durer” vingt ans… La toute grosse majorité de leurs stocks, aujourd'hui, provient des grandes surfaces et de l’industrie agro-alimentaire, pour qui la gestion des produits frais en “fin de vie” – on y parle de Jour moins 3, J-2, J-1 avant le retrait des étals – exige une organisation irréprochable.

Nul doute que certains gérants, lorsqu’ils ont la marge de manœuvre nécessaire, font tout leur possible pour alimenter directement l’œuvre, le home ou le CPAS local; à l'instar de l’épicier du coin ou du boulanger du quartier, pour qui jeter de la nourriture encore consommable frise l'indécence.

Ces circuits informels de récup et de distribution n'empêchent pas des réalités moins reluisantes. Ces dernières années, on a vu des gérants d’une enseigne bien connue se faire licencier pour faute grave parce qu’ils avaient autorisé leur personnel à  emporter des pizzas qui, bien qu’encore comestibles, ne pouvaient plus être vendues aux clients. Dure  à encaisser, cette interdiction, pour un personnel qui est déjà souvent soumis à rude épreuve salariale et à des horaires éprouvants! Dans les milieux syndicaux, on cite aussi le cas de ce “petit personnel” de cuisine qui, choqué par l’abondance des restes de repas après les banquets et festins de grandes organisations, doit utiliser mille ruses et manœuvres pour acheminer cette nourriture encore fraîche (pour quelques heures!) aux SDF qui campent à 200 mètres de leur cuisine, sans… alerter le patron. De quoi méditer ce commentaire du Crioc: “Le gaspillage génère certes des déchets et coûte cher. Mais le comble est qu’il amplifie le sentiment d’inégalité entre les gens qui ne mangent pas à leur faim et ceux qui gaspillent des denrées alimentaires”.

// Philippe Lamotte

(1) Source: Réseau Eco-consommation: www.ecoconso.be

(2) www.observ.be

(3) Agence française pour la demande et la maîtrise de l’énergie (Ademe) www.ademe.fr

(4) Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs. www.crioc.be

 

La débrouille citoyenne
Face au gaspillage, des citoyens prennent le taureau par les cornes. Les “Freegans”, par exemple,  encore peu nombreux en Belgique, font la tournée des poubelles et prônent un régime alimentaire “déchétarien”. Venus des Etats-Unis et imprégnés d’un militantisme écologiste, anarchiste et/ou anticapitaliste, ces adeptes de la nourriture gratuite et d’une planète plus juste réalisent de véritables festins à New York et ailleurs. Une forme de glanage des temps modernes, en quelque sorte: au lieu de sillonner les champs après les récoltes, ils arpentent l’arrière-cour des supermarchés, de la grande restauration et des entreprises. Leur période faste: l’après fêtes de fin d’année.

Plus proche de nous et tout aussi conviviale: l'initiative “Super marmite”, qui s’auto-intronise le “Facebook des petits plats”(1). Partie de France l’année dernière, elle met en réseau les particuliers qui, réfractaires au gaspillage ou simples cordons bleus,  souhaitent partager leur repas ou mettre en vente à prix modique une partie de leurs portions excédentaires. Dans quelques grandes villes françaises et néerlandaises, il suffit déjà de quelques clics sur Internet pour  se fournir auprès du voisin de quartier. Rencontres et partages assurés, même si des dérives commerciales sont vite apparues à Paris. En Belgique, rien de tel pour le moment.

A signaler, enfin, dans un registre plus institutionnel, la décision de la Commission européenne qui, en 2008, a décidé d’assouplir les normes de taille et de forme de 26 sortes de fruits et légumes qui, jusque là, étaient bannis des circuits commerciaux dès lors qu’ils ne correspondaient pas aux “standards” des consommateurs finaux.

(1) www.super-marmite.com/meals  (équivalent néerlandais : www.tweetjemee.nl )

 

 

Trucs et astuces anti gaspi

Diviser et, si possible, congeler les aliments vendus en grandes quantités dès le retour des emplettes.

Conserver les aliments frais au réfrigérateur dans des emballages hermétiques en plastique, si possible transparents.

Ne pas jeter  trop vite les aliments soi-disant périmés. Les dates mentionnées comme “à consommer de préférence avant le...”, apposées sur les produits peu périssables, peuvent parfois être dépassées sans trop de risques, quitte  à perdre des qualités de couleur, goût, odeur, texture, etc. Les dates mentionnées comme “à consommer jusqu’au…”  doivent être respectées, car elles concernent des produits très périssables. Toutefois, gardés fermés et sans la moindre rupture de la chaîne du froid, certains produits laitiers frais peuvent être consommés bien au-delà de cette date, et jusqu’à quinze jours pour les yaourts et fromages à tartiner. Précision importante: les dates limites de consommation ne sont jamais valables dès que l’emballage est ouvert.

Indiquer au gros marqueur la date d’ouverture d’un aliment frais.

Dresser à domicile la liste des achats. On est ainsi moins tenté par les achats impulsifs.

Privilégier le “vrac”.

Veiller à une hygiène impeccable dans la cuisine. Nettoyer frigo, hotte et autres plans de travail pour diminuer la quantité de germes ambiants et retarder la contamination des aliments. Veiller, aussi, au remplacement fréquent des essuies mains.

Consulter un ouvrage sur les mille façons d’accommoder les restes de repas. A la clef: d’excellents repas chics et pas chers. Pour les déchets végétaux, le compostage est un pis-aller intéressant: transformée, la matière organique servira d'amendement pour le jardin et les balconnières.

Utiliser, pour les achats d'aliments frais, les sacs spéciaux “produits congelés”.

 


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