Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Consommation (7 octobre 2010)

 

L'hiver sera chaud

Les ménages précaires paient un lourd tribut à la libéralisation du marché de l'énergie. Les aides existent, mais semblent d'une efficacité très variable. Saison froide douloureuse en vue…

L'hiver est encore loin et la douceur de l'automne fait plaisir. Mais, dans les Centres publics d'action sociale (CPAS) et les associations spécialisées dans l'aide aux personnes les plus fragiles, l'inquiétude est au rendez-vous. Comment se déroulera la saison froide? Combien de familles seront-elles à nouveau confrontées à des situations invivables, voire aux coupures de leur approvisionnement hivernal? C'est que l'évolution récente des prix de l'énergie n'est pas de bon augure. Selon le Service public fédéral de l'Economie, le prix du gaz pour les ménages, en hausse quasiment continue depuis janvier, s'est encore un peu plus emballé en septembre dernier. Pour le chauffage au mazout, le constat n'est guère plus réjouissant: ces douze derniers mois, le prix du gasoil s'est renchéri de près de 30%.

 

© Olivia Droeshaut/Reporters

Des prix à la hausse

Traditionnellement, ce type d'évolution frappe en premier lieu les personnes au pouvoir d'achat faible. Chez les ménages les plus précarisés sur le plan financier, la note globale d'eau et d'énergie peut grimper jusqu'à 15% des dépenses. Pour ceux-là, ce sont des besoins aussi vitaux que le chauffage et l'alimentation qui sont menacés. Au CPAS de Namur, on rappelle que les modes de tarification pratiqués chez nous – dégressifs – leurs sont globalement défavorables: acheter du mazout à coups de 500 litres revient plus cher, au litre, qu'un achat global de 2000 litres “ristournés”. Quant au recours au chauffage d'appoint (chaufferette électrique, pétrole lampant), si souvent appelé à la rescousse quand la cuve et le portefeuille sont vides, il fait littéralement exploser la facture en fin d'année et/ou fait courir de sérieux risques aux occupants.

Plusieurs ministres eux-mêmes l'ont publiquement reconnu: la libéralisation du marché de l'énergie, intervenue en 2007, est un échec. Les monopoles se détricotent puis ont tendance à se reformer. De ce fait, le consommateur belge ne sort que très modestement gagnant d'une concurrence encore balbutiante. Mais les plus défavorisés, eux, sont frappés au premier chef. Ne fût-ce que parce qu'ils occupent souvent les logements les plus énergivores. Plus que les consommateurs avertis et instruits, ils sont les victimes toutes désignées des facettes les moins reluisantes du marché de l'énergie libéralisé: multiplication des acteurs (fournisseurs, gestionnaires de réseau, Elia, etc.), diversité de l'offre de contrats (1, 2 ou 3 ans), flou artistique dans le calcul des factures intermédiaires, illisibilité des décomptes annuels, multiplication des offres promotionnelles parfois fallacieuses (un domaine en or pour les démarcheurs), difficultés kafkaïennes pour entrer en contact avec les centrales d'appel de certains fournisseurs, etc. Or une simple dépense imprévue, un simple incident peuvent suffire, surtout en Wallonie, à faire basculer un ménage fragile vers la coupure de gaz et/ou d'électricité.

 

Le compteur à budget,
un échec

Selon Ores (1), l'année 2010 se clôturera par environ 80.000 demandes d'installation de compteurs à budgets en Wallonnie (gaz et électricité), soit 22.000 de plus qu'en 2008! Au Réseau wallon pour l'accès durable à l'énergie (Rwade), on affine le constat: “Depuis l'entrée en vigueur du compteur à budget, il n'y jamais eu autant de coupures de gaz et d'électricité”, s'inquiète Thibaud De Menten. A l'Union des villes et communes (UVCW), on réclame l'abolition pure et simple du compteur à budget pour le gaz: trop cher, trop peu pédagogique (contrairement à ce qui est souvent affirmé) et trop orienté à l'avantage des fournisseurs.

Certes, pour répondre à la précarité énergétique, il existe de nombreux outils dispensant des aides ciblées sur les bas revenus (Fonds Mebar, FRCE, tuteurs énergie, etc.). Quant aux guidances sociales énergétiques, elles viennent d'être reconduites par la Région wallonne. Mais cela ne suffit pas, particulièrement pour les locataires. Car le parc de logements, en Belgique, est particulièrement vétuste. Le bricolage et les petits gestes d'économie d'énergie ne répondent que timidement aux problèmes de fond. “La libéralisation a fait retomber tous les problèmes sur les épaules des CPAS, analyse Isabelle Goyens, coordinatrice de la cellule énergie au CPAS de Namur. Ce qui manque cruellement, ce sont des moyens humains. Solutionner un problème avec la centrale d'appel d'un fournisseur (où notre interlocuteur change à chaque contact) peut prendre cinq mois à un travailleur social! Pendant ce temps, des familles avec enfants peuvent passer l'hiver à 14 degrés. Ce ressenti, cette approche globale de la réalité de certains ménages, l'analyse des factures mensuelles ne les raconte pas: il faut du temps, mais aussi de la confiance. Tout le monde ne laisse pas entrer facilement un assistant social dans son logement pour y détecter les lacunes énergétiques…”

Une question de dignité, sans doute. Mais le fond du problème porte aussi sur les droits. Beaucoup de travailleurs sociaux, en Wallonie, envient le système bruxellois. Où toute décision de coupure est soumise à la décision préalable du Juge de paix et où le fournisseur est contraint d'établir un plan de paiement pour le “mauvais” payeur. Une politique sensiblement plus sociale. Au Rwade, on signale que, curieusement, les arriérés de loyers dans le logement social sont (à revenus équivalents) moins importants à Bruxelles qu'en Wallonie, où les compteurs à budget sont couramment installés (2). De quoi aggraver, peut-être, les difficultés financières des sociétés de logement… Une piste à creuser?

// Philippe Lamotte

 

(1) Ores est l’opérateur chargé de l’exploitation des réseaux de distribution d’électricité et de gaz naturel d'environ 200 communes en Wallonnie.

(2) Le taux d'échec dans les compteurs à budget au gaz avoisinerait 80 % selon l'UVCW.


Réagir à cet article

Retour à l'index

"Consommation"

haut de page