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Consommation (6 octobre 2011)

Cet électroménager qui nous ressemble

Neuf appareils électrodomestiques – dont cinq électroménagers et quatre appareils d’information et de communication – voilà en moyenne les machines qui entourent tout ménage belge. Frigo, lave-linge et micro-ondes comptent parmi les incontournables de l’habitat. A leur suite, s’ajoutent le congélateur, la cuisinière électrique, le sèche-linge, le lave-vaisselle… et toute une série de petits appareils du style aspirateur, robot, four à pain. Une moyenne de 13 petites machines pour nos voisins français. Les ‘tâches’ ménagères rivalisent avec la technicité du garagiste.

Parmi eux, la Nespresso.

Un cas d’école indique Anne Eveillard, auteure du livre “Ces machines qui parlent de nous”. Au regard des instituts de commerce, en tout cas, le petit électro pour faire du café serait un modèle du genre : en termes de marketing, de rentabilité mais aussi de design industriel. Si les capsules effrayaient au début – milieu des années ’80 –, elles sont devenues un véritable phénomène de société, rendues attractives voire indispensables – même dans les cuisines des non-buveurs de café. Comme le signale une grande observatrice du domaine, créatrice du blog “electromeninges.fr”, “dès que je parle de Nespresso, le blog enregistre des pics de fréquentation”.  Ce succès est envié par la concurrence qui tente de manger des parts de marchés en fournissant d’autres capsules compatibles ou d’autres appareillages similaires. L’effet de marque reste pourtant entier. Nespresso a des accents de club sélect – les acheteurs sont invités à y adhérer. Nespresso tente de construire un “entre nous” sur lequel se bâtit la réputation du produit, se consolide l’adhésion du consommateur. Esthétique à l’appui. 

Robot, mon beau robot!

Le design est passé par là. Il n’a pas manqué de (re)toucher l’électroménager. Ainsi le réfrigérateur s’est vu “réanimé”, comme l’exprime le sociologue français Michel Maffesoli. “On a décidé de rendre plus belle la casserole. Les éléments ont gardé leur fonctionnalité mais, en plus on les a habillés”.  Paré d’un véritable costume de scène – certaines marques proposent des frigos colorés – ou repeint de post-it tel un tableau personnalisé, le réfrigérateur s’expose dans la cuisine. Et “la cuisine copie le salon”, n’hésite pas à écrire Anne Eveillard. La cuisine sort de sa relégation dans les dépendances pour faire office de lieu de vie, voire de lieu de réception. A la faveur de davantage d’électronique et de miniaturisation, les objets s’intègrent, s’emboîtent, voire disparaissent. Tandis que le ludique s’en mêle. Sinon, comment expliquer le succès du frigo dit “américain”, ce géant aux “mensurations d’athlètes” qui fabrique des glaçons? 

 

Joli et engagé

Autre tendance commune aux électroménagers, ils se perfectionnent. L’aspirateur se libère des sacs voire de son fil. Il se fait moins bruyant. Le lave-linge permet un démarrage différé. Le four s’auto-nettoie. Le frigo signale quand sa tolérance au réchauffement est dépassée. Il multiplie les compartiments spécifiques aux types d’aliments… Il intègre même parfois une nouvelle fonction “vacances” (température de 14 à 16°C). La chasse à la surconsommation électrique donne le ton de certains aménagements. Car l’étiquette énergie de A+ ou A++ compte parmi les critères décisifs d’achat d’un frigo, de même que pour le lave-linge. La sensibilité croissante du consommateur à ces aspects inspire les designers. L’heure serait au “design éthiquement engagé”, comme l’indique Anne Eveillard. Elle cite le cuiseur solaire concocté par un ingénieur, “designer militant”, le projet d’utiliser la chaleur du four pour chauffer l’eau du lave-vaisselle ou encore l’Ekokook (1), une cuisine expérimentale proposée par des designers nantais convaincus que “l’électroménager de demain sera centré sur des appareils qui permettront de transformer les déchets en matière”.

 

Comme un révélateur

Aux côtés des designers et des ingénieurs, d’autres spécialistes se penchent sur le berceau de l’électro, à lire Anne Eveillard. Leur profil peut surprendre: psychologue, sociologue, anthropologue…  L’usage de l’électroménagers peut en dire long sur notre société. Notamment en ce qui concerne les rapports hommes/femmes. La machine à laver a participé de la libération de la femme, la “délivrant” d’une des tâches ménagères les plus exigeantes en temps. Même si la machine reste marquée par “un poids historique de féminité”, comme l’analyse le sociologue Jean-Claude Kaufmann. Hommes et femmes n’en ont pas le même usage. “Les femmes sont préventives et nettoient avant que cela soit trop sale. Tandis que les hommes sont curatifs: ils lavent quand ils voient que c’est sale”, indique par exemple le sociologue Daniel Welzer-Lang. Quant au succès des petits électro tels le gaufrier, le piston, le mixeur… il révèle l’attrait pour le “fait maison”. Cuisiner flirterait avec l’expression créative, avec la valorisation de soi, deviendrait loisir. Les messages de santé ne sont pas non plus étrangers au choix des petits électro. Comme des accessoires obligatoires pour “manger cinq fruits et légumes par jour”, pour manger “moins gras, moins sucré, moins salé”. Les robots ménagers se proposent de nous y aider. Les fabricants s’entourent des points de vue de ces psychologues et autres observateurs de nos modes de vies, de nos rituels pour orienter leur développement, pour adapter leurs techniques de commercialisation. Car de l’utilitaire au sens strict, les machines auraient acquis un autre statut. Nous entretiendrions une relation de partenaire avec l’outil. James Dyson, créateur des aspirateurs du même nom, en est convaincu: “On appréhende certains appareils électroménagers comme de vrais compagnons. On les veut parfaits, on leur parle, on les gronde quand ça ne va pas et on les félicite quand ils font leur job”. Ne dit-on pas d’une machine qu’elle nous lâche quand elle tombe en panne?  

 

La science-fiction
dans les cuisines

De là à ce que l’électroménager fasse plus que nous faciliter les tâches, qu’il nous remplace carrément… il y a encore une marge. La domotique – système de connexion des équipements et de commande à partir d’un ordinateur central – génère des angoisses. “Voir sa maison fonctionner toute seule, sans le facteur humain a de quoi en effrayer plus d’un”. Quelques images du film Mon oncle de Jacques Tati (1958) ne manquent pas d’apparaître à nos esprits: la maison futuriste où la fontaine ne s’allume jamais quand il faut, où l’équipement de la cuisine semble pris de folie… De l’avis d’Anne Eveillard, l’appareil électroménager rime avec aide et soutien, mais lorsqu’on parle de domotique, ces sentiments se muent en assistanat, et le scepticisme ou le rejet se marquent davantage. La journaliste termine son ouvrage consacré aux appareils électroménagers et à nos rapports avec “ces choses”, par une réflexion sur le temps. Le Hi-Tech s’évertue à nous en faire gagner, mais d’aucuns pensent que le vrai luxe serait de le prendre. “Prendre le temps d’éplucher les légumes, de passer son café, de laver son linge délicat à la main, de faire la vaisselle…”.

// Catherine Daloze  

(1) www.ekokook.com/ 

 

>> “Ces machines qui parlent de nous” Anne Eveillard éd. Les quatre chemins 2011 20 EUR.

Quelle relation entretenons-nous avec notre lave-linge, notre four, notre réfrigérateur ou encore notre machine à café?

Pourquoi sont-ils bien souvent le miroir de ce que nous sommes? Pourquoi les aimons-nous? Quand les détestons-nous? Pourrions-nous vivre sans eux?

Autant de questions auxquelles ce livre-enquête tente de répondre en donnant la parole à une pléiade d’experts. 

Appareillage et gaspillage

“Les performances technologiques, et l’efficacité énergétique en particulier, se sont fortement améliorées au cours de ces 20 dernières années, constate le Crioc(1). Néanmoins, l’augmentation de l’équipement et des utilisations des appareils électriques ‘compense’ ces progrès et engendre une augmentation de la consommation d’électricité. Il faut sensibiliser les consommateurs pour éviter cet effet ‘rebond’ et leur apprendre à mieux utiliser les appareils”. Avis aux acheteurs potentiels, mais aussi aux fabricants. L’association de consommateurs demande des normes plus strictes pour accroître l’efficacité énergétique des appareils, notamment avec l’éradication des système de veille. Elle rappelle la loi: tout bien de consommation vendu doit être assorti d'une garantie de deux ans (un an pour les biens d'occasion). Il s’agit que ce minimum soit appliqué.

Surtout, elle met en avant les difficultés grandissantes de réparation. Assurément le cycle de vie d’un appareil se voit raccourci, à la faveur de l’achat de neuf. La sophistication des produits actuels rend souvent les produits plus délicats et plus sensibles. “La tendance au renouvellement rapide des produits n'est pas étrangère à leur obsolescence, analyse l’association. Certains n'hésitent pas à parler d'obsolescence programmée de manière à inciter le consommateur à racheter le produit. Par ce procédé, les fabricants conçoivent des objets dont la durée de vie commerciale (mais pas nécessairement la durée de vie technique) est délibérément courte. Ce stratagème oblige les consommateurs à remplacer rapidement leurs produits, et donc, à acheter de la nouvelle marchandise. Dans certains cas, les fabricants ajoutent sciemment des défauts de conception à leurs produits”.

Différentes formes d’obsolescence programmée sont constatées. Une pièce du produit ne fonctionne plus et l'appareil est irréparable (obsolescence par péremption). Les produits associés nécessaires au fonctionnement ne sont plus disponibles sur le marché (obsolescence indirecte). Les versions antérieures ne sont pas compatibles (obsolescence par incompatibilité). La mode entraîne à considérer subjectivement un produit comme dépassé (obsolescence esthétique).

Petit rappel, alors, en bout de courses et conseil d’usage: “à partir du moment où le ménage a décidé de se défaire de son électroménager, la meilleure solution est d’en faire don aux entreprises d’économie sociale de type Entreprise de formation par le travail (EFT), indique Ecoconso. Certaines EFT sont spécialisées dans la récupération, la réparation et la vente des appareils d’occasion”(2). A bon entendeur.

//CD

(1) www.crioc.be

(2) www.ecoconso.be


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