Consommation
(20 septembre 2007)
Bois de
chauffage et solidarité
Samedi, 8
heures, quelques courageux embarquent dans les camions, aux portes du site
d’économie sociale de Monceau Fontaines. A leurs pieds et dans les bennes,
les tronçonneuses et autres matériels d’abattage. Direction, le bois pour
une matinée de coupe, de débardage et de façonnage de stères. Ces activités
sont légion pour l’asbl Cent Arbres Sans Toit.

Les
élagages et abattages dangereux:
des
rentrées financières non négligeables pour l’asbl.
250 stères de bois sont récoltés
en moyenne chaque année. A un rythme de deux stères par activité. Le bois de
chauffage ainsi préparé est stocké; une fois séché, il sera destiné
principalement à l’approvisionnement de personnes en difficulté. C’est en
effet l’objectif premier de l’association: “répondre activement et
concrètement à la difficulté de personnes sans ressources pour se chauffer”.
Certes le bois est parfois vendu à des particuliers. Mais toujours les
“bénéficiaires” seront prioritaires par rapport aux “clients”.
En
échange
d’un
coup de main
L’idée émerge lors de l’hiver
99-00. Jean-Paul Trigalet, sylviculteur et travailleur social, décide
d’allier ses deux expériences professionnelles pour créer “Cent Arbres Sans
Toit”, CAST en abrégé. D’entrée, il conçoit son projet dans une perspective
“interactive”, une forme de donnant-donnant. Le bois sera livré aux
personnes en difficulté en échange d’un coup de main. Au minimum, ceux à qui
le bois est destiné, chargent et déchargent la camionnette. Les bûches sont
refendues, refaçonnées en fonction des besoins. Et tous s’y attèlent,
livreurs comme destinataires. “Plutôt que de le considérer comme inapte,
faible et fragile, devant être assisté dans chaque geste, nous préférons
mettre le candidat à contribution, tant au bois que dans le fonctionnement
de l’association”, explique Jean-Paul Trigalet. “L’espoir n’est pas utopie.
Il est au contraire bien réel de croire à ce que l’on fait soi-même, petit à
petit, de jour en jour, pour s’en sortir plutôt que d’attendre une
hypothétique amélioration providentielle de sa condition de vie”.
Il est ainsi possible d’aller
plus loin qu’une participation à la livraison du bois, de s’impliquer
davantage. Les volontaires sont bienvenus. Pas besoin d’être élagueur,
sylviculteur ou spécialiste des biotopes forestiers; les “petites mains” pas
trop gauches et vaillantes viendront compléter l’équipe de pros, qui, elle,
forte de ses compétences, manie avec prudence les engins ad hoc. Plus avant
encore, certains entameront un parcours d’insertion au départ de
l’association. L’asbl a, en effet, mis sur pied des “Cellules d’Insertion
Citoyenne et/ou Professionnelle (CICiP)”. Formation professionnelle dans les
métiers du bois et participation citoyenne passent par l’action dans les
coupes en forêt.
Des
chantiers pour financer
CAST fait en quelque sorte office
de projet-pilote. Jusqu’à présent, l’expérience semble unique en son genre.
Si l’association n’est pas la seule à mener des opérations de ramassage,
d’achat et de stockage de bois, de formation au métier de bucherons –
certains CPAS par exemple se sont engagés dans l’une ou l’autre de ces
actions – elle a la particularité de les articuler et d’aller au-delà.
“Grâce à l’acquisition d’un numéro de TVA, nous effectuons des travaux liés
à la gestion sylvicole, à l’entretien des espaces boisés, à la vente de bois
de chauffage, aux élagages et abattages dangereux, poursuit Jean-Paul
Trigalet. Nous pouvons, par ce biais, financer nos frais de gestion et de
matériel ainsi que l’achat éventuel de bois sur pieds, destinés à nos
bénéficiaires”. Elévateur, déssoucheuse et chargeur articulé à l’appui,
l’équipe encadrante réalise divers travaux forestiers dans un esprit de
respect de l’environnement. L’équilibre écologique de la forêt est une
préoccupation de tous les instants pour ces spécialistes du bois qui
veilleront notamment à replanter après l’abattage, à informer les
bénéficiaires sur le ressourcement de la forêt. Halte aux amateurs de
solutions faciles et gratuites qui prendraient le parti d’aller se servir en
forêt, ou de se chauffer n’importe comment, avec n’importe quoi!
Des
demandes de dépannage
Le site d’économie sociale de
Monceau-Fontaines a été le premier siège d’exploitation de CAST. Depuis, les
activités se sont étendues à Lobbes et, plus récemment, Strépy-Bracquegnies,
avec également un espace de stockage à Biercée. Si les CPAS ou le réseau
associatif des régions concernées comptent l’apport de CAST parmi les
solutions éventuelles, c’est surtout le bouche à oreille qui amène les
demandes. Les appels se font souvent dans l’urgence, lorsque l’hiver a
sonné! Mais point positif en ce qui concerne les personnes en difficulté: le
recours à l’intervention de CAST relève surtout du dépannage. 80% des
bénéficiaires trouvent une solution durable en dehors de l’asbl pour se
chauffer l’hiver suivant…
Catherine
Daloze
CAST,
siège social:
rue de Sartiau, 161 à 6533
Biercée. Tél.: 071/59.16.66.
 |
A
CAST,
on
fait le pari que le meilleur qui puisse servir l’homme est l’homme
lui-même |
Sur le site de
la réserve naturelle de Thieu |
 |
Sur
le terrain d’une réserve naturelle
|
Tout récemment Cent
Arbres Sans Toit (CAST) a entamé un chantier particulier. Au
programme: une opération de l’asbl sur le site de la réserve naturelle
de Thieu (Hainaut), classée Natura 2000. A l’instigation de
l’association de protection de la nature, Natagora (1), l’équipe est
au travail pendant quelques semaines sur ce site. Il s’agit d’abattre
une série d’arbres, de permettre dès lors la pause d’une clôture pour
gérer le site en pâturage extensif et assurer le développement de la
biodiversité. Le groupe de bénévoles gestionnaires de ces quelque 30
hectares a choisi d’allier action sylvicole professionnelle et action
sociale. Le bois récolté après l’abattage sera destiné aux
bénéficiaires de CAST. Les travaux avancent bien sous le regard
attentif du conservateur de la réserve, Armando Marchi.
Ce type de partenariats
“biodiversité-économie sociale” a tendance à se développer et suscite
l’intérêt. Ainsi, une recherche-action est en cours actuellement à
propos de ces combinaisons. Soutenue par le service public de
programmation Intégration sociale, elle est menée par l’Institut
d’Eco-Conseil, en partenariat avec Natagora. L’enjeu réside dans la
rencontre des différents acteurs autour de la question du potentiel
d’emploi d’une filière de gestion durable des milieux naturels (2).
(1) Natagora est le
fruit du rapprochement entre deux associations: Aves et Réserves
naturelles RNOB. Natagora, rue du Wisconsin 3 à 5000 Namur – Tél.:
081/83.05.70 --- Site:
www.natagora.be
(2) Plus d’infos sur le
site www.eco-conseil.be
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Et l’équipement?
Outre la fourniture en bois,
Cent Arbres Sans Toit se préoccupe également de la sécurité qui entoure ce
mode de chauffage. A la livraison aux bénéficiaires, l’association propose
un ramonage; il arrive également qu’elle place un poêle. Et l’équipe n’est
pas avare de conseils.
Par ailleurs, tous les
candidats ne possèdent pas l’équipement ad hoc. Ainsi, CAST leur propose de
s’inscrire dans le plan MEBAR, cette aide à l'investissement en matière
d’énergie pour les ménages à revenu modeste (1). Si le plan wallon est vaste
et couvre des travaux d’isolation, de menuiserie, d’équipement en chauffage
central…, avec CAST, il s’agit uniquement de l’équipement en poêle à bois.
Dans l’attente de leur installation, l’association procure des poêles à bois
suivant une convention de prêt. Et ce, pour un an. Pour autant que la
demande soit au préalable approuvée par le CPAS.
Plus
d’infos sur le site:
http://energie.wallonie.be/)
Le bois
comme source de chauffage
"Le gaz carbonique émis lorsque le
bois brûle correspond à celui que l’arbre a prélevé dans l’atmosphère durant
sa croissance”. Ainsi la balance en carbone engendrée par la filière
bois-énergie est qualifiée de neutre. Il n’y a pas d’émission de CO2
additionnel. Comme le signale un dossier sur le sujet réalisé pour le compte
de la Région wallonne, “le bois est considéré comme un combustible
durable. Du moins il l’est si la forêt est également gérée de façon durable
et responsable. Il ne faut pas prélever plus de bois qu’elle ne pourrait
produire”.
Ceci explique sans doute en
partie la remarque de Jean-Paul Trigalet, de l’association Cent Arbres Sans
Toit, à propos du bois de chauffage. Pour le sylviculteur, le bois de
chauffage est plutôt un mode de substitution ou un mode complémentaire, les
ressources étant limitées. Mais, énergie du terroir, le bois présente
l’avantage pour le projet de CAST de bénéficier d’une haute valeur en main
d’œuvre qui peut être prise en charge par les bénéficiaires eux-mêmes
collectivement.
Infos:
“La filière bois-énergie”, dossier réalisé par l’asbl Valbiom,
décembre 2004. Téléchargeable sur le site:
http://energie.wallonie.be/
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