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Consommation (5 juillet 2012)

Dans la jungle des labels

Pour un nombre croissant de consommateurs, acheter “éthique” permet de promouvoir un monde plus équitable, plus solidaire, plus respectueux de l’environnement. Mais comment viser juste? Car les labels, censés baliser cette consommation plus réfléchie, ne cessent de se multiplier, de ratisser toujours plus large et de brouiller les cartes. Comment s’y retrouver?

On les connaissait apposés sur le bois, le thé, le café, les fruits et légumes, les chocolats… Mais voilà que les labels envahissent littéralement d’autres secteurs: aliments pro-biotiques, vêtements, matériaux de construction, carburants, gîtes touristiques et jusqu’aux paratonnerres… Stop, n’en jetez plus! Où donner de la tête? Comment faire pour consommer vraiment “éthique”? Comment s’y prendre pour soutenir, par ses achats, un commerce plus équitable, plus respectueux des conditions de travail des producteurs et des petits paysans, des droits syndicaux, de l’environnement, etc.? Comment faire la part des choses, dans cette inflation de labels, entre les arguments purement commerciaux et les efforts réellement fournis par les producteurs et les distributeurs pour faire “avancer le monde”?

Chez Cap Conseil, un bureau de consultance spécialisé dans le développement durable, on observe tout d’abord que certains produits collectionnent littéralement les labels. Principaux concernés: les thés, cafés, chocolats… “Un peu comme les scouts qui arborent fièrement les écussons sur leur uniforme, observe Serge De Backer, le fondateur et gérant. A un moment, il y en a tant qu’on ne sait plus où porter le regard”. Perplexe devant tant de mentions d’excellence (jusqu’à cinq labels sur l’emballage !), le consommateur finit par se dire : “Même si c’est plutôt du bidon, il doit bien y en avoir au moins un de fiable dans la masse”.

L'abondance tue

En ajoutant ses propres labels “maisons” à ceux des fabricants, la grande distribution contribuerait à jeter le trouble(1). “Trop de labels tue les labels”, prévient Vincent Carbonnelle, consultant chez Cap Conseil. Et de rappeler qu’un label n’a d’autre objet que de distinguer un produit dans une masse de produits plus ou moins semblables. Or si, au nom de la concurrence, chacun y va d’une surenchère de cocoricos sur son propre produit, le consommateur finit par s’y perdre et à ne plus accorder de crédit à l’ensemble des labels.

D’autant qu’un autre phénomène intervient: l’indifférenciation des labels. En effet, ces dernières années, de nombreux cahiers des charges – les critères qui doivent être respectés par le fabricant pour bénéficier du label – ont été revus. Et parfois à la hâte... On a ainsi vu des labels environnementaux devenir plus “sociaux” en moins de six mois, un peu miraculeusement et, inversement, des labels traditionnellement branchés sur les droits des paysans du Sud se muer, soudain, en labels plus écologiques. Des exemples? Max Havelaar, bien connu pour sa promotion des droits des paysans du Sud s’est également intéressé à l’absence de produits phytopharmaceutiques (pesticides) dans “ses” produits. Rainforest Alliance, un label nettement environnemental au départ, s’est penché plus récemment sur le sort des producteurs de biens alimentaires, devenant ainsi un label plus “social”. Mais alors, si chacun fait “un peu de tout”, qui fait encore quelque chose d’original, de spécifique, de vraiment volontariste?

Bisbrouilles

Troisième évolution notoire: “la labellisation est devenue un marché en soi”, constate Jean-François Rixen, secrétaire général d’Ecoconso, une association spécialisée dans la consommation environnementale. “On oublie parfois qu’un fabricant qui veut faire labelliser son produit doit débourser des montants parfois importants”. De tels investissements doivent être rentabilisés. Résultat : dans certains secteurs, une véritable guerre des labels fait rage. C’est le cas, par exemple, des labels apposés sur les produits de la forêt (bois, papier): FSC et PEFC. La même guéguerre sévit dans le secteur des produits de peinture, d’entretien et, parfois, déborde sur d'autres manifestations. Ainsi, l'élaboration du programme de la “semaine du commerce équitable” a déjà donné lieu à des tensions entre acteurs “historiques” du mouvement et d’autres intervenants plus récents, sur fond de pénétration de ces produits dans la grande distribution. Parmi les questions débattues : qui peut légitimement participer à cette semaine thématique? Qui a vendu son âme au grand capital ? Qui a trahi les idéaux du début? Qui s’est adapté à la mondialisation? Etc.

Si, au moins, les labels publics et privés étaient dissociables en bons et mauvais labels ! Ou inversement… Mais les experts en conviennent: une telle frontière n’a aucun sens. Il est tout aussi vain d’espérer voir, un jour, une sorte de super-label émerger du lot, reprenant en quelque sorte les produits miracles respectueux à la fois des horaires de travail, des droits syndicaux, de la contribution à une économie plus juste, de l’empreinte écologique, etc. Bref, de tout ce qui fait qu’un produit serait “propre” dans tous les sens du terme. Pourquoi? Parce que le marché est trop fluctuant, les lois évoluent très vite, la concurrence fait rage… Qui se souvient, par exemple, du “label social”, lancé il y a près de dix ans par les autorités belges à grands renforts de publicité? Celui- ci était censé “garantir sur toute la ligne une production conforme à la dignité humaine”? En dix ans, six entreprises à peine s’en sont emparées.

// PHILIPPE LAMOTTE

(1) Quelques exemples : Collibri pour Colruyt ; Contrôle et origine pour Delhaize ; Solidair pour Carrefour ; Fairglobe pour Lidl ; etc.

Des pistes pour y voir plus clair

Malgré la confusion autour des labels, acheter éthique reste possible. Mais s’il veut vraiment faire œuvre utile, le consommateur ne peut être abandonné à son sort. Les pouvoirs publics, les organisations non gouvernementales (ONG) et la grande distribution doivent lui venir en aide.

Ne rêvons pas. Le produit “propre” idéal, même s’il existait, ne pourrait résumer toutes ses qualités sur un simple pictogramme. Ni même sur un large emballage qui, à force de détails techniques, serait impossible à déchiffrer pour le commun des mortels. Il faut donc faire confiance à d’autres. A qui? En fait, à une armée d’auditeurs et de certificateurs qui, avec plus ou moins de zèle et de régularité, descendent sur le terrain, épluchent les comptes et registres des fabricants, interrogent patrons, employés, ouvriers et artisans sur les conditions de travail. Sans oublier le monde – parfois opaque – des sous-traitants.

Au terme de leur travail, le label est – ou n’est pas – attribué. La balle des labels fiables est donc, en tout premier lieu, dans le camp des pouvoirs publics. Car ce sont eux qui veillent aux conditions d’agrément des certificateurs et auditeurs, selon les normes ISO, organisme international de normalisation. La plupart sont peu connus du grand public : Ecocert, Flo, SGS, Blik… “Grâce à l’organisme public Belac, qui supervise le système, cela fonctionne globalement assez bien chez nous, assure Vincent Carbonnelle, consultant chez Cap Conseil. Mais on n’est jamais à l’abri d’un auditeur qui, occupé à contrôler les conditions d’attribution d’un label sur une plantation africaine de cent hectares, passerait à côté des trois hectares où des enfants seraient illégalement mis au travail…

Les associations sur le pont

A l’impossible, nul n’est donc tenu. C’est pourquoi l’expert insiste sur le rôle incontournable des ONG. Qui, inlassablement, mettent sur la sellette le travail des certificateurs. Que n’a-t-on pas entendu, par exemple, les ONG environnementales – Greenpeace en tête – critiquer les conditions d’attribution du label FSC (produits de la forêt) dans certains pays africains! Ou la même organisation s’étonner de ce qu’Unilever, géant de l’agroalimentaire, annonce le passage très rapide (quelques années à peine) de toute son huile de palme sous le label RSPO, censé éviter que la culture des palmiers se fasse au prix d’une déforestation forcenée. Un changement trop rapide pour être crédible? On a vu, également, des géants américains de la banane labelliser l’entièreté de leur production avec le label “écologique” Rainforest Alliance, alors qu’en fait l’essentiel de “leur” production de fruits se faisait chez des sous-traitants, nettement moins regardant sur les droits des petits cultivateurs.

Le rôle des ONG qui connaissent bien le terrain est donc fondamental. Parfois, les pouvoirs publics eux-mêmes jouent ce rôle de vigilance et de suspicion systématiques. “Dès lors qu’une pratique frauduleuse ou simplement un peu légère est mise à jour, risquant de compromette l’image d’une multinationale, celle-ci se montre souvent capable d’investir des moyens considérables pour réagir. Elle fait mieux correspondre son produit, alors, aux exigences des labels qui, par ailleurs s’avèrent de plus en plus exigeants”, explique Vincent Carbonnelle. Bon à rappeler, aussi : certains processus de labellisations, à l’initiative de leurs promoteurs (par exemple des fabricants), n’hésitent pas à associer la société civile à la rédaction de leur cahier des charges : une pratique saine et transparente, gage de sérieux du label qui suivra.

Flous artistiques

Autre acteur fondamental : la distribution. “On trouve encore tout et n’importe quoi dans les labels présents en grandes surfaces, regrette Vincent Carbonnelle. Celles-ci devraient mieux faire le tri, rendant ainsi service à leurs clients”. Reste, enfin, le consommateur dont le sens critique doit rester aiguisé en permanence. La légèreté ou, à tout le moins, la confusion créée par certains labels ne devrait idéalement plus faire de mystère pour lui. Ainsi, le petit “point vert” de Fost Plus ne signifie rien d’autre que le versement d’une cotisation, par le fabricant, à un système de collecte et de traitement des emballages, pas le recyclage assuré du produit dans une filière durable. Par ailleurs, quantité de labels “bio”, si scrupuleux soient-ils sur l’absence de pesticides, se fichent éperdument d’utiliser des emballages non recyclables ou non réutilisables.

Ce genre d’ambiguïtés est régulièrement dénoncé par les ONG. Elles soulignent, parallèlement, que des producteurs parfaitement irréprochables sur le plan éthique et environnemental refusent d’intégrer la logique des labels pour des questions de coûts et/ou parce qu’ils estiment aller plus loin que les critères des labels, privés ou publics. C’est le cas d’Ecover, par exemple, l’un des pionniers des produits d’entretien écologiques. Ou de viticulteurs officieusement bio qui ne peuvent se permettre d'acquérir un label officiel, en raison des coûts. Enfin, mieux vaut garder à l’esprit, rappelle-t-on chez Cap Conseil, que les labels reproduisent et entretiennent bien souvent la logique consumériste, plus qu’ils n’insistent sur l’indispensable frugalité de nos modes de consommation…

// PHL

>> Pour en savoir plus

  • Le site www.infolabel.be : incontournable pour juger, notamment, de l’indépendance et du contrôle des labels.

  • Les brochures sur les labels de l’Agence belge de développement (CTB) : 02/505.37.74 - www.befair.be

  • La brochure “Les étiquettes sans prise de tête!” Ecoconso : 081/73.07.30 - www.ecoconso.be


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