Bouger
(16 octobre 2008)
Jouer au foot
en écoutant le ballon
Ils ne voient pas et
s’ils y voient un peu, on leur met un bandeau sur les yeux. En revanche, ils
font un bruit fou et se déplacent comme des bolides. L’objectif est de jouer
au foot entre jeunes aveugles ou malvoyants. D’où le bandeau sur les yeux
pour certains. Du coup, les équipes peuvent intégrer des joueurs qui n’ont
aucune déficience visuelle. Une expérience plus qu’étonnante.
Le joueur en blanc est
voyant, il regarde vers le sol comme s’il cherchait le ballon. Les deux
joueurs en bleu sont aveugles et, tête en l’air, écoutent d’où vient le
bruit de la balle.
Le
bruit vient non seulement des manifestations de plaisir ou mécontentement
liées au jeu, mais tient surtout au fait que les joueurs doivent annoncer
leurs passes en criant. Enfin, il ne faut pas nécessairement hurler, mais
l’enthousiasme aidant… Le ballon aussi fait du bruit, évidemment, puisque
les joueurs ne le voient pas. L’ emplacement des goals est sonorisé. Un son
qui ressemble un peu à un métronome. Plutôt utile pour savoir si on ne
place pas un but chez l’adversaire! La vitesse de déplacement est
impressionnante. On s’attend à quelques collisions qui d’ailleurs ne
manquent pas de se produire, mais finalement, il n’y a eu qu’une jambe
cassée en 7 ans.
Du football pour jeunes
aveugles ou malvoyants, ce n’est pas une initiative inédite, mais ce n’est
pas non plus l’activité la plus courante à trouver. Ainsi, lorsque Nicole
Bardaxoglou et Hugues Moraine ont assisté un jour à un match de Cecifoot,
ils ont immédiatement compris que cela conviendrait à leur Alex, 18 ans,
grand garçon brillant dans ses études et dans toutes sortes d’activités,
mais dont la cécité de plus en plus importante le tenait éloigné d’un sport
qu’il aurait aimé pratiquer.
Yniaka
Il n’y avait qu’à
trouver un club. Yniaka … Il n’y a qu’à… Les Ynyakistes, Nicole et Hugues
connaissaient, mais un club de foot pour malvoyants, non. Ils n’en ont pas
trouvé à proximité de chez eux. Que font dans ce cas un kiné, et une
professeure d’éducation physique de formation, pleins d’énergie ? Ils en
créent un. Fastoche ? Tout sauf ça. Après une année de contacts avec un club
de Paris, ils étaient toujours au point mort. Premier problème: le coût
exorbitant des ballons. Sauf en Espagne, pays vers lequel ils se sont
embarqués en avion pour en revenir avec une montagne de ballons.
Deuxième chose à régler:
trouver un local couvert. Ils l’ont finalement trouvé gratis à Anderlecht.
Pas tout à fait idéal, mais à proximité d’un métro, ce qui est précieux pour
les joueurs autonomes. Chaque année, il faut réintroduire un dossier à la
commune, mais bon… ça continue à marcher.
Anderlecht, d’ailleurs,
c’est une grande aventure réciproque. Un souhait fou des jeunes de Cécifoot
: pouvoir jouer un jour contre les grands footballeurs du Club d’Anderlecht.
Un rêve qui s’est réalisé après bien des démarches mais qui laissera de
terribles souvenirs autant chez les jeunes malvoyants, fous de joie, que
chez les rois du foot impressionnés par cette expérience d’avoir joué les
yeux bandés. Une rencontre magnifique.
Pourquoi
le foot?
Le football est un peu
le sport-roi. Très populaire. Ce n’est pas parce qu’ils ont une déficience
visuelle que les jeunes n’ont pas envie d’y jouer. Au contraire, peut-être.
Le football est praticable, moyennent les aménagements qui s’imposent. Il
permet bien sûr de lutter contre la sédentarité mais offre aussi une plus
grande confiance aux malvoyants dans leurs déplacements. Et d’y jouer
vraiment, évite aux jeunes sportifs une marginalisation supplémentaire.
D’autant que des personnes voyant convenablement peuvent les rejoindre,
comme l’ont fait les joueurs du Club d’Anderlecht.
A force de démarches,
Cécifoot s’en tire plutôt bien. Une subvention d’un fournisseur d’énergie et
un coup de pouce de CAP48 l’aident financièrement. Le club compte
actuellement une dizaine de jeunes malvoyants en région bruxelloise. Selon
les rares statistiques disponibles, le nombres d’aveugles dans notre pays
est de 1,4/1000 avec 10% d’enfants jusqu’à 18 ans et 25% de 18 à 60 ans. Non
répertoriés dans ces chiffres, les malvoyants sont plus nombreux encore.
Cela signifie que Cécifoot pourrait toucher un nombre bien plus important de
sportifs, pour autant qu’il soit mieux connu et que des relais s’opèrent via
les institutions actives dans le domaine des déficiences visuelles (une
collaboration est en cours avec l’IRSA et l’Etoile Polaire). Par ailleurs,
Cécifoot cherche de nouveaux adversaires et lance un appel pour que d’autres
clubs se créent à Bruxelles et en Wallonie. Nicole et Hugues sont prêts à
aider au démarrage d’un autre club. Alors, qui est preneur?
Monique Vrins
Cécifoot
– rue Th.
Decuyper 38 - 1200 Bruxelles – 02/779.41.58. et 0475/67.4 0.73.
nicole.bardaxoglou@skynet.be
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