Bénévolat
(15 décembre 2011)
Lire
également :
Le
volontariat oui, mais
sous conditions
Volontaire ?
Un don répandu
Doter une année d’une thématique, c’est espérer voir avancer les débats en
la matière. Pour 2011, l’Europe avait choisi le volontariat(1). Sur le
terrain francophone belge, la Plate-forme francophone du volontariat s’est
particulièrement mobilisée, suivant deux guides : d’une part, la
reconnaissance de tous ceux qui donnent gracieusement, aux autres, de leur
temps, de leur énergie, de leur savoir-faire, et d’autre part, la mise en
place des conditions pour faire naître de nouvelles vocations.
|
©
Plate-forme francophone du Volontariat |
Sur le bord d’un terrain de foot,
entre les rayonnages d’une bibliothèque de quartier, sur une échelle pour
accrocher les luminaires de la fête prochaine, en costume de clown avec un
groupe d’enfants, au commande d’un fauteuil roulant ou penché sur
l’ordinateur pour mettre en page une invitation, vérifier des comptes…
voilà des lieux bien divers où celui qui y regarde de plus près
pourra trouver un volontaire. C’est dire s’ils sont nombreux à s’activer
bénévolement, pour autrui, ou à organiser ces actions. La tendance générale
serait à rechercher le sens de nos existences en dehors du travail, là où
nous avons le libre-choix de nous engager, de nous investir.
De cette multitude d’engagements, on peut distinguer quatre profils
classiques du volontariat, précise la Plateforme francophone du volontariat:
l’animation, le service, la militance et la gestion. Cette distinction a
surtout l’avantage de mettre en évidence des volontariats méconnus voire de
ceux qui s’ignorent. Ainsi, demandez à un chef scout, guide ou patro, s’il
pratique le volontariat? A ses yeux, pas vraiment! Pourtant, en imaginant,
chaque week-end ou durant les vacances, des jeux, parcours et aventures…
pour des enfants ou des ados, ces jeunes forment la grande masse des
volontaires d’animation.
Autre apport de la typologie : elle sort de l’ombre les volontaires de
gestion, oubliés du grand public lorsqu’il est question de volontariat.
“Faces cachées de l’iceberg”, les administrateurs, les membres des pouvoirs
organisateurs sont les premiers garants de la réalisation et du
développement de l’objet social et du projet de l’association. Or, la
Belgique compte environ 60.000 asbl actives, chacune dotée d’un conseil
d’administration et d’une assemblée générale. Des volontaires de gestion, il
en faut à la pelle (lire “Des volontaires aux commandes”, ci-dessous).
De la bonne volonté,
pas seulement
Rappelant que l’étymologie du mot “bénévolat” vient du latin et signifie
“bonne volonté”, Donatienne Alexandre, de l’Association pour le volontariat,
interroge : cette bonne volonté suffit-elle encore aujourd’hui alors que le
monde associatif s’est fortement complexifié? “Les associations font de plus
en plus appel à des bénévoles ‘qualifiés et compétents’. Les attentes des
associations à l’égard des volontaires se sont affinées: ils doivent adhérer
au projet, se comporter en professionnel, être compétents, s’intégrer à
l’équipe, et surtout accepter d’être formés.” De quoi désappointer certains,
ne se sentant pas prêts à être parés de tous ces atours ?
Tournons-nous du côté des volontaires. Leurs motivations sont multiples, des
plus altruistes aux plus instrumentales, constate sans jugement de valeur la
sociologue Anne-Marie Dieu. Développer des compétences, être utile, défendre
une cause… les raisons de s’engager évoluent aussi au cours de la vie. Le
défi pour les associations réside dans le fait de maintenir la motivation
des troupes – et rappelons que le plaisir est primordial –, de leur
permettre d’être créatives, tout en assurant la cohérence du projet.
Source d’énergies
Parmi les mutations du secteur associatif, on peut encore citer la réduction
de la durée de l’engagement, en partie due à la variété croissante de
propositions de volontariat.
Certains, comme le président de France Bénévolat, Jean Bastide, vont jusqu’à
parler d’un nomadisme associatif. Les personnes s’engageraient pour une
durée plus limitée ou pour un projet bien précis ; les actions concrètes, la
mobilisation-éclair auraient davantage la cote.
Mais
les enquêtes révèlent aussi qu’un volontaire consacre en moyenne cinq à sept
heures par semaine à son engagement. Un investissement non négligeable, avec
un impact économique certain, créateur d’emploi plutôt que menace.
“La grande majorité des associations sont nées grâce à des initiatives
bénévoles. On peut même parler d’un entreprenariat bénévole”, explique
l’économiste Jacques Defourny. “C’est un secteur souvent à la source
d’innovation sociale pour répondre à de nouveaux besoins. Mais on peut
craindre son instrumentalisation dans une société où tout se monnaie,
commente Frédéric Possemiers, président de la Plate-forme du volontariat.
C’est un des derniers espaces de gratuité et de solidarité dont notre
société a bien besoin.”
// Catherine Daloze
(avec Etienne Mathues)
(1) 2012 sera axée sur le “vieillissement actif et la solidarité entre les
générations”.
Des volontaires aux commandes
Le pouvoir organisateur d’une école, le conseil d’administration d’une ONG,
d’une maison de repos ou d’un hôpital, l’assemblée générale d’une maison de
quartier…
constituent autant d’instances décisionnaires, au cœur de vie des projets.
Sans ces volontaires de l’ombre, pas d’opérationnel. Ils orientent les
activités, arbitrent, évaluent, garantissent les comptes. Leur
interventionnisme fluctue. D’abord en fonction de l’articulation avec les
administrateurs délégués, directeurs et autres responsables de la gestion
journalière.
… dans les écoles
En témoigne Sophie De Kuysshe, directrice du service ‘pouvoirs
organisateurs’ au sein du Segec (1), sur le terrain de l’enseignement
libre : 800 asbl, 1.150 écoles, 10.000 volontaires. “Même s’ils collaborent
avec un directeur qui gère l’établissement au quotidien, les administrateurs
volontaires sont responsables du fonctionnement de l’école. Ils supervisent
les finances, décident de la rénovation ou de l’acquisition des bâtiments,
engagent les directeurs et chapeautent au total 40.000 enseignants et 10.000
ouvriers et employés…”.
… à la Mutualité
Autre exemple, celui de la Mutualité chrétienne. 933 élus participent à
l’une des huit assemblées générales des Mutualités régionales. Et 251 parmi
eux composent les conseils d’administrations. Ces volontaires contribuent à
la démocratie interne de la MC. “Pour participer aux instances de la
Mutualité, il n’est pas nécessaire d’avoir une expérience professionnelle
dans le secteur de la santé ni d’être un intellectuel. Les dossiers sont
très bien préparés et expliqués. Chacun peut poser des questions, donner son
avis et lorsqu’il s’agit de prendre des décisions, le bon sens prime”,
expliquait une administratrice de la Mutualité Saint-Michel au moment des
élections mutualistes en 2010. Un autre membre de l’assemblée générale de la
Mutualité de Namur allait également dans ce sens: “(…) je n’étais pas
nécessairement formé pour lire un rapport d’activités, gérer le personnel,
etc. Heureusement, nous sommes aidés et formés par la Mutualité. Et puis, je
peux apporter un regard naïf sur les problèmes. Parfois, cela permet de
remettre les choses sur des rails nouveaux…”.
Ce n’est pas le jeton de présence qui motive les uns et les autres – car
détrompez-vous, cette forme de rémunération, surtout valable pour des
mandats publics, ne s’applique que très peu dans l’associatif. La motivation
tient surtout de l’envie de faire progresser les choses là où ils
s’engagent.
Dynamique de groupe
Lorsque Georges Dutry, administrateur d’une asbl de conseil aux
organisations, évoque le profil attendu de volontaire de gestion, il
souligne d’abord la nécessaire présence puis l’analyse des informations
livrées et – last but not least – le questionnement et l’intervention dans
les débats. Pas question d’observer en silence. Surtout il met en lumière
l’intérêt des compétences collectives, somme des individus et de leurs
compétences propres. L’un est davantage familier des chiffres, l’autre
connaît bien l’histoire du projet, tandis que le troisième a acquis quelques
ficelles pour mener une réunion efficace. Les uns et les autres se
complètent. Mais attention aux conseils d’administration “technocrates”,
déconnectés de la base ou - a contrario - affectivement trop impliqués.
Beaucoup le disent, il n’est pas facile de “recruter” de nouveaux candidats
au volontariat de gestion. Les seniors et les multi-engagés prédominent. A
ceux qui formulent le vœu de voir “les jeunes s’engager davantage”, Sandro
Cattacin, observateur du bénévolat, répond : “Ne forcez pas, ils y
viendront. C’est une tendance de toujours. De génération en génération…” Du
côté de la Plateforme du volontariat, Frédéric Possemiers insiste:
“L’engagement volontaire des jeunes est fondamental. Le souvenir de ces
expériences est un élément essentiel dans le choix de s’engager comme
adulte”.
//CD
(1) Secrétariat général de l’Enseignement catholique.
|