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Bénévolat (3 février 2011)

 

Les mots s’envolent au travers des barreaux

“En prison, je suis en train de perdre le contact avec la réalité. La correspondance est pour moi le seul moyen de rester en lien avec l’extérieur.”  Privés de liberté, certains se sentent isolés de leurs familles et amis qui leur tournent le dos. Ecrire à des personnes extérieures à leur entourage leur permet de s’évader… par les mots.

Ridha voudrait trouver des correspondants pour “voyager à l’extérieur” et “tuer” son ennui tandis que Richard souhaiterait, avec eux, apporter une autre vision de la prison que celle, caricaturée, diffusée généralement par les médias. Voici quelques appels à correspondance laissés sur des sites internet. Même si on les retrouve sur la toile, les détenus n’ont pas accès directement au réseau et se trouvent coupés du monde.

© Alain Le Bot/Reporters

Pas seulement par manque d’accès à cette technologie mais aussi par l’absence de visites ou de courriers, des liens qui permettent aux personnes enfermées de se projeter à l’extérieur des murs de la prison. Ils lancent alors des appels via des magazines, des journaux… “Je suis ouvert à tous les sujets de discussion et souhaite échanger avec une correspondante pour garder goût à la vie, briser la solitude et recevoir une bouffée d’oxygène à l’intérieur de ces murs gris”,, demande Jean-Claude. D’autres détenus s’adressent à l’extérieur pour s’instruire, suivre une formation… Philippe espère trouver des correspondants qui parlent la langue de Shakespeare afin d’améliorer son anglais. Alors que Stéphane a un rêve : naviguer sur un voilier. Il voudrait obtenir, par courrier, l’aide d’une personne chevronnée qui pourrait le coacher dans l’étude du permis.

Avoir quelqu’un à qui parler à l’extérieur, trouver une oreille attentive est un vrai bol d’air pour certains détenus qui ont peu ou pas de visites ni de courriers. La sœur d’un prisonnier cherchait un correspondant pour son frère: “Il espère trouver un peu d’évasion: une correspondance régulière avec une personne neutre, avec qui il pourrait partager tout ce qu’il a sur le cœur. Car ce n’est pas toujours facile de dire ce qu’on ressent et ce qu’on vit à une personne de sa famille, de peur de la rendre malheureuse.”

En prison, garder des liens avec l’extérieur n’est pas aisé : les appels via les téléphones fixes sont limités, les GSM strictement interdits, et les timbres sont à acheter avec le peu d’argent que le prisonnier possèderait. Quant à la rédaction, tous les détenus ne sont pas en mesure d’écrire une lettre. S’ils sont plusieurs dans la même cellule, ils s’entraident; sinon, un “écrivain” est désigné parmi les détenus plus lettrés. Mais il n’est pas facile d’aller demander à quelqu’un d’autre d’écrire à sa place… La méfiance règne parfois entre codétenus.

 

De l’improvisation, non !

Entretenir une correspondance avec quelqu’un derrière les barreaux ne s’improvise pas. “L’échange démarre à la demande du détenu. Ces courriers exigent un cadre, explique Mio Bodson, visiteuse de prison à Andenne et à Namur. Malheureusement, en Belgique, il n’existe pas d’associations qui encadrent ces échanges.(2) L’idéal est pourtant de trouver une adresse neutre pour le correspondant et de ne pas dévoiler trop d’informations privées comme son numéro de téléphone.” Il ne faut pas pour autant tomber dans l’impersonnel, vider les lettres de tout détail. “L’important est d’installer une relation de confiance entre le détenu et celui qui écrit, continue Mio Bodson. Chaque partie va ainsi évaluer ce qu’elle va dévoiler. Par exemple, demander d’emblée au détenu la raison de son emprisonnement, peut compromettre la relation. C’est une question qui taraude souvent les personnes extérieures. Il faut laisser venir les confidences petit à petit. S’il a envie d’en parler, il se confiera quand le moment lui semble opportun.” Cette correspondance doit s’effectuer dans le respect mutuel de chaque partie. La personne détenue doit être considérée en tant qu’être humain et non en tant que prisonnier. “La personne a déjà été jugée pour ce qu’elle a fait, précise Mio Bodson. La juger à nouveau ne sert à rien et ce n’est pas notre rôle. Il ne faut pas l’enfermer dans son délit.”

 

Lettre d’un monde libre

“On n’écrit pas à quelqu’un en prison pour acheter sa place au paradis, lance la visiteuse en prison. On ne doit pas concevoir cette correspondance comme une relation paternaliste mais plutôt trouver un juste milieu entre l’écoute, le soutien et la compassion… Sans tomber, non plus, dans une empathie démesurée.” Raconter ses vacances, son quotidien… peut parfois, à la lecture, être bénéfique pour le prisonnier. Mio Bodson se souvient d’un détenu qu’elle visitait régulièrement et à qui elle envoyait des cartes postales de ses voyages. Il les avait toutes accrochées au mur. Pour lui, ces paysages lui permettaient d’oublier les murs gris qui l’entourent.

La prison déshumanise les détenus. Leur adresser du courrier leur fait prendre conscience qu’ils sont encore “quelqu’un”, qu’à l’extérieur, on pense à eux et qu’ils ont encore leur place dans la société. En prison, ils se sentent souvent abandonnés et sans avenir. “Ce sont des personnes exclues depuis longtemps, constate Mio Bodson. A l’école, dans leur famille…, généralement, elles avaient le sentiment d’être mises au ban de la société. Et la prison ne fait que confirmer ce sentiment. Ce n’est pas la solution, selon moi, car elle revient à créer une bombe à retardement. Correspondre avec eux, c’est construire un pont entre l’extérieur et le monde carcéral. C’est leur tendre la main et les aider à devenir meilleurs.”

// Virginie Tiberghien

 

Un vide à combler
En Belgique, contrairement à la France, il n’existe pas de service qui gère et encadre cette correspondance. Les échanges se font par des canaux privés. Les demandes paraissent via des petites annonces placées dans les médias. Les réponses à ces appels sont également du ressort de l’initiative privée.

Néanmoins, les services d’aide aux détenus de la Communauté française sont en contact régulier avec le monde carcéral. Ils peuvent aiguiller les détenus et conseiller toutes personnes extérieures.

>> Infos : www.aidedetenus.cfwb.be


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