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Santé - Alimentation (6 juin 2013)

Vent de fraîcheur sur nos assiettes

© Philippe Turpin/Belpress

Achats à la ferme, vente directe, paniers gourmands et solidaires : le circuit court a la cote auprès du consommateur. Plutôt au bénéfice de sa santé.

Plus qu’un slogan commercial, c’est presque une ritournelle : il faut manger local. Pour certains consommateurs, c’est une simple question de plaisir : se fournir chez l’agriculteur ou l’éleveur du coin, loin des rayons aseptisés du supermarché. On papote, on fait connaissance, on découvre ce qui se réalise derrière les murs de la ferme. Pour d’autres, c’est l’achat du “panier” hebdomadaire – bio ou non – déposé à date fixe chez un voisin faisant office de distributeur : au départ, quelques fruits et légumes produits pas très loin, puis des colis de viande ou des plateaux de fromages. Objectifs : la convivialité de quartier ou de village, la découverte de nouvelles saveurs…

En fait, il y en a pour tous les goûts : paniers “malins” axés sur l’économie budgétaire, colis “gourmands” pour les gastronomes, GAL, GAS ou GASAP pour les groupes d’achats solidaires avec l’agriculture paysanne, etc.(1) Deux mots clés pour qualifier le fil rouge de ce bouillonnement : le proche et le petit. Manifestement, le consommateur veut – ne fût-ce qu’en partie – se réapproprier son alimentation. Lassé par l’uniformisation de son assiette, il s’est laissé convaincre de l’aberration écologique consistant à faire venir son alimentation de très loin, à grands renforts d’émissions polluantes.

Un train en marche

Un véritable marché? Au Centre de recherches et d’information des organisations de consommateurs (Crioc), on tempère un peu l’engouement. “Les statistiques sont rares, surtout en Wallonie. Le circuit court ne dépasse sans doute pas, en Belgique, 1 à 2% du chiffre d’affaire du secteur alimentaire, observe Steve Braem. Mais la pérennité de ce phénomène, basé sur la relocalisation de l’économie et la popularité des valeurs écologiques, ne fait aucun doute. Ce qui a démarré il y a environ dix ans n’est pas près de s’arrêter!

Tout le monde s’y met. A Liège, c’est un véritable projet de ceinture maraîchère autour de la ville qui se met en branle (“Aliment Terre”). A Namur, un acteur bien connu de la grande distribution vient d’annoncer l’ouverture d’un supermarché spécialisé dans le circuit court : 400 mètres carrés de produits “locaux”, dont la moitié fabriqués à moins de 50 kilomètres du lieu de vente, le reste étant garanti “made in Belgium”. Les petits producteurs et artisans pourront s’y présenter en direct aux clients potentiels.

Restaurants, hôtels, cantines scolaires, entreprises d’économie sociale : tout le monde embarque dans le train du circuit court. Pains, farines, miels, biscuits, chocolats, viandes et légumes: basta les intermédiaires ! On veut savoir qui nous remplit l’estomac et déguster de nouveaux aliments. Et tant mieux si le monde agricole, dépossédé par les marchés internationaux et les prix en yoyo des matières premières, y trouve lui aussi son compte. Pour certains consommateurs, c’est même le but du jeu (lire ci-dessous). Le politique ne reste pas au balcon : le ministre wallon de l’Agriculture et de la Ruralité, Carlo Di Antonio, s’apprête à soutenir 70 marchés du terroir dans tous les parcs naturels wallons. Et parle par ailleurs d’une centrale de marchés pour alimenter tous les services publics wallons. Son idée : le secteur public doit montrer l’exemple…

Bactéries sous contrôle

Et l’hygiène dans tout cela ? Et la santé du client? Si l’on en croit les contrôles de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca), le consommateur peut globalement dormir sur ses deux oreilles. “Nous n’avons pas de problèmes avec le secteur des transformations à la ferme”, explique Jean- Paul Denuit, porte-parole du “gendarme alimentaire”. Un chiffre parmi d’autres: si les producteurs industriels de fromages, yaourts, glaces et beurres affichent 8,3% de rapports d’inspection défavorables en matière d’hygiène, d’infrastructures et d’installations (en 2011), ce pourcentage chute à 3,4% chez les fabricants des mêmes produits à la ferme. Quant au système d’autocontrôle des lieux de production, imposé par la loi, il semble nettement mieux pratiqué chez les artisanaux (2,6% d’inspections défavorables) que chez les industriels (20,9%). En revanche, les producteurs à la ferme s’y entendent un peu moins bien en matière de traçabilité et d’étiquetage.

Lorsqu’on examine la qualité microbiologique des produits laitiers commercialisés à la ferme, les analyses frôlent ou atteignent la barre des 100% d’échantillons conformes aux normes, pour la plupart des pathogènes. Y compris pour la forme de listéria la plus redoutable (Listeria monocytogenes), responsable de la listériose. Avec des exceptions notables, toutefois, comme la présence de staphylocoques, d’entérobactéries et, surtout, de l’Escherichia coli, une bactérie banale mais dont certaines souches pathogènes méritent une surveillance rapprochée. Là, les pourcentages peuvent chuter jusqu’à 76 ou 80% de conformité.

Vigilance élémentaire

A la Cellule qualité des produits fermiers (CQPF), qui accompagne les petits producteurs wallons dans leur développement économique et sanitaire, on confirme que la situation est globalement bonne, les échantillons non-conformes ne présentant que très rarement des concentrations dangereuses pour la santé. De là à dire que tout est rose, il y a un pas. “La consommation de produits fermiers ne pose pas de problème pour les personnes en bonne santé, estime Marianne Sindic, coordinatrice de la CQPF.”

Si rassurants soient-ils, de tels constats n’ôtent aucunement la pertinence des conseils classiques en matière de conservation des aliments, particulièrement sur le maintien de la chaîne du froid. Car les particuliers acceptant de stocker chez eux des produits frais, l’espace de quelques heures, avant de les redistribuer aux voisins et amis ne sont pas contrôlés. Et là, tout reste possible : local ou frigo défectueux, distraction, négligence…

// PHILIPPE LAMOTTE

(1) Consulter, à ce sujet, le Réseau des consommateurs responsables 0473/ 39.39.42 - www.asblrcr.be

Tôdi les p’tits qu’on spotche !(1)

Entre l’Afsca et le circuit alimentaire court, il n’y pas d’histoire d’amour. Deux visions de la production et du commerce alimentaires s’affrontent, encore et toujours. Dix ans, à peu près, que cela dure.

Dix ans de plaintes et de récriminations à l’égard de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. Les petits producteurs, abatteurs, transformateurs crient à l’étranglement. Ils étouffent sous la paperasse toujours plus abondante. Mais, surtout, sous les contraintes coûteuses et incessantes d’aménagements de leurs locaux et matériel.

Quand les inspecteurs débarquent, bonjour le stress! Car gare à celui qui n’a pas : clôturé ses parcelles maraîchères (contre les renards), détruit les nids d’hirondelles dans l’étable transformée en atelier (contre les fientes) , consigné en bonne place la température de ses frigos (contre la contamination microbienne), entreposé séparément certains produits et ingrédients (contre les risques d’intoxication) , veillé à installer des surfaces lavables et bactéricides dans son atelier (sans angles, svp!), prévu un quai de déchargement normalisé, installé un vestiaire avec lavabo, acheté le bon savon désinfectant... Stop, n’en jetez plus ! Et c’est sans compter le coût des analyses, désormais à la charge des producteurs environ 2.800 euros annuels, par exemple, pour le fabricant de trois produits laitiers s’approvisionnant en l’eau avec celle de son puits. Assez dissuasif, estime-t-on chez Nature et Progrès et à la Fugea(2), pour un fromager soucieux de se reconvertir ou de se “lancer” dans le produit de proximité.

S’adapter, mais jusqu’où ?

Face à ce mouvement de grogne, voire de colère dans les campagnes, l’Afsca a assoupli ses pratiques. “Pas les normes, s’empresse toutefois de préciser Jean-Paul Denuit, son porte-parole. Sous la pression des règles européennes, celles-ci se doivent d’être égales pour tous les produits à des fins de sécurité du consommateur”. Mais l’Agence a adapté certaines règles de gestion administrative, créant par exemple des exceptions dans le régime d’agrément et d’autorisation pour les ‘petits’ acteurs. Elle a aussi créé une cellule de vulgarisation, édité des guides d’autocontrôle, publié un fascicule spécifique sur la transformation à la ferme. “Nos inspecteurs ne font ni dans l’automatisme ni dans l’arbitraire. Depuis des années, ils agissent sur la base de listes de contrôle dont chaque critère est pondéré objectivement”. De plus, une sorte de guichet unique, destiné à tous les acteurs du circuit court, est en préparation à l’Agence.

Mais manifestement, cela ne suffit pas à convaincre les défenseurs du terroir et de la paysannerie. Petits producteurs et transformateurs continuent à crier au loup, voire à ‘l’Inquisition’. Certains réclament, chez les inspecteurs, une véritable connaissance du terrain. Et veulent qu’ils n’agissent pas seulement comme contrôleurs, mais aussi comme accompagnateurs ou même conseillers. C’est une partie du problème : le contrôleur peut-il aussi être une forme d’aidant, de superviseur bienveillant? Lors d’un récent colloque de l’Afsca, un de ses plus hauts cadres a clairement répondu que cette double casquette n’était pas dans les missions de l’Agence. Existentiellement impossible ! Mais, sur le terrain, certains inspecteurs font ce qu’ils peuvent pour aider, conseiller, encadrer… Prêtant dès lors le flanc à la critique d’une certaine subjectivité ou du “deux poids, deux mesures”. On n’en sort plus…

L’hygiène à tout prix

D’autres, parmi les contrôlés, ne veulent pas être étiquetés comme les “exceptions” à ménager. Pour eux , c’est tout le système agroalimentaire qu’il faut revoir. On se trompe de cible, expliquent-ils : l’Agence ne travaille plus pour ce qui a motivé sa création après la crise de la dioxine – la sécurité alimentaire – mais bien pour la défense du modèle agroindustriel dominant . Ils s’étonnent de ce que l’Afsca, taxée de super-hygiéniste, ne se montre pas plu s sévère sur les nombreux résidus de pesticides ou de produits chimiques dans l’alimentation (à action plus lente et moins visible qu’une listeria…), sur les nitrates dans l’environnement, sur les additifs alimentaires cancérogènes, etc.

Toutes sortes de conséquences d’un modèle qui n’a plus autant le vent en poupe qu’autrefois. Mais qui est loin de disparaître, malgré la répétition de crises depuis quinze ans : dioxine , “vache folle”, viande carnée falsifiée, etc.

// PHL

(1) Du wallon au français : “La loi du plus fort a toujours raison des petits”.

(2) Pour l’argumentation complète , consulter www.natpro.be - 081/30.36.90. et www.fugea.be - 081/23.00.37.


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