Alimentation
(15 novembre 2012)
L’éternelle saison des
champignons
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© MaxPPP |
Le royaume
des champignons est à nos pieds. Une petite visite s'impose. Les occasions
ne manquent pas. Les promenades guidées sont idéales pour se familiariser
avec eux... et les déguster en toute sécurité.
Jérôme De Greef est
un éminent mycologue, responsable de département au Jardin Botanique
national situé à Meise. Ses voyages l'emmènent aux quatre coins du monde. Il
est ainsi allé recueillir le savoir des Pygmées sur les champignons qui
composent une part importante de leur alimentation car riches en protéines.
Le mycologue est en partance pour l'Equateur sur la trace de champignons
capables de faire un sort aux résidus de plastique ou au pétrole. Un fameux
atout sur le plan écologique. Mais ce qu'il aime aussi, Jérôme De Greef,
c'est accompagner des groupes de profanes dans les bois et sous-bois, à la
découverte des champignons, une passion qui lui a été transmise par son
grand-père. Un héritage qu'il partage et fait prospérer.
Ça se mange ?
Ce
jour-là, le mycologue accompagne un groupe dans un bois hennuyer. La
consigne donnée aux participants est de s’égailler et de revenir, butin en
mains, en récoltant uniquement des champignons sains, pas trop âgés : des
spécimens habituellement comestibles peuvent en effet devenir toxiques une
fois vieillis ou gelés. Les promeneurs sont enthousiastes et pleins d’espoir
avec leurs paniers aux proportions démesurées… “C’est moins pour y déposer
des pleurotes ou des cèpes que pour y faire coexister sans danger des
champignons glanés ici et là, explique Jérôme De Greef. Par prudence, il ne
faut pas que les champignons se touchent. Les toxiques sont plus nombreux
que les comestibles !”
Parmi les promeneurs, Mathias qui connaît pourtant le
coin, n’en revient pas de la richesse en champignons. “Déjà le long de la
route, j’en voyais. Il y en avait même dans le parterre du rond-point! C’est
étonnant comme le fait d’être invité à regarder permet de voir les choses!”
L’enthousiasme du jeune homme tombe d’un cran lors du tri, un par un, des
fruits de sa cueillette. Retour à la case départ pour la russule pourtant si
amène, le clitocybe, l’amanite tue-mouche et le bolet satan, le bien-nommé.
Claudine, elle, a le choix plus heureux. Parce qu’elle est moins néophyte ?
“Peut-être, sourit-elle. Je participe à ce genre de promenade une fois par
an. Cela me permet d’entretenir mes connaissances en la matière, de
reconnaître les champignons à leur parfum, depuis l’odeur de la compote, à
celle du radis en passant par la pomme de terre. Mais jamais je ne
m’autoriserais à emporter quoi que ce soit sans l’avis d’un spécialiste!”
Attention danger
“Ne jamais rien ramener à la maison sans l’aval d’un
mycologue, c’est bien la recommandation de base”, confirme Jérôme De Greef.
“Récemment, j’ai retrouvé une amanite phalloïde dans le sac d’un participant
à une promenade. Elle se confondait avec d’autres spécimens. L’homme était
pourtant un habitué des promenades champignons… Il y avait de quoi tuer
plusieurs personnes. On a eu chaud.” Se fier à la seule consultation d’un
livre est donc tout à fait déconseillé. Il est illusoire et dangereux de
vouloir déterminer un champignon à l’aide de quelques photos. Le seul moyen
de distinguer les champignons toxiques des comestibles est d’avoir des
connaissances précises sur les caractères distinctifs des différentes
espèces. Ce qui ne s’improvise pas(1).
Prudente, Nicole
s’abstient de ramasser quoi que ce soit. Elle préfère savourer avec les yeux
“les champignons serrés qui ressemblent à des poupées russes et les
armillaires couleur de miel”. Elle adore se nourrir d’histoires, comme celle
du coprin noir d’encre qu’il ne faut pas accompagner d’alcool, car il
contient une toxine, identique à l’antabuse, qui bloque la dégradation de
l'alcool au niveau du foie pendant plusieurs jours. Ou encore le récit de la
découverte, en 1991, d’Ötzi, une momie du néolithique, parmi les attributs
de laquelle on trouve des champignons, des polypores du bouleau,
probablement à usage médicinal, enfilés sur une lanière de cuir. “Je me
régale de ce que j’entends, de la vision de la forêt, du bruit des pas, des
commentaires parfois drôles ou inspirés que peuvent faire les uns et les
autres, confirme-t-elle. Finalement, ces promenades sont de haut-lieux de
spontanéité!”
Terre de champignons
La Belgique est connue comme une “terre
de champignons”. Elle est le troisième pays d’Europe en diversité de
champignons, après l’Italie et la France. L’Ardenne et le Condroz, en
particulier, sont les régions dans lesquelles on peut observer le plus grand
nombre de variétés… Mais des promenades sont organisées à peu près partout,
tout au long de l’année, car les champignons ne sont pas chiches et
répondent toujours présents. Ne nous privons donc pas de découvrir in situ
une jolie panoplie de noms, de formes, de couleurs et d’odeurs !
Rappelons-nous aussi que les champignons, riches en protéines, vitamines et
minéraux, méritent d’être régulièrement au menu de nos repas.
Un dernier
conseil : faire un petit tour au Centre d’interprétation du champignon, à
Sainte Ode(2). Baptisé Champimont, il permet d’approcher
le monde mystérieux et captivant des champignons grâce à une centaine de
maquettes réalistes implantées dans un décor naturel reconstitué. Une salle
de culture du pleurote, des projections et des microscopes complètent
agréablement la visite. Celle-ci peut être prolongée chez soi en acquérant
un programme très complet de détermination des champignons avec jeux,
recettes et documentations.
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VÉRONIQUE JANZYK
(1) Les activités
des cercles de mycologie permettent d’acquérir de bonnes connaissances de
base.
(2) Champimont, 2 Rechimont - 6680 Sainte Ode -
061/68.81.18. www.champimont.be - Entrée adulte: 3 EUR.
>> Infos sur les promenades guidées : Association des mycologues
francophones de Belgique: 042/50.52.01. -
www.amfb.eu et
Cercles de naturalistes :
www.cercles-naturalistes.be
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