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Actes techniques (1er avril 2010)

 

Quand l'hypnose entre en salle d'op'


 

Dompter la douleur par l’hypnose

S’il est évident que la douleur est d’abord une expérience sensorielle, il ne faut pas sous-estimer sa charge émotionnelle. C’est pour cela qu’un état de conscience modifiée par l’hypnose peut aider à la dominer.

La douleur, on connaît ! On la sent. Et cela, grâce à des mécanismes qu’elle déclenche, notamment au niveau du cerveau. Celui-ci dispose d’un réseau propre à la douleur : lorsque nous avons mal, différentes zones s’activent, l’une pour jauger la sensation, une autre l’intensité, une autre encore sa modulation, etc. C’est pourquoi nous sommes soulagés par les médicaments qui bloquent ces mécanismes mais aussi, s’ils ne suffisent plus, nous pouvons modifier notre perception de la douleur. Car la douleur n’est pas qu’un processus purement physiologique ! “Nous connaissons la douleur, par nos expériences passées. Elle fait donc intervenir non seulement le présent (la douleur est présente), mais aussi le passé (‘j’ai déjà expérimenté cette douleur et je sais à quel point elle peut être intense’) et le futur (avec l’anxiété qu’elle génère par rapport à sa durée, son évolution possible, etc.)”, explique la Professeure Marie-Elisabeth Faymonville, anesthésiste réanimateur au CHU de Liège.

 

Quand la douleur

devient psychosomatique

La douleur peut passer du symptôme à la maladie comme l'illustre la Pr. Faymonville : “Imaginez qu’après une période de chômage, je retrouve un travail. Malheureusement, la veille de mon 1er jour, je me blesse au pied et suis en incapacité de travailler. Cette situation va générer de l’anxiété (que vont-ils penser de moi ?), elle-même génératrice de douleur. Résultat : je prends plus de médicaments pour calmer une douleur plus intense, ce qui peut avoir des répercussions sur mon comportement, ma mémoire, mon moral… Si la situation dure, et que je perds cet emploi, je peux me retrouver dans un état tel que la douleur ne sera plus un symptôme (mon pied est guéri donc ne devrait plus être douloureux), mais une maladie en soi parce qu’elle prend toute la place : la douleur gère ma vie, je suis atteinte dans ma sphère professionnelle, sociale (je refuse les invitations, je m’isole), familiale (mes proches en ont marre de mon apathie, de mes plaintes… alors qu’objectivement, mon pied est guéri). Pourtant, la douleur est réelle ! Par contre, elle n’a plus de fondement physique… Cela parce qu’elle est devenue obsédante.” Il faut donc rompre ce cercle vicieux de la douleur psychosomatique.

 

Changer les idées…

Les personnes qui souffrent de douleurs chroniques s’entendent souvent asséner : “Va en vacances, change-toi les idées et ça passera !” La Pr. Faymonville approuve, à condition que cela ne sous-entende pas que la douleur est “imaginaire”… Car détourner l’attention du patient de sa douleur peut en réduire l’intensité. Pour le prouver, des chercheurs ont demandé à des volontaires de “laisser flotter leur esprit”, d’autres de réaliser des tâches complexes, alors qu’ils étaient soumis à une douleur : celle-ci était moins intense chez les personnes à l’esprit occupé. Idem pour la méditation ou l’hypnose. La personne qui souffre reprend alors le contrôle…

L’hypnose accapare cet esprit, car contrairement à ce que l’on croit souvent, elle n’est pas un état de sommeil mais de conscience modifiée : “Notre concentration est maximale et notre attention entièrement focalisée sur le sujet de notre choix, nous détournant donc de la douleur, de ses représentations et de nos sensations.” Encore fallait-il le prouver! C’est ce qu’a fait l’équipe liégeoise du Cyclotron : des volontaires sous hypnose et d'autres en conscience "normale", soumis à une douleur croissante, devaient l’évaluer alors que la réaction de leur cerveau était observée par scanner. “Résultat : les personnes sous hypnose déclaraient avoir moins mal que les autres et les zones de leur cerveau faisant partie du réseau de la douleur n’étaient quasiment pas activées…” La preuve était faite de l’effet bénéfique de l’hypnose.

 

L’hypnose, pour qui?

La Pr. Faymonville est catégorique : “Tout le monde a la capacité innée de se mettre dans un état de conscience modifiée. Avec un apprentissage par une personne de qualité et éthiquement irréprochable, nous pouvons tous être mis dans un état d’hypnose. Pour gérer la douleur, on se plonge littéralement dans des tâches que l’on aime. Et avec un peu d’entraînement, on peut même se laisser glisser soi-même dans un état de conscience modifiée pour une durée déterminée, avec un retour spontané à la ‘normale’. C’est l’auto-hypnose à pratiquer lors de fortes douleurs, par exemple, en focalisant sur des images adéquates.” Mais elle précise : “L’hypnose est un outil pour vivre avec la douleur, pas un traitement !”

Le centre de la douleur du CHU de Liège forme les patients à l’auto-hypnose(1). Des psychiatres formés peuvent aussi l’apprendre dans leur cabinet. Les patients peuvent alors gérer seuls les épisodes douloureux et être plus indépendants. Mais attention aux gourous et autres personnes malveillantes car l’hypnose met la personne dans un état de grande suggestibilité qui lui fait perdre une bonne part de sa capacité de raisonnement et de jugement ! Le mieux est alors de demander conseil dans un centre de la douleur qui pratique cette technique.

// Carine Maillard

 

(1) Centre de la douleur du CHU de Liège (Sart-Tilman): 02/366.80.33.

centre.douleur@chu.ulg.ac.be

 

 

 

Quand l'hypnose entre en salle d'op'

Une anesthésie est parfois redoutée par le patient. Certains hôpitaux proposent une alternative douce: l'anesthésie sous hypnose.

© Reporters

 

 

 

 

 

 

Pendant l’opération,

l’esprit du patient s’évade grâce à l’hypnose.

Cet état détourne son attention de l’intervention chirurgicale.

 

 

Penser à ses dernières vacances, à un bon moment en famille, à une soirée entre amis, etc. pour se plonger dans un état de relaxation et ainsi, être moins sensible pendant l'opération, c'est ce que permet l'hypnose : être opéré sans douleur en administrant moins de substances anesthésiantes.

“C'est le patient le grand gagnant de ce genre de pratique, affirme la Professeure Marie-Elisabeth Faymonville, anesthésiste au CHU de Liège. Les opérations réalisées sous hypnose permettent au patient de récupérer beaucoup plus vite. En général, on constate qu'il reprend ses activités professionnelles bien plus tôt que lorsqu'il reçoit une anesthésie générale.” Une étude a montré que le retour au travail pouvait se faire treize jours plus tôt chez le patient hypnotisé que chez celui qui a bénéficié d'une anesthésie générale. De plus, les effets secondaires liés à un coma pharmacologique (vomissements, nausées, fatigue…) sont moins présents chez les patients ayant subi une opération sous hypnose. Le Dr. Christine Watremez, anesthésiste pratiquant l'hypnose aux cliniques St-Luc à Bruxelles ajoute : “Nous avons constaté que les patients hypnotisés avaient une meilleure cicatrisation et souffraient moins de douleurs” (1).

 

Quelles opérations?

Etre opéré sous hypnose est possible pour certaines interventions chirurgicales seulement. “Mon chirurgien m'a proposé cette alternative. Je n'y avais même pas songé. Mais j'ai ainsi évité une anesthésie générale”, explique Nicole qui a subi une greffe pariétale (2) sous hypnose. L'important est que chaque acteur se sente à l'aise avec cette technique. Le Dr. Watremez souligne qu’il faut que le chirurgien soit d'accord. “Il est important qu'il ait confiance en la technique et qu'il estime que l'opération se prête à l'exercice”(1). C'est donc un travail d'équipe.

“Les anesthésistes suivent une formation spécialisée de 110 heures ici, à l'Université de Liège. Des étudiants issus de l'UCL et de l'ULB y participent aussi. Ce n'est pas de l'amateurisme, précise la Pr. Faymonville. Et l'hypnose ne peut pas être utilisée pour n'importe quelle opération. Nous la pratiquons pour des interventions de périphérie, plus superficielles, c'est-à-dire des chirurgies plastiques, des ablations de la thyroïde, des opérations dans les zones du ventre, etc.” Cette technique n'est pas réservée à un type de personnes en particulier. Tout le monde, en principe a accès à l'état hypnotique. “Sur 7500 patients opérés sous hypnose, ici au CHU du Sart Tilman, seuls 18 sont sortis de cet état pendant l'intervention. Nous avons dû alors procéder à une anesthésie générale. Ce sont donc des cas très rares!”

 

Peu de médicaments!

“Les médicaments qu'on administre à la personne opérée sont beaucoup moins puissants que les anesthésiants. Ce sont surtout des antidouleurs”, continue la Pr. Faymonville. On parle d'hypno-sédation car il y a quand même une prise, toutefois très faible, de médicaments qui aident en fait à entrer en état d'hypnose. Tout au long de l'intervention, l'anesthésiste reste présent aux côtés du patient. Préalablement, tous deux se sont mis d'accord des sujets à évoquer pendant l'hypnose. La connivence permet de maintenir le processus. “J'avais une totale confiance en mon anesthésiste, explique Nicole. Nous nous étions rencontrées avant l'intervention. Dans le bloc opératoire, il a veillé à ce que je sois bien installée. L'ambiance était tamisée. Tout le monde parlait à voix basse : chirurgien, infirmières, anesthésiste, etc. Il y avait un grand respect de chacun. L'anesthésiste m'a alors parlé d'une balade en forêt. C'est le sujet que j'avais choisi pour me plonger dans l'hypnose.” Au cours de l'intervention, l'histoire racontée est associée aux gestes de l'intervention. Nicole poursuit: “Lorsque le chirurgien a prélevé l'os de mon crâne et que j'entendais certains bruits, craquements, etc., l'anesthésiste continuait l'histoire de ma promenade dans les bois et associaient ces craquements à ceux de branches dans les arbres.” L'intervention de Nicole a duré près de trois heures. “Je n'ai pas vu le temps passer. On m'avait présenté cette hypno-sédation en la comparant à un événement qui nous est déjà tous arrivé : on roule sur l'autoroute et notre esprit voyage dans nos pensées. Et tout à coup, on se rend compte que nous sommes déjà arrivés à destination. L'opération sous hypnose, c'est la même chose.”

La technique se répand en Belgique et à travers le monde. Initiée par la Professeure Faymonville en 1992 au CHU de Liège, de nombreux anesthésistes sont venus se former auprès d'elle pour ainsi permettre aux patients de profiter de cette anesthésie douce dans différents hôpitaux.

// Virginie Tiberghien

 

(1) Extrait de “Saint-Luc magazine” • numéro4 • août / septembre 2009 • pp.16-17

(2) Dans ce cas-ci, il s'agit d'une greffe osseuse permettant d'implanter un morceau d'os issu du crâne dans la mâchoire du patient.


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