Maladie chronique
(5 novembre 2009)
►
lire aussi
l’éditorial d’Alda Greoli, Secrétaire nationale de la MC,
consacré aux
recommandations et propositions concrètes élaborées par la Mutualité
chrétienne. La
mutualité : un syndicat responsable
Maladie
chronique et finances:
un cercle vicieux
Hypertension, maux de dos importants, arthrose, rhumatisme, douleurs
chroniques, diabète, épilepsie, allergie, polyarthrite, acouphènes… environ
quatre ménages belges sur dix sont, d’une manière ou d’une autre, confrontés
à un problème de santé chronique. Un tiers d’entre eux éprouvent
d’importantes difficultés financières, les obligeant souvent à postposer
leurs soins médicaux ou à s’endetter pour se soigner. Telle est l’une des
conclusions d’une vaste enquête réalisée par la Mutualité chrétienne.
Dix
ans après sa première étude sur la situation financière des personnes
souffrant d’une maladie chronique, la Mutualité chrétienne a relancé une
importante enquête pour analyser l’évolution de la situation(1).
Elle a ainsi pu mesurer l’ampleur des problèmes financiers des familles dont
un ou plusieurs membres sont confrontés à des problèmes de santé de longue
durée.
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@ Jürgen Doom |
L’enquête a été
réalisée en 2008 auprès de membres de la Mutualité chrétienne, de
manière à ce qu’elle soit représentative de la population du pays
(répartition linguistique, par classes sociales, par catégories d’âge et
par sexe…). Grâce à l’étroite collaboration des services sociaux de la
Mutualité et des mouvements Altéo et UCP (et leurs équivalents
néerlandophones Ziekenzorg CM et Okra), 5.748 questionnaires détaillés
ont été complétés. L’équipe des chercheurs a ainsi pu récolter de
précieuses informations sur la manière dont les personnes perçoivent
leurs problèmes de santé, se soignent, assurent leurs dépenses de santé,
gèrent leurs revenus, etc. Elle a également pu dresser un tableau
complet des frais de santé qui restent à charge des ménages après
remboursement par l’assurance soins de santé.
«Cette étude se
distingue des précédentes en ce sens que les participants ont été recrutés
indépendamment du bénéfice éventuel de l’une ou l’autre intervention
spécifique en faveur des ‘malades chroniques’ et/ou de l’appartenance à l’un
ou l’autre groupe de pathologie, explique Hervé Avalosse, un des
chercheurs. Nous avons pris le parti de laisser les personnes juger
elles-mêmes du caractère chronique ou non des problèmes de santé, graves ou
moins graves, qu’elles, ou un de leurs proches, vivent».
Problèmes de santé,
problèmes financiers
Les résultats laissent
apparaître qu’environ quatre ménages sur dix sont confrontés à des problèmes
de santé de longue durée. Et un ménage sur huit connaît des difficultés
financières du fait des dépenses de santé.
Les isolés et les
couples dont les enfants ne vivent plus à la maison sont les plus nombreux à
éprouver des problèmes chroniques de santé. Leur âge moyen se situe autour
de 55 ans. Les pathologies les plus fréquemment mentionnées sont les
affections chroniques des articulations comme l’arthrose ou le rhumatisme,
l’hypertension, les maux de dos importants (ex. hernie) et la douleur
chronique.
Les ménages qui
éprouvent des difficultés financières en raison de problèmes de santé
chronique dépensent environ 200 euros par mois en frais de santé. Mais pour
certains, la facture peut être bien plus élevée: 25% payent plus de 250
euros par mois pour leur santé et y consacrent 15% de leurs revenus.
Le coût est un peu
moindre pour les familles qui n’éprouvent pas de difficultés financières en
lien avec la maladie chronique d’un des leurs: elles dépensent en moyenne
140 euros par mois.
Quant aux familles non
confrontées à la maladie chronique, elles déboursent quand même en moyenne
quelque 76 euros par mois en soins de santé.
Les ménages confrontés à
des problèmes de santé chroniques consacrent une grande part de leurs
dépenses de santé aux médicaments. Viennent ensuite les frais de transport,
les services d’aides à domicile (aides ménagères et familiales), les
consultations des médecins et les frais d’hospitalisation.
Il apparaît que les
dispositifs d’intervention existants comme le MAF ou les forfaits de
l’assurance soins de santé, ne compensent qu’une faible part des frais de
santé déboursés par les ménages. La grande majorité des personnes qui en
bénéficient sont d’ailleurs marquées par une perte d’autonomie
significative.
Se priver de soins
ou s’endetter
L’enquête dévoile que la
moitié des ménages éprouvant des difficultés financières en raison de
problèmes de santé chroniques n’en sortent pas, leurs revenus étant
insuffisants pour payer leurs frais de santé à côté de toutes les autres
charges. 22 % se font aider par des amis, parents ou organismes sociaux et
12 % ont dû emprunter pour payer leurs soins. Plus de la moitié sont obligés
de renoncer à des soins nécessaires, ou décident de les reporter. L’achat de
lunettes, les soins dentaires, les consultations chez le médecin et les
médicaments sont les plus souvent cités par les personnes.
«De manière générale,
les risques de précarité sont plus élevés chez les personnes isolées, dans
les familles monoparentales et dans les ménages avec une personne invalide,
en raison de revenus faibles ou modestes,
assure Hervé Avalosse. La maladie
chronique accroit encore cette précarité et place les familles dans des
arbitrages douloureux en termes de dépenses. Le fait d’être locataire de son
logement fragilise aussi les ménages sur le plan financier».
La situation des
familles confrontées aux problèmes de santé chroniques s’est-elle améliorée
ces dix dernières années? S’il n’est pas possible d’avancer des chiffres
pour y répondre, l’on peut toutefois affirmer avec certitude que les frais
de santé restant à charge des patients sont du même ordre de grandeur que
ceux mis en évidence dans l’enquête menée en 1997 par la Mutualité. Bien
entendu, depuis lors, des mesures ont été prises en faveur des malades
chroniques, et des dispositifs mis en place pour améliorer l’accès aux soins
de santé. Mais c’est loin d’être suffisant. Et c’est sur tous les fronts
qu’il faut agir pour lutter contre la précarité sociale…
Joëlle
Delvaux
(1) «Les malades chroniques en Belgique: impact sur la
situation financière des ménages» - Hervé Avalosse, Sigrid Vancorenland, Raf
Mertens, Jacques Boly – Alliance nationale des Mutualités chrétiennes –
Juillet 2009 –MC-Informations n°237 – septembre 2009. Rens.: 02/246.42.38. –
La revue est téléchargeable sur le site www.mc.be
(rubrique Infos et actualités).
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Témoignage |
“Les études de mes filles sont ma priorité” |
A
l’âge de 23 ans, Martine L, hôtesse de l’air, a développé des maladies
auto-immunes à la suite d’une infection virale par cocsakie. Un glaucome
détecté à l’âge de 32 ans a aggravé les pathologies existantes.
Aujourd’hui, 30 ans
après, Martine bénéficie d’indemnités d’invalidité et d’une allocation
d’intégration. Propriétaire de sa maison, elle habite en région rurale avec
ses deux filles étudiantes pour lesquelles elle ne perçoit qu’une petite
aide financière du Service des créances alimentaires, son ex-mari ayant
quitté le pays et n’assurant plus ses obligations alimentaires depuis
longtemps.
«Depuis quinze ans, je
me soigne avec des anti-inflammatoires qui ont complètement endommagés mes
voies digestives. Rien qu’en médicaments, je débourse entre 150 et 200 euros
par mois, malgré que je bénéficie de l’intervention majorée en soins de
santé, raconte Martine. J’ai aussi de gros frais de transport pour me rendre
chez les médecins. Une fois que je retire toutes les charges
incontournables, il me reste environ 300 euros par mois pour vivre. J’ai
donc fait une croix sur une alimentation de qualité, sur les loisirs aussi.
Ma priorité va à l’éducation et à la scolarité de mes filles. Elles sont
chacune en kot mais vivent avec très peu d’argent en semaine».
Martine a clairement
renoncé à des traitements pointus et coûteux qui, pourtant, la soulageraient
par rapport aux maladies auto-immunes dont elle souffre… «Tout comme les
soins dentaires, ce sera pour plus tard, quand mes filles seront
financièrement autonomes», se résigne-t-elle.
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Témoignage |
“J’ai perdu les 2/3 de mon revenu professionnel” |
A
57 ans, Martine N. souffre de fibromyalgie, un syndrome dont les causes sont
méconnues et qui se caractérise par des douleurs musculo-squelettiques
persistantes et récurrentes dans tout le corps, et une fatigue intense.
Contrainte d’arrêter de travailler il y a neuf ans, cette ex-cadre a vu ses
revenus nets chuter de deux tiers lorsqu’elle a commencé à percevoir ses
indemnités d’incapacité de travail, ce qui a fait baisser fortement son
niveau de vie et l’a éloignée de son réseau d’amis. «A un certain moment,
avec l’approbation du médecin-conseil, j’avais envisagé de reprendre le
travail à mi-temps mais mon employeur n’a pas accepté parce que je suis
cadre. Je me suis rendu compte que financièrement, j’aurais été perdante de
toute façon».
Aujourd’hui, Martine vit
seule dans son appartement à Bruxelles. «Comme je suis propriétaire et que
mes revenus sont, de peu, supérieurs à la limite légale, je n’ai pas droit
au tarif préférentiel en soins de santé. Je suis donc en quelque sorte
pénalisée parce que je suis propriétaire. Pourtant, j’ai peu de moyens et je
suis obligée de puiser tous les mois dans mon épargne alors que je me prive
de beaucoup de choses!»
Pour se soigner, Martine
prend le minimum de médicaments afin d’éviter les effets secondaires et les
risques de dépendance. Par contre, elle s’est tournée vers des thérapies
douces: micro-kinésithérapie, yoga, relaxation, aromathérapie… «Certaines
thérapies coûtent chers mais elles me font du bien car elles soignent en
même temps mon corps et ma tête. De même, les longues promenades et les
séances de relaxation que je pratique chez moi régulièrement m’apaisent et
me procurent un véritable bien-être. C’est comme cela que j’arrive à
apprivoiser ma maladie…»
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