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Santé (7 janvier 2010)


Jeunes

Ados et maladies chroniques :

l’essentielle communication

 

L’adolescence est une période de remise en question des valeurs parentales et de l’autorité. Lorsqu’ils sont confrontés à la maladie chronique, les jeunes traversent cette période avec plus de difficultés encore, relâchant, voire abandonnant leurs traitements médicaux avec les risques que cela comporte pour leur santé. Voici quelques pistes pour accompagner et aider les jeunes malades chroniques à prendre en charge leur santé.

 

© ChederrossReporters

 

 

 

 

 

 

La maladie chronique

implique une discipline

de vie souvent remise

en question à l'adolescence.

 

 

Portes qui claquent, chambre refuge, échanges vifs, nouveau look … Bon nombre de parents se découvrent soudain parents d’enfants nouveaux, aux comportements hérissés de piquants parfois, aux retranchements plus fréquents, aux étranges grognements en réponse aux questions posées. Rythme de vie modifié, veille et réveil… tardifs, tentations pour les interdits ! Voilà les parents plongés dans une ère nouvelle : celle de l’adolescence de leur enfant, de leur remise en question des valeurs parentales, passage obligé vers l’autonomie.

 

Tous ces comportements correspondent à une phase normale du développement de l’enfant. Parmi ces adolescents, certains ont à suivre de près un traitement parce qu’ils souffrent d’une maladie chronique. Ils doivent s’imposer une certaine discipline de vie liée à leur état de santé. Mais voilà: ces jeunes n’échappent pas aux tumultes liés à cette période de la vie. Et ces tumultes peuvent avoir des conséquences sur leur adhésion aux traitements. Ainsi, des études ont montré que 30 à 50% des adolescents malades chroniques passent par des épisodes de non-adhésion à leur traitement (1). Il apparaît donc urgent, pour accompagner l’adolescent malade chronique, de le considérer non pas seulement comme un malade à soigner le mieux possible mais aussi comme un adolescent avec ses questions, ses émotions, ses envies de sortir du cadre défini par les adultes, sa quête identitaire…

 

Une approche globale

Isabelle Aujoulat est Docteure en santé publique (1). Après dix années passées dans un service de promotion de la santé en France, elle a choisi de favoriser l’émergence d’

une pratique médicale qui mette davantage l’accent sur le versant psycho-social de l’adolescence confrontée à la maladie chronique.

Pour illustrer cette non-adhésion au traitement, souvent observée à l’adolescence, elle raconte le cas de Jérémie, âgé de 14 ans, victime du diabète. « Même si ses parents sont encore souvent ‘derrière lui’ pour vérifier s’il n’a pas oublié son sac de sport ou son abonnement de train,

Jérémie apprécie de pouvoir faire de plus en plus de choses par lui-même. Pour la gestion du diabète, c’est pareil. Un jour, il a fait une hypoglycémie juste après un match de football, alors qu’il venait de marquer un but ! Il s’est mis à trembler et transpirer… Tout le monde le regardait, lui demandait ce qu’il avait…! La honte… ! Depuis, il a peur à chaque match. Peur que la partie ne s’interrompe à cause de lui, peur que tout le monde le dévisage à nouveau… Alors, il a décidé de ne plus prendre d’insuline les jours où il y a match. C’est vrai qu’il doit tricher un peu et mentir à ses parents… ». Lors des consultations médicales, où souvent l’un des parents est présent, les médecins ont l’habitude de demander à l’adolescent : « T’arrive-t-il d’oublier de te soigner ? ». La question posée ainsi, entraîne en général une réponse négative car le jeune hésite à « avouer », surtout en présence de ses parents, qu’il lui arrive de ne pas se soigner pour de multiples raisons, pas nécessairement par oubli. Il en ignore les risques mais n’entrevoit pas de place pour une discussion franche avec son médecin. « Un médecin connaissant cette composante de l’âge adolescent veillera à ouvrir ses questions, à demander ‘t’arrive-t-il de ne pas prendre ton traitement ?’ de façon à permettre au jeune d’expliquer ce qu’il ressent et de dire sa réalité ».

 

En Angleterre, une étude a été réalisée auprès d’adolescents souffrant de maladies chroniques pour comprendre comment ils se représentent une communication efficace avec leur médecin (2). Rassemblés en petits groupes, ils ont aidé à mettre en lumière les éléments, les pratiques, les obstacles à leur prise en charge adéquate en matière de traitements. Ils ont, par exemple, souligné que la présence des parents peut agir comme un inhibiteur. « Souvent le médecin parle avec nos parents et ne nous voit même pas », ont dit certains. 

 

Dans les pays industrialisés, sur les 10 à 15% d’adolescents âgés de 12 à 19 ans souffrant d’un problème de santé chronique, 30 à 50 % ne suivraient pas leur traitement de manière adéquate (3). Cela peut, bien sûr, avoir des répercussions sur leur qualité de vie à court et à long termes, voire même sur leur survie. Isabelle Aujoulat plaide donc pour une approche psycho-sociale de l’accompagnement de ces jeunes, tenant compte de leur manière de vivre leur adolescence, laquelle n’est donc pas sans incidence sur leur état de santé. « Il est essentiel de mieux comprendre leurs réactions sociales et émotionnelles pour mieux les aider vers une autonomie accrue dans la prise en charge de leur santé. Il faut mener une stratégie qui prenne en compte toutes les composantes de la personne », souligne Isabelle Aujoulat. 

 

Puisqu’il existe des interactions entre la maladie, l’adolescent et son environnement immédiat, le monde médical doit en tenir compte pour permettre au maximum l’adhésion du jeune à ses traitements, sans pour autant compromettre sa qualité de vie. « Il est évident que vivre avec une maladie chronique à l’adolescence peut représenter un fardeau majeur, insiste Isabelle Aujoulat. Le jeune peut se sentir stigmatisé, marginalisé et contraint de revoir ses aspirations, ses projets. Avoir des relations amicales, faire partie d’un groupe – des éléments très importants à ce stade de l’existence – peuvent être compromis et ce n’est pas sans conséquence sur le bien-être».

Comment amener l’enfant à développer un fort sentiment d’identité qui lui permette de traverser, sans prendre trop de risques mais tout en réalisant ses aspirations, toutes ces difficultés ? Comment mieux l’accompagner jusqu’à l’âge adulte ? Ce sont des questions auxquelles la chercheuse et ses confrères tentent aujourd’hui d’apporter des réponses.

 

Etre parent d’un enfant malade pour toujours

Isabelle Aujoulat confie: « Si dans l’enfance, l’adhésion au traitement est le reflet de l’adhésion parentale, à l’adolescence, opposition aux parents et goût pour le risque peuvent donc modifier l’adhésion. Accompagner l’adolescent dans un processus de transition pour l’amener peu à peu à se prendre davantage en charge: voilà l’enjeu. Il faut parvenir à une forme de coresponsabilité, l’exprimer clairement, définir le rôle de chacun, le parent demeurant néanmoins une personne de référence. Il faut anticiper ce qui va forcément arriver et ainsi permettre au jeune d’exprimer ce qu’il vit. L’adhésion au traitement est la partie émergée d’un iceberg et, au-dessous, se trouve toute la face cachée, la vie secrète de l’adolescent, tout ce qui contribue à sa construction identitaire : ses expériences de vie, ses relations à ses proches et à soi-même».

En ce qui concerne les parents, il arrive que la compétence parentale normale entre en conflit avec ce qui est attendu du parent qui soigne son enfant. Ainsi, dans certaines familles, la maladie de l’enfant occupe toute la place dans la relation. Dans d’autres, au contraire, les parents sont dans le déni. Il est primordial que ceux-ci puissent, de temps à autre, avoir recours à l’entourage pour éviter de se replier sur leur enfant et sa maladie, ce qui ne serait pas bon pour le développement harmonieux de celui-ci. Il faut éviter de faire de la maladie une cause de tous les dysfonctionnements dans la relation. Elle agit parfois comme un révélateur. Souvent, les parents eux-mêmes ont besoin d’être aidés : répondre à la fois aux besoins médicaux de leur enfant et à ses besoins « normaux » de développement peut représenter un véritable défi !

 

Isabelle Aujoulat plaide pour des groupes de parole qui aideraient à mieux cerner les enjeux, à mieux mettre en place les façons d’y répondre. Les discussions pourraient s’articuler autour de deux axes, explique-t-elle : la gestion de la maladie, d’une part ; chacun pourrait échanger ses « trucs » face à telle ou telle situation, dire ses pratiques de parents et cela pourrait aider les soignants également car, il n’est pas toujours facile pour eux de savoir jusqu’où aller dans les questions qui sortent du cadre purement médical. Et, d’autre part, la représentation de soi, la question de l’identité et de la compétence parentales lorsqu’on a un enfant qui vit et grandit avec une maladie chronique. Ces nouvelles approches de la relation parent/adolescent malade chronique/personnel soignant gagnent du terrain dans les formations médicales. Isabelle Aujoulat y croit et enseigne aujourd’hui dans ce sens. « Médecins et infirmiers doivent s’autoriser à aller plus vers l’inconnu que représente chaque patient. Les soignants ont été formés à apporter des réponses. Or, dans la maladie chronique, on doit chercher la réponse ensemble ».

 

En parler ensemble… pour mieux prévenir

Il en va de même pour les jeunes. Des expériences montrent l’importance et l’efficacité thérapeutique de permettre à des adolescents vivant avec une même maladie chronique de se rencontrer dans le cadre de groupes de parole, d’interventions d’éducation pour la santé ou encore de camps de vacances. Ces réunions permettent aux jeunes d’échanger sur ce qui leur pose problème mais aussi sur ce qui va bien dans leur vie. Et ils apprennent beaucoup les uns des autres. Isabelle Aujoulat souligne toute l’importance d’un accompagnement à long terme, réalisé par des équipes pluridisciplinaires, formées en éducation pour la santé et sensibilisées aux besoins psychosociaux des adolescents vivant avec une maladie chronique.

// Laurence Delperdange

 

(1) La maladie chronique implique une discipline de vie souvent remise en question à l’adolescence.

(2) Accompagner l’adolescent dans un processus de transition pour l’amener peu à peu à se prendre davantage en charge : voilà l’enjeu.

(3) Sur les 10 à 15% d’adolescents âgés de 12 à 19 ans souffrant d’un problème de santé chronique, 30 à 50 % ne suivraient pas leur traitement de manière adéquate.

 


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des élections mutualistes du 7 janvier 2010