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Santé publique (4 octobre 2007)


 

Sicko: “Faut-il vendre sa maison

pour soigner son cancer?”

Avec Sicko, le documentariste-pamphlétaire américain, Michael Moore, signe un nouveau film percutant. Après s’être attaqué au marché des armes dans “Bowling for Columbine”, voilà qu’il s’en prend au système de santé américain dont on sait qu’il n’offre aucune couverture de santé à quelque 46 millions d’Américains - dont 11 millions d’enfants – incapables de payer les primes que leur réclament les assurances privées commerciales.

 

 

 

 

 

 

 

 

Michael Moore,
provoquant et généreux.

 

Adam, un menuisier explique, devant sa scie électrique, qu’à la suite d’un accident, deux de ses doigts avaient été tranchés. Comme on lui demandait 12.000 dollars pour recoudre l’annuaire et 60.000 dollars pour le majeur, il s’est retrouvé devant un choix pénible. Ce devait être l’un ou l’autre, puisqu’il n’avait pas les moyens financiers de sauver sa main.

Et cela n’est que le début d’une longue série de témoignages.

Même assuré, on n’est pas sûr d’être soigné… Une mère explique que son enfant est décédé pour n’avoir pu être accueilli dans l’hôpital le plus proche parce qu’il n’était pas agréé par sa société d’assurance. Des femmes ne peuvent soigner à temps un cancer parce que les assurances leur refusent des examens qui pourtant s’imposaient. Une patiente qui coûte trop cher est “déposée” sans précaution particulière (“Ne vous inquiétez pas. Quelqu’un va venir”) devant la porte d’un hôpital plus riche qui pourra, pense-t-on, poursuivre sa prise en charge.

Dans ce système, la moindre affection, le moindre accident, peut se révéler catastrophique. A la maladie viennent le plus souvent s'ajouter perte d'emploi et de revenus. Des couples sont ruinés. Sans moyens, les malades se retrouvent devant des choix impossibles: “Faut-il vendre sa maison ou soigner son cancer?” Que faire quand on ne peut plus que s’endetter ou mourir?

Selon Michael Moore, 18.000 morts peuvent être imputés chaque année à ce système qui fonctionne selon la logique du profit, la première fonction des sociétés d’assurance étant de rétribuer leurs actionnaires. Les Etats-Unis ne sont-ils pas le pays où les institutions de santé sont le plus souvent cotées en Bourse ?

Les employés des compagnies d’assurances commerciales expliquent comment celles-ci font la chasse aux mauvais risques en recherchant, dans le passé médical des assurés, le détail qui pourrait suggérer que la maladie existait avant la conclusion du contrat d’assurance. L’intervention des lobbyistes, qui paient des hommes politiques pour orienter leur travail législatif, bloque toute réforme de protection sociale en finançant les campagnes électorales des élus (de tous les partis) qu’il est ensuite aisé d’influencer.

 

Sur des chemins américains

Malheureusement, Michael Moore s’emballe et s’égare en se faisant le défenseur peu critique des systèmes de santé canadien, anglais et français…dont il ne voit que le côté “idyllique”, la gratuité et l’accessibilité. Notre pamphlétaire joue le rôle du naïf étonné devant les propos de quelques citoyens américains (aux revenus confortables) heureux de vivre à Paris et pas malheureux du tout de payer des cotisations sociales! Il se fait sans réserve l’ardent défenseur d’un Etat-Providence qui semble tombé du ciel. Il ironise sur le fait que la riche Amérique ne puisse offrir à ses concitoyens un système de santé aussi généreux. Il omet ainsi de dire que l’assurance-maladie est aussi le résultat d’un long combat social pour la construction d’un système solidaire qui reste à préserver et dont le développement est systématiquement contesté par des sociétés commerciales qui cherchent à récupérer des parts de marché. De plus, notons que la logique de responsabilisation individuelle qui semble prévaloir aujourd’hui sur la solidarité collective pourrait nous conduire sur des chemins américains…

 

Repenser la solidarité

Enfin, c’est dans le plus pur style de la provocation jubilatoire propre à Michael Moore que celui-ci entame le couplet final! 

Peu d’années après avoir tant loué dans de nombreux discours officiels, sous chapiteau et à la télé, le courage héroïque des sauveteurs bénévoles de la tragédie du 11 septembre, voilà que l’Etat américain refuse de prendre en charge ces héros devenus des victimes intoxiquées par les gaz et poussières soulevés par l’écroulement des tours jumelles. Ayant appris que l’Amérique dispose à Guantanamo – territoire américain à Cuba – d’un hôpital de pointe destiné à soigner les détenus présumés terroristes, Michael Moore amène ces bénévoles dans deux petits bateaux et tente en vain de les faire soigner à Guantanamo. Devant le grand silence des autorités de la prison, Michael Moore ne rentre pas aux Etats-Unis… mais poursuit sa route vers Cuba dont les médecins vont prendre ces patients en charge! La provocation est l’arme préférée de Michael Moore. Mais son but n’est pas de dresser les gens les uns contre les autres. Que du contraire ! Il s’agit bien de rénover les solidarités…

Christian van Rompaey

 

Le système de santé américain :

plus cher et moins efficient

Lorsque nous parlons, en Belgique, de réformer notre système de santé, il s'agit avant tout de préserver par une gestion plus efficiente un système qui a rendu accessible à la toute grande majorité de la population des soins de qualité tout en garantissant aux soignants la liberté thérapeutique et le libre choix du médecin pour les patients.

Encore faut-il que celui-ci soit correctement financé afin de pouvoir faire face à une incontournable croissance des coûts due au développement continu des techniques médicales, de l'arrivée sur le marché de nouveaux médicaments très coûteux, des nouvelles attentes des citoyens en terme de confort et de qualité des soins, des effets du vieillissement de la population et de l’augmentation du nombre de malades chroniques… Bref, il est question de protéger et d'améliorer notre système d'assurance-maladie alors qu'aux Etats-Unis, la réforme consiste à répondre à l'augmentation incessante du nombre de personnes n'ayant pas d'assurance-maladie et à la qualité très inégale des soins.

Le film de Michael Moore rappelle - à sa manière - qu’il est faux de penser que “plus cela coûte, plus on est mieux soigné”! Les indicateurs internationaux (OMS ou PNUD) sont très clairs à cet égard.

Ainsi, W. Rodwin,  un auteur américain faisait observer dans les colonnes du journal français Le Monde: “Oui, nous affectons près de 16% de notre PIB aux dépenses de santé, alors que les Français dépensent autour de 10%. Mais les prix de tous les biens et services dans le secteur de la santé sont beaucoup plus élevés chez nous, y compris les salaires du personnel médical et infirmier. L'intensité des soins est aussi plus élevée. Nous avons plus d'infirmières par lit que vous; plus de technologies lourdes et coûteuses…. En outre, nous dépensons beaucoup plus en frais administratifs puisque nous avons des centaines d'assurances différentes: chacune exige des protocoles de remboursement et de vérification différents.

Notre système génère donc pas mal de gaspillage, mais [paradoxalement] nous sommes cependant un laboratoire pour le reste du monde. De nombreux systèmes américains de gestion des services de santé ont été repris ailleurs…” (1)

Il n'y a pas, comme chez nous, de système obligatoire couvrant toute la population. L’assurance publique se limite aux populations les plus fragiles (personnes âgées ou handicapées) couvertes par le programme Medicare tandis que les ménages à bas revenus bénéficient du programme Medicaid. Et les conservateurs, qui ne manquent pas d'humour, n'hésitent pas à dire qu’ils ont “… en fait un système de couverture universelle dans la mesure où tout le monde est couvert à condition de devenir pauvre…” (1). En réalité, aux Etats-Unis, le système est, pour l’essentiel, organisé autour des assurances privées, financées sur la base de primes actuarielles. Davantage basé sur la responsabilité individuelle plus que sur la solidarité, il n’est pas pour autant plus efficace! Ce système finit par coûter très cher aux citoyens et a un impact particulièrement négatif en terme de santé publique.

58% des Américains disposent d'une assurance privée offerte par leur employeur. Mais les prestations varient d'une assurance à l'autre, selon les moyens que l'entreprise peut offrir à l'assurance. Seule une minorité, moins de 3% des assurés, bénéficie d'un système comparable aux autres pays industrialisés, où le patient peut consulter n'importe quel médecin pour n'importe quelle raison et obtenir un remboursement.

Aux Etats-Unis, parmi les gens couverts par leur employeur, la liberté de choix de l'assureur est considérable, mais presque 20% de la population n'est pas couverte. La plupart des non-assurés  sont des employés à petits salaires qui travaillent dans de petites entreprises qui ne peuvent pas payer les primes d'assurance-maladie pour eux. Une étude du National Institute of Medicine a montré que le risque de mortalité chez les non assurés est de 25% plus élevé que chez les assurés.

Aussi, il n'est pas étonnant que l'assurance-maladie soit devenue une priorité Outre-Atlantique dont l'enjeu est bien de rendre accessibles à tous des soins de grande qualité (2).

CVR

 

(1) Vices et vertus du système de santé américain (Le Monde 20 mai 2007).

Interview de Victor G. Rodwin, professeur en économie et gestion des services de santé à la Wagner School of Public Service de la New York University. Celui-ci a publié récemment aux Etats-Unis un essai sur le système français d'assurance maladie universelle.

(2) Lire dans En marche (1er mars 2007) : L'assurance santé, une priorité aux Etats-Unis !

http://www.enmarche.be/Actualite/A_suivre/2007/

assurance_sante_priorite_etats_unis.htm 

 

Quelques indices

Les Etats-Unis sont le seul pays industrialisé au monde qui ne dispose pas d'un système de couverture médicale universelle.

Le montant exorbitant des frais médicaux est responsable de la moitié des faillites individuelles. Trois quarts de ces personnes disposent pourtant d'une couverture médicale.

Selon le rapport sur le développement humain de l'ONU: “… Le taux de mortalité infantile aux Etats-Unis est à l'heure actuelle plus élevé que dans la plupart des pays industrialisés.”

90% des Américains estiment que le système de santé doit être profondément réformé. Deux tiers de la population considèrent que le gouvernement fédéral devrait accorder une couverture médicale universelle à l'ensemble des citoyens du pays.

 


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